Passionnée par la photographie, Leila Alaoui travaille essentiellement sur les portraits, les spécificités culturelles et la migration. Avec plusieurs réalisations à son actif, elle revient avec le projet «Crossings» dans le cadre de la Biennale-off à Marrakech.
Le Matin : Parlez-nous de votre participation à la «Biennale off» ?
Leila Alaoui : Cette exposition est une initiative de l’architecte Amine Kabbaj, commissaire de l’exposition, qui a invité 7 artistes marocains et internationaux avec des backgrounds très différents pour participer à ce un projet. ce dernier, mêle le travail des artistes avec une touche propre à l’artisanat marocain. Dans ce sens, on nous a imposé a tous un format défini et un certain nombre d’œuvres. 5 seront réalisés par l’artiste et 2 sont le fruit d’une collaboration entre l’artiste et des artisans de notre choix.
Quel est votre apport artistique à l’événement ?
Je présente une série de 5 photographies imprimées sur toile qui représentent une seule œuvre. Puis je présente 2 œuvres en métal martelé créées par un artisan suivant mes indications. Les 7 œuvres au total mesurent chacune 180 sur 60 cm.
Pourquoi avoir choisi de parler de l’immigration ?
La migration, le nomadisme et les identités culturelles sont les principaux thèmes de mon travail. Que ce soit pour la photographie de reportage ou la photographie artistique, je pense qu’il est important en tant qu’artiste de poser des questions et d’engager une réflexion sur les problèmes sociaux. Après un premier travail sur le problème des jeunes marocains et la migration clandestine, «No Pasara», je m’intéresse aujourd’hui au problème des clandestins et réfugiés subsahariens au Maroc. Dans cette nouvelle série, «Crossings», j’ai voulu évoquer les dures traversées des migrants subsahariens à travers une série de photographies abstraites. L’idée était de présenter plusieurs séries d’images qui montrent les différents obstacles que les migrants clandestins doivent traverser avant d’atteindre l’Europe. J’ai essayé de photographier symboliquement : matières, textures et paysages en imaginant le point de vue des migrants confrontés à de nombreuses épreuves physiques.
Comment s’est passé cet échange entre artisans et photographes ?
Le concept de cette exposition était un travail de collaboration entre artistes et artisans marocains. Chaque artiste a travaillé avec un ou deux artisans de son choix dans le but de reproduire 2 des 5 œuvres. C’était un exercice très intéressant, autant pour les artistes que pour les artisans. Je me suis posé de longues questions avant de pouvoir choisir une forme artisanale pour interpréter des photographies. En ce qui me concerne, j’ai choisi le métal martelé. Je suis très contente du résultat, et depuis, je pense à travailler le métal avec des artisans pour une éventuelle série de sculptures !
Quel est le message que vous voudriez transmettre à travers votre participation ?
Le commissaire d’exposition (Amine Kabbaj) a choisi des artistes qui travaillent sur des médiums très différents : peinture, photographie, art numérique, Street-art, etc. Il n’y avait pas de thématique imposée aux artistes, mais un format, un nombre défini d’oeuvres et une collaboration avec des artisans marocains. Nous avons tous dû faire un travail complètement différent de ce que nous avons l’habitude de faire. Cet exercice m’a permis de créer une nouvelle série, mais m’a aussi poussé à penser dans un format différent et de toucher à d’autres médiums. J’ai aussi pour la première fois choisi l’impression photographique sur toile.
Bio-express
A 17 ans, Leila Alaoui quitte Marrakech pour New York. Né à Paris et élevée au Maroc, elle s’est formée au cinéma et aux sciences sociales aux Etats-Unis. Elle a aussi un bachelor of Science en photographie.
Perfectionniste, elle n’hésite pas à mêler la grande photographie et les couches populaires. Pour ce faire, elle parcours toutes les régions du Maroc, son studio mobile sous le bras. Sa spécialité, la photographie d’art aussi bien que le documentaire allant à la rencontre de visages, de sourires, de gestes… A ce titre, son travail est centré sur les identités culturelles, la migration, l’art et le portrait.
8/2/ 2012, Afaf Sakhi
Source : Le Matin