Samia Ghali, sénatrice PS et candidate à la mairie de Marseille, est en tête de la primaire socialiste dans la Cité phocéenne. Vincent Tiberj, chargé de recherches à Sciences Po et spécialisé dans les comportements électoraux et politiques en France et en Europe, nous éclaire sur la place des femmes issues de l'immigration en politique.
Le Figaro.fr/madame : Être femme et issue de l'immigration, est-ce un double obstacle ou bien une opportunité en politique ?
Vincent Tiberj - Une personnalité comme Rama Yade est un exemple type. C'est une femme de moins de 40 ans, issue de l'immigration. Elle remplit trois cases, trois quotas. En France, il y a peu de renouvellement générationnel de la classe politique. Grâce à la loi sur la parité, les jeunes femmes s'en sortent un peu mieux que les jeunes hommes. D'autre part, les dirigeants politiques entretiennent des stéréotypes sur leur électorat : une femme issue de l'immigration ferait moins peur qu'un homme issu de l'immigration. Pourtant des études illustrent que l'électorat est prêt à voter pour des candidats issus de l'immigration. Cela montre bien que les verrous sont dans la tête des dirigeants de parti.
Samia Ghali à Marseille est-elle une exception ou le reflet d'une nouvelle diversité en politique ?
Si au niveau de la représentation nationale, c'est encore très fermé, cela bouge au niveau local. Le système politique français est l'un des plus fermé en matière de renouvellement de la classe politique et donc de représentation sociale et paritaire. Le mode de scrutin national (uninominal) ne favorise pas la mobilité politique. La généralisation des primaires permettrait déjà d'ouvrir les portes à de nouvelles têtes.
Mais il y a des évolutions, notamment au niveau local. Le scrutin de listes favorise en effet l'émergence d'élus issus de la diversité, comme Samia Ghali à Marseille. Elle représente une volonté du PS de s'ouvrir aux femmes comme à la diversité. Au niveau national, il y a depuis le gouvernement Raffarin un désir d'aller au-delà du recrutement classique, mêlé à une volonté d'affichage. Avec ces nominations de personnalités issues de l'immigration, un message est envoyé aux minorités visibles. Mais il y a une différence entre cette volonté affichée de faire passer un message positif et la politique menée. Les gouvernements Sarkozy, par exemple, ont fait chou blanc électoral avec ces nominations comme celle de Rama Yade en menant une politique répressive vis-à-vis de l'immigration. Le vote des Français issus de l'immigration s'est orienté vers le rejet de la discrimination, donc vers la gauche.
Les élues locales et ces nominations symboliques bénéficient-elles de la même assise politique ?
Les figures de la diversité au gouvernement manquent de ressources politiques. Leur carrière dépend souvent de ce que veut le Président. Rachida Dati avait bien négocié son parachutage dans le 7ème arrondissement parisien en 2008. Cette expérience locale lui permettra d'avoir un capital politique fort. L'exemple de Samia Ghali est intéressant. C'est avant tout une élue locale avant d'être une sénatrice PS. Elle a délogé Marie-Arlette Carloti au premier tour des primaires PS, elle avait donc plus de ressources politiques et locales face à la ministre déléguée aux personnes handicapées. Marseille a une longue tradition d'incorporation des militants d'origine de l'immigration. C'est un laboratoire des bonnes pratiques.
14/10/2013, Sidonie Sigrist
Source : Le Figaro