Dès qu'il s'agit d'immigration, l'Insee fait le gros dos: Non, crie-t-elle, cachez ces chiffres que je ne saurais voir! Mais des chiffres sortent malgré tout. Et ils sont assez inattendus. Attention, données sensibles...
Un couloir sombre, une porte anodine, une pièce mal éclairée, un placard insoupçonné, et là : des chiffres. Soigneusement planqués par l'Insee. Parce qu'ils lui font peur : 37% de jeunes d'origine étrangère en Ile-de-France, plus de 60% dans une vingtaine de villes, explosion du nombre de jeunes originaires d'Afrique sub-saharienne, proportion de jeunes d'origine étrangère en très forte hausse dans l'ouest de la France...
Attention ! Cela ressemble étrangement à des statistiques ethniques ! Et ça, on n'y touche pas. Le 14 juillet dans Le Monde, Hervé le Bras, démographe, affirme l'inefficacité et l'inutilité des statistiques ethniques. En tous cas, à court terme. Il craint surtout un effet pervers à long terme : habituer les Français à penser en terme de races. Ou plutôt, légitimer cette tendance, « d'autant plus facilement qu'elle existe déjà à l'état latent. » Le débat n'est donc pas clos, il est béant. Plaie ouverte, terrain glissant. On détourne les yeux.
Peu importe. Ténus, imperceptibles, ces chiffres sont là. Et s'ils sont là, c'est grâce à l'Insee. Même si ça l'emmerde.
Et ça, Michèle Tribalat et Bernard Aubry, les auteurs de l'étude, en savent quelque chose. « On a voulu rester sobre pour ne pas choquer les sensibilités de l'Insee, pour que ce soit publiable par eux mais ils ont pas envie de le traiter. Toute nouvelle avec des infos de type forte concentration au delà de ce qu'on aurait pu imaginer, l'Insee préfère ne pas informer plutôt que de risquer de publier une nouvelle sensible. Par peur de réveiller le racisme en France », déplore Michèle Tribalat. Qu'importe, l'étude paraît ailleurs, dans le numéro de juin de la revue Commentaire.
Un petit exemple des chiffres que l'étude met en lumière.
L'Insee, tentaculaire, ne peut pas contrôler absolument tous ses fichiers. Et dans un petit bout de bureau à Strasbourg, Bernard Aubry a confectionné le fichier Saphir. Un fichier historique des recensements qui permettait d'harmoniser les données, « sans rupture, sur une longue période, sans se préoccuper de l'espace géographique et des CSP... Une mine », se souvient Michèle Tribalat. « C'était un fichier hierarchisé, avec un niveau familial et individuel. On pouvait faire des liens entre le niveau enfant et le niveau famille. Et donc, s'intéresser aux jeunes de moins de 18 ans avec au moins un des parents immigré. » Ce sont eux que Michèle Tribalat et Bernard Aubry ont nommé les jeunes d'origine étrangère. « Ce qui m'a étonné le plus, c'est ce mouvement vers l'ouest. Il était pas eprceptible. Pour l'Ile de France, on savait qu'on allait trouver des concentrations très fortes. Mais ça, on n'avait aucun élément pour le voir. Alors, on avait d'autres projets, pour creuser... Mais on est tombé en rade. »
Ce fichier a été mis à jour jusqu'en août 2008. Et puis... Et puis Bernard Aubry a pris sa retraite. Et l'Insee a reconquis l'Alsace, laissant Saphir se perdre dans les limbes kafkaïennes de l'Institut. « Ce fichier doit exister quelque part à l'Insee Strasbourg mais hors d'usage. Aujourd'hui, on peut savoir si les personnes sont nées en France ou à l'étranger mais on ne sait pas où. Ce qu'on a fait nous ne peut plus être fait. C'est foutu. »
C'est que l'Insee a peur des chiffres... (le comble, pour l'institut de la statistique !) Alors, il tente de cacher tout ça sous un tapis... Mais, comme le soupire Michèle Tribalat, « ce ne sont pas des bâtons de dynamite », ce sont des chiffres. Et d'une façon ou d'une autre, ils se faufilent et sortent du tiroir. Car les chiffres ne se rangent pas, ils se publient. Même s'ils risquent de faire débat.
Un couloir sombre, une porte anodine, une pièce mal éclairée, un placard insoupçonné, et là : des chiffres. Soigneusement planqués par l'Insee. Parce qu'ils lui font peur : 37% de jeunes d'origine étrangère en Ile-de-France, plus de 60% dans une vingtaine de villes, explosion du nombre de jeunes originaires d'Afrique sub-saharienne, proportion de jeunes d'origine étrangère en très forte hausse dans l'ouest de la France...
Attention ! Cela ressemble étrangement à des statistiques ethniques ! Et ça, on n'y touche pas. Le 14 juillet dans Le Monde, Hervé le Bras, démographe, affirme l'inefficacité et l'inutilité des statistiques ethniques. En tous cas, à court terme. Il craint surtout un effet pervers à long terme : habituer les Français à penser en terme de races. Ou plutôt, légitimer cette tendance, « d'autant plus facilement qu'elle existe déjà à l'état latent. » Le débat n'est donc pas clos, il est béant. Plaie ouverte, terrain glissant. On détourne les yeux.
Peu importe. Ténus, imperceptibles, ces chiffres sont là. Et s'ils sont là, c'est grâce à l'Insee. Même si ça l'emmerde.
Et ça, Michèle Tribalat et Bernard Aubry, les auteurs de l'étude, en savent quelque chose. « On a voulu rester sobre pour ne pas choquer les sensibilités de l'Insee, pour que ce soit publiable par eux mais ils ont pas envie de le traiter. Toute nouvelle avec des infos de type forte concentration au delà de ce qu'on aurait pu imaginer, l'Insee préfère ne pas informer plutôt que de risquer de publier une nouvelle sensible. Par peur de réveiller le racisme en France », déplore Michèle Tribalat. Qu'importe, l'étude paraît ailleurs, dans le numéro de juin de la revue Commentaire.
Un petit exemple des chiffres que l'étude met en lumière.
L'Insee, tentaculaire, ne peut pas contrôler absolument tous ses fichiers. Et dans un petit bout de bureau à Strasbourg, Bernard Aubry a confectionné le fichier Saphir. Un fichier historique des recensements qui permettait d'harmoniser les données, « sans rupture, sur une longue période, sans se préoccuper de l'espace géographique et des CSP... Une mine », se souvient Michèle Tribalat. « C'était un fichier hierarchisé, avec un niveau familial et individuel. On pouvait faire des liens entre le niveau enfant et le niveau famille. Et donc, s'intéresser aux jeunes de moins de 18 ans avec au moins un des parents immigré. » Ce sont eux que Michèle Tribalat et Bernard Aubry ont nommé les jeunes d'origine étrangère. « Ce qui m'a étonné le plus, c'est ce mouvement vers l'ouest. Il était pas eprceptible. Pour l'Ile de France, on savait qu'on allait trouver des concentrations très fortes. Mais ça, on n'avait aucun élément pour le voir. Alors, on avait d'autres projets, pour creuser... Mais on est tombé en rade. »
Ce fichier a été mis à jour jusqu'en août 2008. Et puis... Et puis Bernard Aubry a pris sa retraite. Et l'Insee a reconquis l'Alsace, laissant Saphir se perdre dans les limbes kafkaïennes de l'Institut. « Ce fichier doit exister quelque part à l'Insee Strasbourg mais hors d'usage. Aujourd'hui, on peut savoir si les personnes sont nées en France ou à l'étranger mais on ne sait pas où. Ce qu'on a fait nous ne peut plus être fait. C'est foutu. »
C'est que l'Insee a peur des chiffres... (le comble, pour l'institut de la statistique !) Alors, il tente de cacher tout ça sous un tapis... Mais, comme le soupire Michèle Tribalat, « ce ne sont pas des bâtons de dynamite », ce sont des chiffres. Et d'une façon ou d'une autre, ils se faufilent et sortent du tiroir. Car les chiffres ne se rangent pas, ils se publient. Même s'ils risquent de faire débat.
source: Mariane 2