Pour Charles saint Prot, directeur de l’observatoire d’études politiques de Paris, »le développement des médias n’a pas abouti, comme attendu, à croitre le niveau de connaissance de la culture de l’autre, mais il a donné lieu, bien au contraire, à moins d’échange et de communication « .
« Il convient de dire à cet égard que l’Occident n’a pas réalisé de progrès dans son approche de la civilisation islamique, réduite au Burka et aux Talibans », a-t-il dit, notant que « lorsqu’il s’agit de questions relatives au monde islamique, le principe d’équilibre dans le traitement de l’information se trouve souvent handicapé ».
Le chercheur, qui s’exprimait lors de la première séance plénière sur « Mondialisation et dialogue des cultures : le rôle des médias dans les relations internationales contemporaines », a tenu à souligner que le succès de tout projet de l’alliance des civilisations passe inéluctablement par le dépassement du traitement unilatéral de l’information par les médias occidentaux.
De son coté, l’ambassadeur du Maroc au Liban, M. Ali Oumlil, a relevé que le danger des technologies de l’information et de la communication réside dans la production d’une marchandise symbolique, qui a une influence directe sur les croyances et la morale.
Il s’agit, selon lui, d’une grande problématique, dans la mesure où « au moment où le monde devient de plus en plus lié, on assiste à une grande rupture induite par les fossés économiques, sociaux et de connaissance entre des mondes différents ».
Et d’ajouter que les médias à large diffusion ont réussi à attirer de larges publics, en s’adressant à des couches sociétales d’un niveau d’instruction assez bas et supposées être facilement influençables.
Pour sa part, le penseur algérien, Mustapha Chérif a souligné que les institutions médiatiques occidentales à large diffusion ne donnent « la parole qu’aux voix protestataires et radicales en les présentant comme le porte-parole du monde islamique, tout en faisant fi des positions rationnelles et judicieuses dans le traitement des questions de cette partie du monde et sa relation avec l’autre ».
« En l’absence de démocratie, tout échange entre civilisations ne sortira pas du champ du « dialogue des sourds », a relevé M. Chérif, faisant remarquer, à ce propos, que la responsabilité de corriger l’image négative de l’islam incombe aussi aux Musulmans, qui se doivent de dépasser les conflits traditionnels et recourir à l’auto-critique.
La journaliste espagnole, Lola Banon a mis, quant à elle, l’accent sur le caractère idéologique du métier de professionnel de médias, « qui relate les évènements, certes, mais contribue aussi à la construction d’approches et de représentations, en cherchant à trop simplifier l’information et favoriser tel ou tel angle « .
Relevant que les médias occidentaux s’intéressent davantage aux positions radicales, la reporter espagnole, qui a assuré la couverture de plusieurs évènements au Proche-Orient, a noté que « les différents acteurs du monde islamique qui défendent la démocratie et l’ouverture envers l’autre ne suscitent aucunement l’intérêt de ces mêmes médias « .
Les médias se trouvent aujourd’hui responsables de la propagation des idées reçues et des représentations négatives de l’islam dans de larges milieux de l’opinion public occidentale, a-t-elle dit.
Les travaux de ce forum, qui se tient cette année sous le thème « Médias et communication : enjeux et défis du troisième millénaire », se poursuivent avec la participation de professionnels de l’information, de représentants d’une soixantaine de chaînes de télévisions, de hauts responsables, des décideurs politiques, d’universitaires, de militants de la société civile, d’académiciens et de sociologues de plus de 80 pays.
« Le quatrième pouvoir : les relations ambiguës entre médias et politique », « Médias arabes et médias occidentaux: interactions et perceptions croisées » et « les médias au Maroc : réalités et perspectives » sont les principaux axes de ce forum, initié par le Centre marocain interdisciplinaire des études stratégiques et internationales (CMIESI).
MAP