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Le plurilinguisme, l’expression historique des échanges culturels

samedi, 19 décembre 2020

A l’occasion de la journée internationale des migrants et de la journée internationale de la langue arabe, la plateforme numérique Awacer TV a organisé, vendredi 18 décembre 2020, une émission directe sur le thème « quand les langues se conjuguent à la langue arabe pour rassembler les peuples ».

 Hossain Bouzineb, professeur émérite à l’Université Mohammed V de Rabat, traducteur et historien, Kawtar Amiri, professeur-chercheur à l’Institut des études Hispano-lusophones à Rabat et Jean Pruvost, lexicologue et auteur français, ont répondu aux questions de Ghita Zine, journaliste à Yabiladi (site d’information).

Dans cette table-ronde, les participants ont démontré l’apport de la langue arabe dans les langues française et espagnole et expliqué que le plurilinguisme et la connaissance profonde de sa langue et de celle de l’autre sont l’expression de la diversité et du vivre-ensemble au sein des sociétés.

L’espagnol, une langue « plutôt récente dont les premiers mots se sont construits vers la fin du VIIe siècle », est l’une des langues « qui ont le plus bénéficié des services de la langue arabe », affirme Hossain Bouzineb, premier marocain à intégrer l’Académie royale espagnole.

Ce qui est intéressant dans la contribution de la langue arabe c’est son apport dans la « maturation de la langue espagnole car, en plus de la dimension lexicale, elle a aidé à forger des structures qui ont permis d’exprimer les notions scientifiques ».

La genèse de la langue espagnole, qui était en pratique reléguée à l’expression populaire, « s’est faite grâce à la langue arabe » : « les langues du peuple n’ont pas la capacité de l’abstraction car c’est une caractéristique d’une langue développée, et c’est en traduisant de l’arabe que langue espagnole a pu acquérir cette dimension ». Ainsi, à travers la traduction, l’espagnol s’est vu adopter toute la terminologie de la langue arabe.

Si l’enseignement des langues au Maroc a débuté récemment, l’intérêt pour la langue arabe en Espagne est un fait historique. Depuis le XVe siècle, le pays un connu tout un mouvement d’arabisans qui enseignaient dans les universités espagnoles. Aujourd’hui encore, si nous comparons, il y a plus de départements d’arabe en Espagne que de départements de langue espagnole au Maroc.

Le chercheur et professeur invite en ce sens les institutions académiques marocaines de s’intéresser davantage à la langue de nos voisins car « lorsqu’on ne connaît pas l’autre, il y a une peur qui se développe, qu’on ne peut dissiper que si l’on fait un pas vers sa culture et sa langue ».

Pour sa part, Kawtar El Amri a exposé les travaux menés par l’Institut des études Hispano-lusophones pour mettre en lumière le patrimoine commun entre le Maroc, l’Espagne et le Portugal. Elle cite à cet effet les publications du professeur Abdesslam Okab sur l’origine arabe des mots portugais et l’influence de l’élément arabe dans l’évolution des langues portugaise et espagnole, des ouvrages qui démontrent que « l’histoire et la langue de mêlent impérativement ».

Quand on parle de néologisme, « ce n’est pas un phénomène tout récent mais ça remonte à des siècles » : « plusieurs études confirment que la langue espagnole a un vocabulaire majoritairement d’origine arabe, un phénomène qui trouve son origine entre le IXe et XIIe siècle, une ère historique pendant laquelle l’Occident a connu une période d’obscurantisme et s’est vu influencé par le savoir, les mathématiques et les sciences promus par des savants arabes ».

A notre époque, « les échanges entre les deux rives sont de plus en plus intenses opérant des changements dans les sociétés qui à leur tour, apportent une interaction des langues et des individus », explique Kawtar El Amri qui affirme que « le plurilinguisme permet d’être plus inventif, de créer de nouvelles visions et que la traduction a un rôle essentielle à jouer dans la diffusion du savoir et le rapprochement des peuples de part et d’autre de la Méditerranée ».

Les différentes interventions Jean Pruvost se sont principalement intéressées à l’influence de la langue arabe sur la langue française.

« L’arabe est la troisième langue d’emprunt, un long processus historique qui se fait depuis le IXe siècle par le biais de 7 voies d’accès », affirme l’expert français.

« La première voie est celle des croisades, quand les européens ont découvert le monde de l’Afrique du Nord et qu’il ont été séduits par le raffinement artistique, par les traditions mais aussi par la langue arabe », une trajectoire qui sera ensuite renversée pour donner lieu à la deuxième voie de transmission, celle de « la conquête arabe, dans l’autre sens, à partir d’un point de vue religieux, qui va déferler par l’Afrique du Nord, Gibraltar, puis l’Espagne. Le français empruntera alors des mots d’organisation et des mots religieux ».

La troisième troisième voie d’accès, et « l’une des plus importante, est la voie savante. La civilisation arabe était très en avance, depuis l’Espagne à Cordoue, avec en l’occurrence Averroès qui nous transmets des mots de médecine, d’algèbre... ». A la même époque une quatrième voie d’accès s’est ouverte, la voie commerciale, qui marque l’installation de la civilisation arabe en Espagne ».

A partir de XIXe siècle, il y aussi eu la voie de la littérature à travers laquelle une pensée s’est exprimée, commençant par Chateaubriand, puis Victor Hugo ou Lamartine. Viendront ensuite d’autres voies d’accès « qui sont désagréables mais qui ont été actifs, celles de la colonisation et de la décolonisation qui ont ramené plusieurs nouveaux mots notamment dans des domaines de la guerre, de la gastronomie, etc ».

En commentaire sur l’examen de l’accord signé entre le Maroc et la France sur l’enseignement de la langue arabe dans le cadre des Enseignements internationaux de langues étrangères (EILE), Jean Pruvost affirme que « l’arabe et le français méritent de travailler de concert pour continuer d’exister car une langue vit à travers ses progrès dans les domaines concrets et à travers l’ouverture de pensée qu’elle offre ».

« Bien apprendre une langue comme l’arabe ou toute autre langue c’est élever le débat ». Il faudra, en ce sens, faire la différence entre la transmission du religieux islamique et l’apprentissage de la langue arabe, « tous les apprentissages sont les bienvenus car ils permettent de s’enrichir merveilleusement et de construire de belles amitiés », a-t-il conclu.

CCME

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