dimanche 24 novembre 2024 23:51

Lampedusa, le naufrage de l'Afrique ?

Faut-il durcir la politique d'immigration européenne, ou au contraire l'assouplir ? Doit-on traquer sans relâche les filières à l'origine de l'immigration clandestine ? Améliorer les procédures de sauvetage en Méditerranée ? La tragédie de Lampedusa a eu pour effet immédiat de mettre sur le tapis de multiples questions, pertinentes mais pas essentielles. Pour ne pas que se reproduise un tel drame dans les années à venir, la seule solution, c'est de dissuader les Africains de s'entasser par centaines sur un rafiot lépreux, en quête d'un Eldorado qui n'existe pas.

Comment ? Pas en dressant un rideau de fer sur les côtes d'Espagne, de France ou d'Italie. Augmenter les chances d'attraper les clandestins à l'arrivée pour les renvoyer chez eux manu militari, ce n'est jamais que substituer dans leur esprit une peur à une autre. Celle, abstraite, de se faire refouler, voire de mourir noyé dans les spasmes de la mer du milieu, à celle, bien plus concrète, de périr de toute façon s'ils restent chez eux : d'une mort violente ou de l'atroce agonie de qui manque de soins, d'eau et de nourriture. On saisit le dilemme.

Et puis il y a l'espoir. Les murs les plus hauts et les mieux défendus du monde ne feront jamais que renforcer l'idée qu'ils cachent et préservent un monde meilleur. Qu'importe s'il faut prendre le risque d'y laisser sa vie, tout est préférable à l'attente résignée d'une fin inexorable.

Bien. Mais alors on fait quoi, pour ne plus jamais avoir à aller repêcher des cadavres d'enfants par 40 mètres de fond ? Et bien c'est simple, on encourage ces populations à rester chez elle, à n'avoir plus de raisons de partir dans des conditions effroyables. En les aidant à se développer. En favorisant les initiatives telles que la micro-finance ou l'économie sociale et solidaire.

Aider l'Afrique à prendre son destin en main. C'est tout l'enjeu des nombreuses ONG qui travaillent au jour le jour sur le continent. C'était aussi un des thèmes de réflexion du Forum Convergences qui s'est tenu il y a peu à Paris, autour des concepts de micro-finance, d'ESS, d'entrepreneuriat social ou encore de social business.

En Europe, l'escalade d'un populisme de droite banalise l'idée selon laquelle le vieux continent n'aurait pas les ressources nécessaires à accueillir toute la misère du monde. C'est sans doute vrai. La gauche, elle, s'insurge à l'idée que l'on puisse laisser des êtres humains livrés à leur sort déplorable sans réagir. Ce n'est pas moins légitime. Le moyen de satisfaire ces deux sensibilités n'est-il pas, encore une fois, de favoriser l'émergence d'une économie compétitive sur place, en Afrique ?

On y opposera que cela exige des fonds. Beaucoup de fonds. Il est intéressant de remarquer que ceux qui soulèvent cette objection sont en général les mêmes qui prétendent que l'immigration est ruineuse en termes d'allocations diverses, les mêmes qui sont prêts à investir de façon considérable dans le renforcement des mesures de sécurité douanière, policière et pénitentiaire pour juguler et punir la clandestinité.

A choisir, préfère-t-on continuer indéfiniment à jouer au petit jeu du chat et de la souris (à la nuance près que les souris sont ici des hommes vivant la peur au ventre), ou contribuer à l'essor d'un continent susceptible, dans un second temps, de devenir un partenaire en affaires stable ? La question se pose-t-elle vraiment ?

09 octobre 2013, Gaëtan Hermant

Source : Médipart

Google+ Google+