Le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger a organisé, mardi 22 avril 2025 au Salon international de l’édition et du livre (SIEL) à Rabat, une table-ronde rendant hommage à l’écrivain feu Driss Chraïbi, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la publication à Paris des Boucs, premier roman marocain sur l’immigration (1955) et en préparation, en 2026, du centenaire de sa naissance. Deux écrivains franco-marocains ont animé cette table-ronde, à savoir Zineb Mekouar et Mustapha Kebir Ammi, avec la modération de l’universitaire Kacem Basfao.

Les Boucs, dont le titre fait référence à un terme raciste français désignant les Arabes installés à Paris, explore la condition des immigrés nord-africains en France, notamment leur marginalisation et leurs difficultés, à travers une critique sociale forte et un regard réaliste sur leur vie précaire, notamment dans le logement et le travail.
Depuis des décennies, ce roman est aussi étudié pour sa représentation de l’errance et de la reconnaissance des immigrés nord-africains en France d’après-guerre, mettant en lumière les politiques de logement et les discriminations raciales dont ils sont victimes.
Pour Zineb Mekouar, auteure de La poule et son cumin et de Souviens-toi des abeilles,
« Les Boucs a fait entrer la littérature marocain dans la modernité, par la méthode, par l’écriture même et par les thèmes ». La postface du livre, qui a été écrite en 1989, par Driss Chraïbi lui-même, « montre à quel point il était, plus de trente après, toujours d’actualité et qu’il l’est encore en 2025 ».
Aujourd’hui, « il y a toujours ce rapport à l’autre qui est vicié dès le début, cette essentialisation, cette assignation à résidence par l’origine, par la géographie avec ses récits médiatiques et politiques », affirme-t-elle.
Pour « ma génération, l’œuvre de Driss Chraibi est d’une criante actualité et à la fois une immense leçon de littérature » car elle fait foi de contre-récits à toutes ces tentatives de parler à la place de l’immigré et d’utiliser sa condition.
Pour sa part, Kebir Mustapha Ammi s’est rappelé comment il avait connu Driss Chraïbi, dans les années 60, grâce à Driss El Yazami quand ce dernier avait créé le magazine Sans frontières qui s’est transformé ensuite au magasine Baraka, « un outil de lutte culturelle ».
« Le premier roman de Driss Chraibi que j’ai lu était Le passé simple, il a été une piste lumineuse qui s’ouvrait devant moi. Je ne savais pas si je pouvais relever le défi d’écrire comme lui mais c’était cette piste que je voulais si je parvenais à réaliser mon rêve ».
Prenant la parole à cette occasion, Driss El Yazami, Président du CCME, a expliqué que l’idée derrière cette table-ronde « est de permettre à deux générations de nous enrichir avec leurs lectures différentes des Boucs ». Pour lui, « de toute la littérature qu’il y a eu en France sur l’immigration, Les Boucs est l’œuvre phare ».
Même si le roman porte la trace des années 50, « son essence n’a pas été spécifique à cette période et que de manière métaphorique nous sommes dans la même situation », car, « fondamentalement, la difficulté des sociétés européennes, en l’occurrence française, d’accepter cette part d’altérité qui est en elles, d’essayer d’une manière ou d’une autre de la stigmatiser, ml et de la renvoyer en marge de la société est aujourd’hui toujours à l’œuvre ».
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