samedi 30 novembre 2024 11:38

La mer est un cimetière pour les migrants

A l'occasion de la rencontre avec le Président du Parlement européen, Nicolas Beger, Directeur du Bureau des institutions européennes d'Amnesty International, revient sur les raisons de la mobilisation de plusieurs sections d'Amnesty International en Europe.

Lors du naufrage du navire de croisière Costa Concordia au large des côtes toscanes en janvier 2012, 32 personnes ont perdu la vie. Ces morts tragiques ont été amplement couvertes dans les médias, qui sont à nouveau revenus sur les conséquences de la catastrophe un an après. Il ne fait aucun doute que 32 décès qui auraient pu être évités méritent que l'on s'en rappelle.

En revanche, le 6 avril marquait les deux ans d'un naufrage catastrophique au large de l'île italienne de Lampedusa. En plein conflit libyen, un grand navire a quitté le pays, avec à son bord des passagers espérant trouver la sécurité en Europe. Nous ne saurons jamais précisément combien de personnes se trouvaient à bord, mais on estime qu'il y avait 200 à 300 passagers. Des familles entières provenant de pays comme la Somalie ou le Soudan avaient entrepris ce voyage périlleux vers l'Europe, car elles n'avaient plus aucune autre possibilité. Seules 51 personnes ont survécu.

Peut-être en avez-vous été informé dans le journal du lendemain ? Ou peut-être la commémoration de ce drame est-elle apparue dans votre fil d'infos tweeter ? En fait, vous n'en avez probablement rien su, car il n'y a eu aucune commémoration, et quand bien même vous feriez une recherche sur Google, vous n'apprendriez guère plus de détails.

Des milliers d'enfants, de femmes et d'hommes ont péri en mer Méditerranée au cours de ces 25 dernières années. D'après les informations parues dans la presse qu'a pu recenser l'organisme de surveillance Fortress Europe, plus de 13 000 personnes sont décédées en Méditerranée et dans l'Atlantique, au cours de leur traversée vers l'Europe. Nombre de ces décès auraient pu être évités.

Les pays de l'Union européenne s'enorgueillissent de notre adhésion aux valeurs des droits humains. Mais si nous nous permettons de détourner simplement le regard lorsque des personnes meurent au large de nos côtes, nos déclarations ont-elles le moindre sens ?

Ces dix dernières années, les gouvernements européens ont fait le choix de plus en plus affirmé d'exclure les migrants en appliquant des mesures qui les forcent à choisir des itinéraires dangereux pour atteindre l'Europe. Les conséquences de ces voyages sont souvent fatales. Les pays européens ont renforcé les contrôles aux frontières, en menant des opérations d'interception, de renvoi et de dissuasion dans l'espoir d'empêcher les personnes d'entrer sur notre territoire. Ces mesures de contrôle des migrations ne sont pas toujours conformes aux obligations des pays en matière de droits humains. Les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile continuent à subir de graves violations des droits humains en conséquence directe de la politique de l'Union et de sa pratique d'externalisation des contrôles aux frontières et du contrôle des migrations aux pays voisins.

Il est temps de renverser la tendance. Notre action « SOS Europe », menée devant le Parlement européen mercredi, a pour vocation de couvrir l'Europe de honte. L'Europe des décideurs comme celle des citoyens. Combien de temps encore laisserons-nous faire en silence ?

Le 24 avril, un « bateau migrant » arrivera place du Luxembourg pour remettre plus de 50 000 signatures de personnes ordinaires. Toutes exhortent les députés européens à honorer leur devoir en garantissant un examen public des accords et des opérations relatifs au contrôle des migrations. Notre bateau représente tous les migrants, réfugiés et militants de l'Europe entière qui demandent que les gouvernements nationaux rendent visibles toutes leurs actions aux frontières de l'Europe et qu'ils puissent être tenus de rendre des comptes en cas de violation. Notre bateau rendra hommage aux milliers de personnes mortes en mer. Parce que nous nous sentons concernés. Nous devrions tous nous sentir concernés. Nous devrions tous avoir honte, aussi. Et nous devrions tous être indignés.

23/04/2013

Source : Amnesty.fr

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