Les propos, qui ont mis la Suisse « en ébullition », ont été publiés lundi sous forme d’encart publicitaire dans le grand journal la Tribune de Genève.
Premier parti de Suisse avec 29% des votes aux dernières législatives, l’Union démocratique du centre (UDC) utilise un projet d’une ligne ferroviaire entre Genève et Annemasse (ville française frontalière), le CEVA, pour monter au créneau, à quelques jours d’élections cantonales.
« Le CEVA? un nouveau moyen de transport pour la racaille d’Annemasse (centre-est de la France)! Expulsons les criminels étrangers! Ne leur offrons pas encore un accès à Genève! », s’emporte-t-il.
La violence des termes a provoqué un tollé dans la Confédération comme en France et au sein même du parti.
« L’UDC a vraiment franchi la ligne rouge. Elle a dérapé avec une démarche xénophobe proche du racisme, voire d’appel à la haine », s’est indigné le maire français d’Annemasse, la ville directement visée, Christian Dupessey (divers gauche), en annonçant son intention de porter plainte.
« Il y a des choses qui ne sont pas acceptables dans le débat politique », a-t-il insisté, rappelant que sur les quelque 60.000 travailleurs qui traversent quotidiennement la frontière de l’arc lémanique, 20.000 sont des Suisses.
« C’est du populisme total, c’est très, très choquant », a renchéri le responsable du parti socialiste genevois, René Longet interrogé par l’AFP.
Il explique toutefois que cette affaire doit être lue dans un contexte de « surenchère » entre deux partis politiques d’extrême droite qui se battent à quelques jours des élections au parlement du canton de Genève.
L’UDC a récemment perdu du terrain face à son principal concurrent, le Mouvement Citoyens genevois (MCG) dont le président Eric Stauffer dit craindre que la ville aux bords du Leman ne devienne un « déversoir pour les 2,9 millions de chômeurs français ».
Cette rhétorique reprise par l’UDC trouve un écho particulier auprès de la population en période de crise.
D’autant que le canton de Genève souffre du taux de chômage le plus élevé de la Suisse (7% en septembre contre 3,9%). Parallèlement, il possède le plus grand nombre de titulaires de permis de travail pour non résidents du pays (65.126 permis en 2008).
Les deux partis de droite jouent sur ces chiffres, aggravés par une réalité locale: des logements plus nombreux et moins chers en France, face à des salaires très gratifiants en Suisse. Pour le MCG, il s’agit d’une situation de dumping social « inacceptable ».
Pourtant, la ville souffre d’un fort déficit de main d’oeuvre dans certains secteurs, qui ne pourraient fonctionner sans l’apport frontalier.
Au delà des problèmes d’harmonisation entre la France et la Suisse, les attaques de la droite radicale révèlent un « phénomène d’accoutumance » en Suisse sur les propos xénophobes, s’inquiète le professeur de l’Université de Genève, Pascal Sciarini.
De fait, l’UDC, qui a été pointée du doigt en septembre par le Conseil de l’Europe sur le racisme, n’en est pas à son coup d’essai.
Après l’affiche montrant un mouton noir expulsé par des moutons blancs, celle des corbeaux noirs picorant le drapeau helvétique, il a sorti la femme voilée devant le drapeau suisse couvert de minarets.
Cette fois, beaucoup de villes ont considéré que trop, c’était trop et ont interdit l’image jugée « haineuse » mercredi par la Commission fédérale contre le racisme (CFR).
AFP