samedi 23 novembre 2024 21:43

France : Les jeunes issus de l’immigration pénalisés à l’embauche

Le taux de chômage des descendants d’immigrés non européens âgés de 15 à 24 ans est près de deux fois supérieur à celui des jeunes issus de parents nés en France, de même âge et à situation socio-économique similaire. C’est ce que montre la note du ministère de l’intérieur « Infos migrations » de mai 2011 sur le « chômage des jeunes descendants d’immigrés », rédigée par Yves Breem, chargé d’études au département statistiques du ministère.

« La mesure de l’embauche des jeunes immigrés et descendants d’immigrés est un thème nouveau de recherches et nous avons encore peu de recul. “L’enquête emploi” de l’Insee, qui concerne 80 000 personnes, a été la première grande enquête, en 2005, à poser la question de la nationalité et du lieu de naissance des parents des enquêtés. Avant cela, il n’existait que des bases de données partielles sur le sujet », rappelle Dominique Meurs, chercheuse à l’Institut national des études démographiques (Ined), qui a participé à la rédaction du rapport « Trajectoires & origines » d’octobre 2010 sur le marché du travail des 18-50 ans.

Selon elle, il y a aujourd’hui « un surchômage » des descendants d’immigrés, plus particulièrement ceux d’origine africaine ou maghrébine, qui atteint en moyenne 16 % contre 8 % à 9 % pour la « population dite majoritaire ».

Situation de « surchômage »

Selon les spécialistes, ces écarts sont en partie liés à des effets de structure. Les populations immigrées sont plus jeunes et donc proportionnellement plus touchées par les situations de sans-emploi qui, dans la société française, touche particulièrement les jeunes actifs. Le niveau d’éducation est également mis en avant, à un degré moindre. Les jeunes issus de l’immigration auraient un parcours scolaire plus difficile et sortiraient de l’école avec moins de diplômes que le reste de la population, d’où un accès plus difficile au marché du travail. Mais ces éléments n’expliquent pas tout.

« Quelles que soient les enquêtes menées, nous observons toujours une part inexpliquée de surchômage pouvant atteindre jusqu’à 6 points parmi les descendants d’immigrants du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne. Cela donne lieu à un ensemble d’interprétations possibles : discrimination pure, autocensure, etc. », affirme Dominique Meurs.

Les « testings », c’est-à-dire des expériences sur le terrain, montrent que les candidats d’origine maghrébine ou d’Afrique subsaharienne ont, à formation, qualification et éléments de carrière comparables, trois à cinq fois moins de chance d’être convoqués à des entretiens d’embauche que les candidats d’origine européenne, rappelle l’Institut national d’études démographiques (Ined) dans sa note « Population & société » d’avril 2010.

Pas de différence dans la manière de chercher du travail

Ses chercheurs soulignent que, quelle que soit la réalité des chiffres, il existe en tout cas un fort sentiment de discrimination de la part de ces jeunes. Un quart des fils et filles d’immigrés, plus souvent des hommes que des femmes d’ailleurs, disent ainsi avoir été victimes de discriminations au cours des cinq dernières années précédant l’enquête.

D’autres éléments, tels que la force des réseaux personnels ou encore l’enclavement géographique influencent aussi la capacité de ces populations à trouver un emploi. « Nous n’observons pas chez les descendants d’immigrés de différence dans la manière de rechercher un travail. Tous s’appuient sur leurs réseaux personnels et sur les structures traditionnelles de recherche d’emploi. Mais il est possible de dire que certains réseaux sont plus efficaces que d’autres, comme c’est le cas des natifs du Portugal par exemple », note Dominique Meurs en rappelant que le phénomène de ségrégation territoriale (éducation, transport, surconcentration…) est souvent peu pris en compte par la classe politique, alors qu’il semble bien jouer un rôle de poids dans l’explication du surchômage chez ces jeunes.

29/8/2011, Christine QUENTIN

Source : La Croix

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