L’afflux des migrants vers l’Europe éveille des craintes chez certains Européens. Plusieurs citoyens ou représentants politiques affirment qu’il faut limiter cette migration, voire renvoyer les Africains dans leur pays d’origine. Pour certains Européens, les migrants prennent leurs emplois, abusent du système social et sont dangereux. Ces peurs sont-elles fondées ?
Il faut néanmoins rappeler les faits sur les flux de migration : 85 % des migrants fuient dans des pays voisins, c'est à dire dans d'autres pays en voie de développement. Ils se retrouvent par milliers dans les camps de réfugiés. Seuls 15% des migrants arrivent en Europe.
Les migrants prendraient l’emploi des Européens
Malgré tout, les préjugés sont nombreux. Certains pensent que les migrants prennent l'emploi des Européens et qu’il faut les renvoyer chez eux. Ainsi, Marine Le Pen, présidente du Front National en France, affirmait encore récemment : "Il faut les ramener, comme le fait l’Australie, vers leur port de départ. L’Australie a réussi, avec cette politique, à avoir zéro migrants clandestins. Et à avoir zéro morts au large de leurs côtes."
L'impact des migrants
En réalité, les migrants prennent souvent les emplois dont les Européens ne veulent pas. Ainsi, en Belgique, Patricia Chendjou, réfugiée du Cameroun, est ravie de son job dans une usine de fabrication de saucissons industriels. En Italie et dans d’autres pays européens, le système agricole n’est pas viable sans les immigrés : ils sont des milliers à travailler dans les champs lors des récoltes.
Plusieurs études montrent aussi que les réfugiés sont particulièrement motivés et ont souvent un esprit d'entreprise. Selon Abdeslam Marfouk, économiste à l’Iweps, l’Institut wallon de l'évaluation, de la prospective et de la statistique, " certains sont des entrepreneurs, peuvent créer leur propre emploi et probablement créer des emplois, y compris pour les Belges. Je ne pense pas qu’il faut voir l’immigration comme une concurrence et qu’il faut croire que les migrants n’apportent rien à l’économie nationale. "
Les migrants profiteraient de la sécurité sociale
Autre idée préconçue : les immigrés seraient en partie responsables du déficit de la sécurité sociale en profitant du chômage et des aides de l'État. La réalité est bien plus nuancée. Eugenio Ambrosi, directeur régional de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) pour l’espace économique européen, l’UE et l’OTAN, rappelle que " toutes les études qui ont été faites sur le sujet ont démontré que chaque migrant qui arrive en Europe produit plus, contribue plus [aux finances publiques] que ce qu’il ne coûte. Donc ce n’est pas vrai qu’ils profitent des systèmes sociaux. Au contraire, le travail des migrants aide à maintenir les systèmes sociaux des Européens. "
En Europe, les migrants sont même indispensables pour relever le taux de natalité. Comme l’explique Eugenio Ambrosi, " l’Europe est un continent qui est en train de vieillir. Donc on aura de plus en plus besoin des travailleurs migrants dans les prochaines années pour soutenir le marché du travail, le système économique, le système des pensions et les systèmes sociaux en Europe. " D'ici 30 ans, l'Europe aura besoin de 45 millions de travailleurs migrants.
Les migrants sont des criminels
Il y a d'autres préjugés sur les migrants. Ainsi, près d'un Belge sur deux considère qu'immigration et criminalité sont liées. Il y a effectivement un taux élevé de personnes d'origine étrangère dans les prisons. Mais en 2001 déjà, des chercheurs belges ont démontré les raisons de cette situation ; l’économiste Abdeslam Marfouk résume les conclusions de leur étude : " Ils ont montré que les peines sont plus sévères pour les étrangers que pour les Belges. Les étrangers ne bénéficient pas souvent de peine de substitution. Il y a des délits que les Belges ne peuvent pas commettre : le fait de ne pas avoir de papiers de séjour, par exemple, peut faire qu’on se retrouve en prison. Tout cela gonfle les statistiques carcérales. On ne trouve aucun lien entre immigration et augmentation de la criminalité. " Pour cet économiste, il faut donc démonter les préjugés en démontrant la réalité des faits.
L’évolution des mentalités
Malgré tout, les peurs sont bien ancrées. Dans un village de Rosarno, au sud de l'Italie, les habitants ne voulaient des migrants installés près de chez eux. Pour les intégrer, un prêtre a eu l'idée de former une équipe de football avec les étrangers. Aujourd'hui, ils participent même au championnat local. Domenico Bagala, manager de l’équipe de football "Koa Bosco" et volontaire pour "Caritas" est heureux de cette expérience : " C'est une très bonne relation, une relation magnifique et sincère. En deux ans, nous avons créé quelque chose d'exceptionnel, d'unique dans ma vie. " L'accueil souvent chaotique des migrants en Europe ne fait qu'augmenter les préjugés. De leur côté, les instances européennes ont aussi un travail à faire pour effacer les idées reçues sur les étrangers.
17 mai 2015, Aurélie Didier
Source : rtbf.be