vendredi 19 avril 2024 00:37

« La migration depuis les frontières géographiques aux frontières culturelles (Afrique subsaharienne, Maroc et Espagne) »

jeudi, 09 juin 2022

Le Conseil de la communauté marocaine a l’étranger (CCME) a organisé, mercredi 8 juin 2022 au Salon du livre à Rabat, une table-ronde sur le thème « La migration depuis les frontières géographiques aux frontières culturelles (Afrique subsaharienne, Maroc et Espagne) ».

Abdelouahed Akmir (Maroc), Historien, professeur universitaire et spécialiste des relations maroco-espagnoles, Si Lahbib Chabat (Espagne), responsable politique au sein du Parti socialiste ouvrier espagnol en Andalousie et Mor Tala Ndir (Espagne), Professeur en Éducation pour le Développement ont animé cette rencontre modérée par Mina Rhouch (Espagne), médecin et membre du CCME.

Abdelouahed Akmir s’est intéressé à l’évolution de la migration en Espagne depuis les années 1980 à nos jours. « Un pays qui exportait la migration avant de devenir un pays d’accueil. Selon les statistiques, il y a d’ailleurs plus d’Espagnols à l’étranger que d’étrangers en Espagne ».

Les étrangers, qui constituaient 1% de la population du temps de Franco, constituent actuellement plus de 13% de la population. Une multiplication exponentielle en raison du développement économique du pays, notamment après son entrée au sein de l’Union européenne (UE).

L’Espagne connaîtra alors des vagues d’immigration d’Europe de l’Est, notamment la Roumanie, d’Amérique latine en raison de la langue et du Maghreb et d’Afrique subsaharienne au vu de la proximité géographique qui a encouragé la migration illégale depuis la fin des années 80.

Avant 1980 il n'existait pas, en Espagne, d'instrument juridique unifié en matière d'immigration. La première loi à retenir est la Loi Organique 7/1985, du 1er juillet 1985, sur les Droits et Libertés des Étrangers. Puis entre 1985 et 2009, cinq lois ont été approuvées.

Un accord de réadmission a été signé entre le Maroc et l’Espagne en 1992 portant également sur les ressortissants de pays tiers qui ont transité par le Maroc. Un accord dont les dispositions n’ont été activées qu’en 2012.

Afin d’assimiler ces populations immigrées, l’Espagne se laisse inspirer par les modèles de gestion migratoires européens. Le modèle français, qui prône une intégration par l’intégration dans la société d’accueil ou le modèle anglais, celui du multiculturalisme, où les écoles des minorités sont publiques au même titre que les écoles nationales.

Pour ce qui est de la question de l’Islam, le Roi d’Espagne avait signé une convention en 1992 avec les Musulmans d’Espagne stipulant que l’Islam est une composante de l’identité espagnole.

Dans son intervention, Si Lahbib Chabat a mis en avant les différentes mutations sur la migration a connu, notamment dans le pourtour méditerranéen.

« La migration est un phénomène naturel et humain que tous les pays du monde ont connu et continueront à connaître. A travers les décennies, de profondes mutations s’y sont opérées, on parle de plus en plus de migration de jeunes compétences, de mineurs non accompagnés … ».

Au vu des événements internationaux, le Sahel est devenu une scène à plusieurs conflits. Un point chaud dans le continent africain, avec d’une part terrorisme d’Al qaida, le Polisario, le groupe Wagner russe, etc, qui menace la sécurité de plusieurs pays mitoyens, comme le Mali, l’Égypte … Si tous ces pays subissent ces conflits au quotidien, le Maroc constitue pour l’Espagne un allié qui peut assurer la sécurité dans le continent.

Pour sa part, Mor Tala Ndir remonte aux origines des barrières culturelles entre l’Afrique et l’Europe.

« Nous sommes arrivés à la situation de voir s’instaurer des barrières à cause de tout ce que le continent a traversé. Les guerres mondiales, la crise économique de 1922 et les vagues de sécheresse interminables font que les pays pauvres souffrent de plus en plus au point que nous ayons toujours à tout recommencer de zéro ».

Pour lui, c’est aux Africains de développer le développement de l’Afrique car « cela n’intéresse pas la communauté internationale qu’on soit riche. Une Afrique développée n’intéresse pas les grandes puissances ».

Si l’Europe s’est reconstruite grâce au plan Marshall, Afrique a subi l’apartheid, la colonisation puis est restée sous la domination étrangère sans avoir eu l’aide d’aucun fond ni plateforme pour se reconstruire.

« A chaque crise on voit que l’Europe s’accapare toutes les ressources, comme cela a été le cas lors de la gestion du covid : alors que toute l’Europe a été vaccinée, les pays africains sont restés à la traîne de l’humanité ».

A toutes ces crises d’envergure mondiale, s’ajoute la souffrance quotidienne des migrants africains en Europe. « Pour demander un permis de séjour, il faut attendre plusieurs années dans l’indigence et la vulnérabilité. Une attente pénible qui souvent ouvre la voie à la traite humaine ou à l’esclavage sexuel ».

Toutes ces raisons sont, selon Mor Tala Ndir, des facteurs qui creusent le fossé entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne érigeant des barrières culturelles de plus en plus infranchissables.

CCME

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