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Numéro spécial du Magazine Bledmag, édité à l'occasion du SIEL 2010, en partenariat avec le CCME

mercredi, 13 octobre 2010

Le Maroc, terre d’immigration

Tissages et métissage

Editorial de Driss El Yazami, Président du CCME

Partenaires de la seizième édition du Salon international de l’édition et du livre (SIEL) de Casablanca qui met les créateurs marocains du monde -et de manière générale la migration- à l’honneur, nous ne pouvions pas ne pas « rendre la politesse ». C’est en grande partie chose faite avec ce numéro spécial que l’équipe de BledMag a bien voulu concevoir et réaliser en partenariat avec notre Conseil.

Le résultat est passionnant à plus d’un titre.

L’aventure de l’exil, les défis de l’enracinement et la découverte d’autres contrées et de nouvelles cultures ayant inspiré nombre de nos invités de l’immigration, nous nous devions de montrer, ne serait-ce que par bribes, comment le Maroc a inspiré à son tour les créateurs étrangers venus à sa rencontre et comment cette découverte a nourri leurs œuvres. Tout comme nous nous devions de scruter les traces, parfois invisibles, souvent méconnues, que les vagues migratoires successives ont laissées dans notre histoire.

Il y eut bien évidemment la nuit coloniale, avec sa cohorte d’écrivains sans lendemain, fascinés par ce « Moghreb sombre » (Pierre Loti) empêtré à jamais dans une tradition sans lendemain et qu’il s’agissait de mener -au mieux par la « coercition joviale »- à la modernité. Ce conformisme hautain n’a cependant pas empêché certains pionniers de voir au-delà des poncifs et des préjugés. Abdallah Stouky et Jean-Robert Henry rappellent ainsi les figures de l’aristocrate Jan Potocki, de l’Italien Edmondo de Amicis ou des initiateurs (dont Henri Bosco) de la revue Aguedal, publiée à partir de 1936 et de quelques autres écrivains qui ont fait preuve d’une « curiosité fiévreuse » (Mohamed Jibril) et sans œillères. Ces étrangers, nos frères, sont allés à contre-courant  et ont accepté de se laisser conquérir par les lumières, les sons et les frémissements de ce pays et. D’autres, tel un Robert Barrat iront plus loin en exigeant l’émancipation de son peuple.

Plus près de nous, les écrits d’un Jacques Berque, d’un Elias Canetti ou d’un Alberto Ruy Sanchez -venu du « lointain » Mexique- et l’adoption de la terre marocaine par Jean Genet ou Juan Goytisolo, témoignent d’un universalisme non impérieux et d’une disponibilité à l’autre et à ses apports. A leur image, ils furent des dizaines d’écrivains, d’anthropologues et d’historiens « étrangers », attirés par la cosmopolite Tanger ou passant des mois entiers à recueillir les patrimoines populaires dans les fins fonds des montagnes, sillonnant le pays sans prévention, artisans opiniâtres et patients de la rencontre. Leurs legs fait partie de notre histoire et l’un des mérites de ce numéro est certainement de nous inciter à les découvrir ou à les relire.

On lira aussi dans cette édition quelques pages méconnues de l’histoire de certaines communautés étrangères implantées très tôt au Maroc et que le binôme franco-marocain avait quelque peu reléguées à l’ombre. Les articles consacrés aux communautés russe, espagnole ou italienne mettent ainsi en exergue la contribution du Maroc à la longue histoire de l’immigration et de l’asile, qui ne peut se lire, au Maroc comme ailleurs, que sur la longue durée.

A la lecture d’autres pages enfin, on fera connaissance avec des hommes qui ont façonné une partie de notre environnement urbain et que de nouvelles générations de Marocains essaient ici ou là de préserver du naufrage, faisant à la fois preuve d’un véritable esprit civique et honorant une dette contractée à l’égard de l’Autre.

Comme plusieurs articles le rappellent, le souvenir de ce cosmopolitisme marocain subsiste chez quelques anciens, encore aujourd’hui inconsolables ; ses traces sont dispersées dans des galeries ou des musées, chez des collectionneurs de vieilles photos et de cartes postales, dans les livres bien sûr et dans des bobines de films. D’autres « étranges étrangers » sont aujourd’hui parmi nous. Ce n’est pas le moindre mérite de ce numéro que de nous rappeler une vérité têtue : dans toute histoire de migration humaine, le contact est souvent rude, difficile toujours. Mais à certaines conditions, la confrontation à l’altérité peut aussi se révéler féconde.

 

Février 2010

Pour télécharger l'hors-série, cliquez ici.


NB. La rediffusion du document est possible, merci de prévenir le CCME avant sa mise en ligne : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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