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La migration marocaine en Europe : apport mutuel et lectures multiples

dimanche, 18 février 2018

L'ultime rencontre organisée par le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger au salon du livre à Casablanca, lors de cette édition de l'année 2018 a traité de la thématique de l'apport mutuel et des diverses lectures de la Migration marocaine en Europe.  Vincent Geisser (France), Khalid Hajji (Belgique), Mustapha El Mourabit (Maroc).

M. Vincent Geisser*

J11 TR 3 VINCENTM.Geisser, s’est posé une question à la fois simple est complexe à propos de l’attachement à leur pays d'origine des enfants des nouvelles générations de marocains vivant en Europe. Il s’est arrêté sur ce mystère « sociologique » qui fait que des jeunes de la 3ème ou 4ème génération se sentent fiers de leur marocanité malgré la distance géographique. Un "mystère" qui pour le sociologue tient de la persistance de la transmission. Une transmission de la famille, mais aussi grâce à l’évolution de la marocanité qui dit-il a elle-même su « évoluer ».

Le sociologue estime que cette  marocanité est diverse selon les individu et la décrit comme «  une marocanité à la carte », à savoir choisie : « Une carte dans laquelle on va piocher des éléments de cette marocanité qui peuvent être très différents. Elle n’est ni homogène, ni uniforme, mais composite » a-t-il  estimé, ajoutant que nous sommes "passés d’une marocanité subie à une marocanité choisie ». Après avoir évoqué cette marocanité en trois temps : « l’hérésie de la bi-nationalité, puis celle de la désillusion (années 80-90), il a évoqué ce qu'il a appelé la "marocanité retrouvée", citant  l’exemple de ces générations qui se sentent "Français et marocain",  "le retour du drapeau marocain dans la chambre des jeunes", "l’identification à l’équipe nationale". M.Geisser rejette, par ailleurs, en bloc l’idée selon laquelle ce retour aux sources A contrario les discours qui estiment que ce retour aux racines,  résulte de l’échec des marocains dans les pays hôtes. Il cite l’exemple de l’élite d’origine marocaine « ceux qui réussissent ont aussi cette volonté de servir leur pays d’origine".

M.Khalid Hajji*, 

J11 TR 3 HAJJIM.Hajji s’est arrêté de son côté sur l’idée de l’échange. A savoir « que nous donnons, mais oublions ce que nous recevons ». Il s’est appuyé sur des auteurs ayant comrpis qu’une civilisation ne pouvait survivre (ndlr sans les nourritures terrestres pour reprendre André Gide). Citant notamment Ibn Khaldoun qui avançait que lorsque la civilisation donne et prend elle évolue. Alors qu'actuellement les plus extrémistes tentent de faire fi de cette donne qui se résume une nouvelle fois à ce qu’on donne et ce qu’on prend. Il a en outre évoqué Goethe (ndlr le père du Romantisme allemand pour qui les phénomènes culturels s’inscrivent, dans leur construction, toujours dans un réseau mondialisé ndlr) en citant son concept de « Wellitteratur ». 

M.Hajji a aussi rappelé que l’immigration fut d’abord "une force de travail" et non pas une « force  intellectuelle ». Citant Edward Said et ses mémoires (ndlr A contre voie, ed Le serpent à plumes) il s’arrête avec justesse sur l’un des épisodes les plus intéressants de l’ouvrage exceptionnel d’Edward Said qui était chrétien et palestinien et qui s’interrogeait sur la dualité de son nom et son prénom : Edward et Said.  M.Hjji a cité de nombreux ouvrages allant de Brave New World (Le meilleur des mondes de Aldous Huxley) à George Orwell en passant par Sefrioui ou encore Yasmina Khadra afin d’expliquer cette « extention de l’être ».

Mustapha el Mourabit*

J11 TR 3 MORABITDans son intervention M.Mustapha  Mourabit s'est essentiellement intéressé au facteur de l'être, plus précisément de l'humain en général et du migrant en particulier. Une approche eminemment scientifiq

ue - et inédite- sur la complexité de l’être humain et dans ce cas du migrant. Il a insisté sur le fait que les études prenant le facteur humain en compte commencent commencent à peine à voir le jour. Pour M.Mourabit l'on part du principe que l’être humain est supposé avoir compris la dualité. Lorsque l'’on comprend l’autre, cela nous oblige à choisir : la volonté, la culture et celle de ses origines. 

Chaque "Soi" a son "Autre" qui se conçoit à travers l'autre. 

 Autrement dit la découverte de "Soi" se fait à travers l'"Autre" et de ce fait sa reconstruction se fait selon l'"Autre", et inversement. La différence dans l'entreprise de sa conception, sa découverte et sa reconstruction entre le "Soi" (arabo-musulman) et le "Soi" (européen) est que la première est "positive" dans le sens où sa découverte et sa reconstruction se fait à travers "ce qu'il n'a pas", donc, par une procédure de comparaison mécanique, il détecte "ce qu'il n'a pas" et que l'Autre" "a" comme un manque, un moins. Plus clairement, l'on peut parler de  "signe d'infériorité". Cette entreprise procède dans le sens d’acquérir "ce qu'il n'a pas".

Alors que l'entreprise du "Soi" (européen), bien qu'il se compare à l'Autre" (arabo-musulman) à travers "ce qu'il n'a pas", n'est pas dans le souci de l'éviter, et dans le pire des cas, de l'éliminer, puisque "ce qu'il n'a pas" et que l'"Autre" "a" est source perçu sous le prisme d'une certaine forme de "décadence". Tandis que "L ‘autre est dans la culture de l’évitement et ici dans la culture du complexe d’infériorité".

 

 

 

M.Vincent Geisser 

Sociologue et politologue. Chercheur à l’Institut français du Proche Orient (IFPO) de Beyrouth. Il préside aussi depuis 2005 le Centre d’information et d’étude sur les migrations internationales (CIEMI) de Paris. Il est directeur de publication de la revue Migrations Société et membre du Comité de rédaction de L’Année du Maghreb. Parmi ses nombreux ouvrages La Nouvelle Islamophobie, éditions La Découverte, 2003 ; Marianne et Allah ; Les politiques françaises face à la « question musulmane », avec Aziz Zemouri, éditions La Découverte, 2008. Le syndrome autoritaire ; Politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, avec Michel Camai, Presses de Sciences Po, 2003 ; Renaissances arabes : Sept questions sur des révolutions en marche, avec Michaël Béchir-Ayari, éditions de l’Atelier, 2011 et Dictateurs en sursis. La revanche des peuples arabes ; avec Moncef Marzouki, éditions de l’Atelier, 2009 et réédition en 2012).

M.Khalid Hajji

Doctorat de Paris-Sorbonne, professeur-chercheur au département d’études anglo-américaines et membre-fondateur du Groupe de recherche Science et Culture à l’Université Mohammed 1er, Oujda. Il est membre-fondateur du Cercle de Sagesse pour Penseurs et Chercheurs, et du Centre Maghareb (Rabat). Il est Secrétaire général du Conseil européen des ouléma marocains (CEOM) à Bruxelles. Parmi ses publications Lawrence d’Arabie ou l’Arabie de Lawrence, L’Harmattan ; De la modernité et de la créativité arabo¬ musulmane, Centre Culturel Arabe et Abderrahmane et la mer, un roman édité au Centre Culturel Arabe.

M.Mustapha El Mourabit 

Enseignant chercheur. Mustapha El Mourabit a enseigné à la Faculté de Médecine de l’Université Louis Pasteur de Strasbourg et à l’Université Mohamed Premier d’Oujda au Maroc. Ex-directeur de Aljazeera center for studies à Doha au Qatar. Il a dirigé et animé l’émission Oumsya maghribiya, diffusée sur « Aljazeera mubasher ». Il est membre fondateur du Cercle de sagesse pour les penseurs et les chercheurs à Rabat, il est aussi membre de plusieurs comités consultatifs d’études et de recherches ou de revues, aussi bien à l’étranger qu’au Maroc. Il est actuellement chargé de mission au sein du CCME. Il est président du Centre Maghreb des Etudes.

 

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