Arrivés par petits groupes, au hasard des itinéraires et de la trahison de leurs « passeurs », 24 Erythréens, 9 Ethiopiens, 8 Somaliens et une Guinéenne, jurent aujourd’hui pour la plupart que le Costa Rica était leur but.
Les autorités ont du mal à les croire et elles les soumettent à des entretiens serrés: aucun d’eux ne parle espagnol et le Costa Rica, même s’il accueille aujourd’hui près d’un demi-million d’immigrés, n’a pas le même pouvoir d’attraction que les Etats-Unis ou le Canada.
En attendant mieux peut-être, ils veulent tenter leur chance à San Jose.
« Nous cherchons un pays démocratique et amical avec les émigrants », témoigne l’un d’entre eux, un Erythréen de 27 ans qui demande qu’on l’appelle Samir, et qui, lui, reconnaît qu’il croyait partir au Canada.
Diplômé en électronique, il a émigré pour « travailler et aider sa famille », restée au pays et qui a vendu une partie de ses biens pour financer son voyage.
Il a payé 7.000 dollars, raconte-t-il, à un réseau de trafiquants qui l’ont abandonné sur la côte caraïbe du Costa Rica après un périple quatre mois via le Soudan, le Kenya, l’Afrique du Sud, puis le Brésil, l’Equateur et la Colombie.
Aujourd’hui, comme ses compagnons d’infortune, il « attend la décision du gouvernement du Costa Rica ».
Et il attend comme eux, dans des cellules partagées avec « des narcotrafiquants et des criminels » en compagnie d’autres immigrés, latino-américains pour la plupart, mais certains aussi venus de Chine, et qui sont là « depuis plus de six mois ».
« C’est dur de vivre ici, nous ne sommes pas des criminels » gémit David, un Ethiopien, 27 ans lui aussi, diplômé en administration des entreprises. Il fait remarquer que la plupart des Africains du centre de rétention « sont instruits et ont un métier ».
Il pourrait ajouter qu’ils ne sont plus exposés au risque d’expulsion, depuis qu’ils ont officiellement porté plainte contre les trafiquants qui les ont escroqués.
Conscients du handicap de la barrière de la langue au cas où on les autoriserait à chercher un emploi, ils ont demandé un professeur d’espagnol.
« Nous ne sommes pas en présence d’immigrés analphabètes ou de personnes déplacées », confirme Julio Aragon, le responsable de l’administration d’accueil des étrangers.
Les immigrés clandestins illustrent « le drame que vit l’Afrique », ajoute-t-il, soulignant en outre « leur triste perspective d’être victimes de trafiquants qui les considèrent comme de la marchandise ».
Les clandestins africains ne représentent qu’une infime partie des centaines de milliers de Latino-américains qui tentent chaque année de gagner les Etats-Unis.
Après avoir abordé la côte de la mer des Caraïbes ou de l’océan Atlantique, ils suivent le flux général par le Mexique, où les autorités ont intercepté au cours du premier semestre de 2009 un total de 164 Erythréens, 153 Somaliens et 77 Ethiopiens, ainsi que 10 Sri-Lankais et 9 Irakiens.
En mars dernier, 50 clandestins originaires d’Ethiopie, d’Erythrée et du Népal, qui pouvaient difficilement s’exprimer dans une autre langue que la leur, avaient ainsi été abandonnés par leurs « passeurs » sur la côte atlantique du Nicaragua. Ils avaient été repérés par les autorités, désorientés, sans papiers ni argent. Ils ignoraient où ils se trouvaient.
AFP