Expériences de la gestion de la diversité dans la cité

dimanche, 17 février 2019

Le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) a organisé, dimanche 17 février 2019 au Salon du livre de Casablanca, une table-ronde sur "La gestion de la diversité dans la cité". La rencontre a réuni Mme Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre et femme politique française et M. Roland Ries, maire de Strasbourg (France) qui ont répondu aux questions du journaliste marocain Amine Boushaba et a connu la présence de plusieurs personnalités marocaines et étrangères, notamment celle du Ministre de la culture et de la communication, M. Mohammed Laarej.

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Najat Vallaud-Belkacem : la mixité sociale et ethnique permet aux population d’évoluer

Au début de son intervention, Najat Vallaud-Belkacem a expliqué qu’elle n’a “pris conscience des différences que quand elle a commencé à faire de la politique”. Elle a soulevé la question des quotas des femmes ou de la diversité qui “ font croire que “l’on est là de façon indue juste parce qu’on fait partie de la diversité et non parce qu’on vous le mérite”.

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“Pour moi, la leçon que je retiens c'est de toujours croire en sa propre légitimité et de  décomposer le complexe d'imposture même si l’on se met dans la condition de travailler doublement pour prouver que l'on mérite sa place”.

Dans son parcours, elle affirme que “la mixité sociale et ethnique est une question que j'ai voulu prendre à bras le corps car c'est ce qui permet aux populations d'évoluer”. D’ailleurs “des études ont montré que l'on vit beaucoup mieux avec des prochains qui ne vous ressemblent pas”, d’où tout l’intérêt de “produire des politiques pour contrer les arguments de haine en réhabilitant le progressisme et les idées altruistes”.

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Faire valoir la valeur ajoutée de l'immigration c’est aussi “mettre la lumière objectivement sur les modèles de réussite” : “on n'a pas besoin de construire des histoires factices sur la réussite d'éléments issus de la diversité, elles sont réelles à tous les niveaux”, mais il faudra encore “comprendre que ces personnes ne doivent pas rester “cantonnées à ne s'exprimer que sur des questions liées à leur intégration”.

Une question d’ailleurs qui fait l’objet de “surenchère médiatique en Occident” et qui met en cause le “manque d’imagination dans les médias d’une part et leur modèle économique d’autre part”. “Le modèle économique des médias pose un vrai problème : il faut traiter l'information le plus vite possible pour faire le buzz et pouvoir vendre un espace publicitaire le plus cher possible en dépit de mener de réelles réflexions profondes par rapport à différents sujets”.

Un manque de traitement qui n’est “sûrement pas comblé par les réseaux sociaux qui consacrent l'effet bulle et renforcent les préjugés des utilisateurs qui restent confinés  derrière un écran et perdent de plus en plus la notion des échanges humains”.

“Voici donc des moyens de communication qui créent de l’individualisme au sein des sociétés” déjà pétries par “le manque de la notion de l’action collective”. Un défi “que les hommes et femmes politiques doivent relever en créant des actions qui englobent les différentes communautés dans des desseins communs”.

Pour le Maroc, Najat Vallaud-Belkacem affirme que “c'est une richesse d’avoir une communauté de plusieurs millions installée dans plus de 100 pays” et que “tout l'intérêt est de pouvoir faire un benchmark avec toutes ses potentialités”.

Roland Ries : sans la diversité, il n’y aurait pas de dialogue possible

Pour le Maire de Strasbourg, “sans la diversité, il n’y aurait pas de dialogue possible”. C’est “sûrement un système d’enrichissement par la confrontation des idées et des philosophies”.

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Une notion qui ne peut “en aucun cas susciter la haine si ce n’est à cause de la peur de l'imposition d'une culture ou d'une religion qui émane en effet d’une faiblesse que l’on reconnaît dans le recours à la force”.

L’interprétation de cette diversité dans la cité a mené le maire français à mener des projets “d'ouverture qui consacre le droit à l’espace publique et commun à tous les citoyens” : “on a développé un réseau de tramway pour relier les quartiers périphériques au centre de la ville car la cité appartient à tout le monde”.

Pour mettre à l’oeuvre ses projets, Roland Ries explique que “ dans l'action publique,  il y a des lignes de force” : “on ne peut pas donner satisfaction à tout le monde pour se faire réélire. Il faut faire des choix ce qui signifie qu’on en écarte d'autres”.

Il met aussi en avant sa vision du vivre-ensemble religieux : “j'ai fait le choix de le mettre à l'œuvre dans une ville comme Strasbourg, notamment en ce qui concerne la religion musulmane avec comme chef de file M. Abdellah Boussouf pour le projet de création de la Grande  Mosquée de Strasbourg”.

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“L'Islam est la deuxième religion du pays, elle mérite forcément d'être prise en charge”, a affirmé Roland Ries. “J'ai profité du Concordant, le statut religieux de 1905 en Alsace Moselle qui permet dans son essence d’assurer les conditions favorables de pratiquer toutes les religions représentées dans la cité”. Il explique en ce sens que “l'hostilité commence par l'ignorance” : "c'est parce qu'on ne connaît pas son prochain qu'on est hostile".

Une mentalité qu’il faudra faire évoluer notamment grâce à l'éducation même “cela prend du temps que l’on n’a pas forcément” car “il y a urgence de gérer la diversité dans un climat politique marqué par la montée de l'islamophobie et de l'antisémitisme”.

Des courants extrémistes qui sont de plus en plus ancrées dans les sociétés du monde à cause   “des réseaux sociaux qui sont de formidables instruments d'individualisation” : “on a l'impression d'être connecté avec la terre entière mais en réalité on n’est même pas connecté avec soi-même”, affirme le responsable politique ajoutant que “la vie en société n'est pas une gestion d'agrégat de communautés qui s'ignorent les uns les autres”.

Concernant les tensions que peut engendrer la question migratoire, Roland Ries “pense que si on veut apaiser la question d'immigration qui est une question d'avenir on a intérêt à montrer que ça fonctionne dans les deux sens, au sein des communautés en Europe mais aussi entre les pays d’accueil et d’origine”.

M. Boussouf : le processus d’intégration des Marocains du monde dans les sociétés d’accueil est irréversible

En interaction avec les allocutions des participants à cette table-ronde, M. Abdellah Boussouf, Secrétaire général du CCME, est intervenu pour rappeler l’importance de l’immigration dans le processus de l’évolution des sociétés.

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Il s’est rappelé un article d’Édouard Said dans le journal français “Le Monde” au lendemain du 11 septembre avec un titre “extrêmement éloquent” :  “le choc des ignorances”. “Il s’agit en effet d’un choc dû essentiellement à l’ignorance qui sévit dans nos sociétés” et qu’il faut “rattraper en améliorant la connaissance mutuelle” qui passe d’abord par “l’amélioration de l'image de l'autre dans les manuels scolaires dans les pays d'accueil”.

“Dans le cadre de ma thèse de doctorat, j'ai pu relever qu'au cours du 13e siècle, 1500 de traités de paix entre le Maroc et l'Europe ont été conclus”. Force “est de réaliser que l'on ne retient malheureusement que les périodes de conflits”.

Un élément historique qu’il faudra associer au fait réel que l’immigration a permis le dialogue entre les pays et les continents à travers l’histoire et que les Marocains du monde sont aujourd’hui “une valeur ajoutée indéniable et incontournable de part et d’autre des frontières”.     

“Dans une enquête que nous avons réalisé, nous avons constaté que la démarche de l'intégration des Marocains du monde dans les sociétés d'accueil est irréversible” et que “le lien que ces derniers maintiennent avec le pays d’origine est essentiellement d'ordre culturel”.

Un constat qui se traduit tous les jours dans les productions des artistes et écrivains marocains de l’étranger : “nous avons organisé dans le cadre du Salon du livre une soirée poétique où des Marocains du monde se sont exprimés dans les langues d'immigration avec des émotions puisées dans leurs origines”.

“120 intervenants marocains sont arrivés de partout dans le monde pour animer le programme du CCME à cette 25e édition du SIEL”, a-t-il poursuivi.

Le Secrétaire général a conclu son intervention en invitant les responsables à prendre conscience de la richesse de l’immigration : “ils sont près de 250 millions immigrés à travers le monde, ils représentent une puissance économique équivalente à celle d'un pays comme les états-Unis”.

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A la fin de cette rencontre, le CCME et le Ministère de la culture et de la communication ont rendu hommage à Najat Vallaud-Belkacem et à Roland Ries qui ont enrichi par leur participation la programmation du CCME au Salon du livre de Casablanca.   

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