Image du Maroc au-delà des frontières : réalités et représentations

vendredi, 07 février 2020

Le pavillon du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) au Salon du livre de Casablanca a abrité, vendredi 7 février 2020, une conférence inaugurale sur le thème « image du Maroc au-delà des frontières : réalités et représentations ». MM Abdelllah Boussouf, Secrétaire général du CCME et Jean-Pierre Chevènement, homme politique français sont intervenus à cette rencontre animée par le journaliste franco-marocain Ouadih Dada.

Cette table-ronde soulève, comme l’a affirmé M. Dada, un questionnement profond sur la perception que se font les pays d’accueil des pays d’origine et pose la question des rôles que les ressortissants marocains peuvent jouer dans la diffusion de l’image de leur pays à l’étranger.

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M. Boussouf : la commanderie des croyants est la forme marocaine de la laïcité

Accueillant M. Chevènement, M. Boussouf le définit comme « un intellectuel du dialogue à qui l’Islam de France doit beaucoup, puisqu’il a lancé le processus de la concertation (الاستشارة) qui a été à la base de l’organisation de la religion musulmane de France et du dialogue intracommunautaire et intermusulmans ».

Il a ensuite expliqué les motivations du choix du thème de pavillon CCME au Salon du livre, à savoir « image du Maroc au-delà des frontières : réel et imaginaire ». « Nous sommes 5 millions de marocains à travers le monde et nous ne sommes pas sans savoir que l’image des ressortissants marocains ne peut pas être dissociée de celle du Maroc. On est sans cesse ramené à nous demander quelle est cette image qu’on peut véhiculer, qui ne soit pas imaginaire basée sur les légendes mais réelle qui retrace la vraie histoire de notre pays? ».

Selon M. Boussouf, pour construire une image réelle on ne peut pas faire l’impasse sur la connaissance, une connaissance de soi d’abord avant de s’investir dans la connaissance de l’autre. « Nous avons une connaissance tronquée de l’autre et nous voulons l’imposer à travers notre imaginaire sur l’autre, mais ça ne peut pas nous exonérer de connaître l’autre à travers ses sources à lui », a-t-il précisé.

Une ignorance, explique-t-il, qui ne concerne pas uniquement les immigrés mais également les média et la littérature des pays d’accueil. Il évoque en ce sens l’exemple du traitement de la question de l’Islam : « quand on parle de l’Islam, on parle de radicalisme, on parle de terrorisme mais on ne parle jamais de la religion dans son essence ni de son message de paix, on assiste souvent au choc des ignorances comme l’a défini Édouard Saïd ».

Répondant à la question du modérateur sur l’attitude à adopter face à l’exacerbation des nationalismes, M. Boussouf a mis en avant « la modération de laquelle a fait preuve la communauté internationale » et l’importance de mettre en lumière les avancées qui ont été réalisées par plusieurs pays occidentaux, en l’occurrence concernant la question de l’Islam. « Nous ne devons pas laisser le dialogue et le vivre-ensemble en otage à des groupuscules extrémistes. En france il y a près de mille mosquées construites, c’est dire que l’Islam existe physiquement, en Belgique la religion musulmane est reconnue par l’état, il est enseigné à l’école publique et les imams sont rémunérés par l’état, nous devons faire connaître ses réalités ».

Des réalités souvent ignorées comme celle de la « double valeur ajoutée de l’immigré qui contribue à la fois à la prospérité du pays d’accueil et d’origine, celle du rôle essentiel de l’immigration dans la création du dialogue des cultures et des religions et celle du poids de l’immigration dans l’économie et la politique des pays qui façonnera sans doute le monde de demain ».

M. Boussouf a, en outre, exposé le modèle marocain de la gestion de la diversité, un modèle « transposable dans son esprit, dans ses trois dimensions, la première celle de la connaissance et du savoir symbolisé par Ibn Khaldoun, la deuxième, celle du rationalisme, symbolisé par Averroès et la spiritualité symbolisée par Ibn Arabi ». Des figures connus dans le monde occidental et qui constituent une référence intellectuelle pour les musulmans et les non musulmans.
Le Secrétaire général du CCME s’est ensuite arrêté sur le pouvoir de la spiritualité, « une zone tampon en tant de guerre et de contradiction et un espace où nous nous rencontrons tous quelques soient nos religions et nos langues » et qui représente l’essence même de la commanderie des croyants.

« Le commandeur des croyants n’est pas le commandeur des musulmans uniquement mais de tous les croyants qu’ils soient juifs ou chrétiens, c’est notre forme de laïcité puisque le Roi est garant de la liberté de conscience. Le commandeurs des croyants n’est pas un chef politique mais un chef spirituel, d’où sa capacité à transcender l’espace et les régimes politiques », explique M. Boussouf.

Pour conclure, M. Boussouf a mis en avant les affluents et les composantes de l’identité marocaine reconnus par la Constitution, « qui sont des éléments de référence pour l’intégration dans des sociétés plurielles mis à la disposition des Marocains du monde invités à répondre à l’appel à la modernité lancé par les réformes royales ».

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M. Chevènement : le nationaliste est une maladie de la nation

Dans son intervention, M. Jean-Pierre Chevènement a exprimé son attachement pour le Maroc, « un pays à qui la France doit beaucoup pendant la seconde guerre mondiale ». « Mon premier souvenir du Maroc remonte à 1944, quand je réalisais, enfant, le courage des goumiers marocains qui sont devenus une légende populaire en France ». Une période « certes importante de l’histoire des relations franco-marocaines qui datent de bien avant le protectorat ».

« Il y a 1,5 millions de Marocains en France, dont 41.000 étudiants, c’est le chiffre le plus élevé des communautés étrangères estudiantines, et 50.000 Français qui vivent au Maroc », précise M. Chevènement. Des chiffres qui témoignent de « la qualité de l’entente de nos deux pays qui est un modèle à bien des égards ».

S’exprimant sur la question de l’immigration, Jean-Pierre Chevènement a expliqué que le réel défi pour les pays africains est celui du développement : « l’Afrique est notre plus grand défi commun, 1 milliard 400 millions, en 2050 la population sera de 3 milliards. Le développement de l’Afrique passe par le développement de la formation, ces pays ne devraient pas se priver de leurs élites, il faut être sensible au fait que pour ces pays d’origine que la jeunesse parte n’est pas forcément une bonne chose ».

Pour M. Chevènement, l’imaginaire des Français sur le Maroc est un ensemble d’impressions contrastées entre l’image réelle qui est celle de son développement et l’image d’un cumul de stéréotypes historiques. Un contraste qu’il convient d’élucider en mettant la lumière sur des « écrits représentatifs de la richesse culturelle comme les carnets de Dé LaCroix ceux de Massignon et de Jacques Bercque et sur les grands chantiers du développement du Royaume ».

« Le Maroc est un royaume moderne, j’ai visité le centre d’énergie solaire à Ouarzazate, le port Tanger med, l’Université internationale de Rabat, le site aéronautique de Casablanca, l’aménagement de la vallée du Bouregreg, ce sont des réalisations majeures à mettre en avant », a-t-il poursuivi ajoutant que « les réformes religieuses lancées par le Roi Mohammed VI son un appel à l’ouverture ».

En réponse à la question du journaliste sur l’attitude à adopter face à la montée de l’extrémisme, M. Chevènement répond que « ce qui se passe en Europe n’est pas réductible à ce qu’on appelle le nationalisme. Le nationalisme est une maladie de la nation ».

« Face au jihadisme, il faudra certes être solidaire, mais la vraie réponse est la culture, c’est la capacité de comprendre l’autre et de voir ce qui est humain en lui, c’est la tradition de l’humanisme. Il ne faut jamais perdre de vue que nous sommes d’abord des humains », a-t-il expliqué.

CCME

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