Le Maroc est-il envahit par les étrangers à la place de l'Union européenne ? Non. Les étrangers ne forment que 0,41% de la population du royaume. Parmi eux, les étrangers européens en situation irrégulière sont deux fois plus nombreux que les Subsahariens dans la même situation.
Depuis le début de la semaine, les annonces se succèdent, toutes semblables : mardi, 300 migrants ont tenté de franchir la frontière entre le Maroc et l'Espagne via l'enclave de Melilla, le même jour, 350 autres ont tenté leur chance à Sebta, puis 100 autres encore mercredi. Ces tentatives et les vives réactions de l'Espagne recentrent le débat sur la lutte contre l'immigration illégale alors que le Maroc semblait enfin, avec le dernier rapport du CNDH, vouloir quitter la seule perspective sécuritaire. Celle-ci est particulièrement anxiogène : le Maroc est-il envahit par les étrangers à la place de l'Union européenne ? Non. Le Maroc compte seulement 0,4% d'étrangers environ.
Le Maroc compte entre 10 000 et 20 000 migrants subsahariens irréguliers, selon les chiffres admis par les chercheurs du domaine. « On estime de 1000 à 2000 le nombre de personnes qui arrivent illégalement au Maroc chaque année à destination de l'Europe », indique Mehdi Lahlou, professeur à l'Institut National de Statistique et d'Economie Appliquée de Rabat et spécialiste des migrations au Maghreb et en Afrique. S'ajoutent, 75 000 étrangers résidant légalement, en 2010, selon le ministère de l'Intérieur. Très souvent oubliés, nettement moins polémiques, viennent ensuite les Européens en situation irrégulière : « 12 000 à 15 000 Espagnols et autant de Français sont installés de façon irrégulière », estime Mehdi Lahlou, pour un totale de 40 à 50 000 étrangers européens en situation irrégulière. Près de 145 000 étrangers vivent donc au Maroc toutes situations administratives confondues à l'exclusion des touristes.
0,8% d'étrangers en Algérie
Ils représentent donc près de 0,4% de la population totale du Maroc qui avoisine 35 millions d'habitants. « Ce sont des chiffres très restreints ; croire que le Maroc subit une invasion comme on l'entend dire parfois est exagéré. Le Maroc reste avant tout un pays de départ », relativise Mehdi Lahlou. En comparaison avec ses voisins, la proportion d'étrangers est moyenne. Le Maroc se situerait entre la Tunisie et l'Algérie. Elle est de 0,35% en Tunisie (selon les données du recensement de 2004) et de 0,8% en Algérie (selon les chiffres de 2008 de l'étude de Mohamed Saïb Musette, sociologue au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement).
Par rapport à l'Union européenne, il n'y a toutefois plus de comparaison possible. La France accueille 4% d'étrangers (selon les données 2012 du Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration) et l'Allemagne 7,7% (selon les chiffres de mai 2013 de l'office des statistiques Destatis). Toute proportion gardée, la France compte donc 10 fois plus d'étrangers que le Maroc. Au niveau de l'Union européenne cette proportion s'établit à 6,5% (selon les statistiques rapportées par l'INSEE, datées de 2010).
Plus il est riche plus il est capable d'offrir des emplois
La propension des états du nord de la Méditerranée à compter plus d'étranger, en proportion de leur population, que les pays du sud peut s'expliquer simplement par leur attractivité. Gilles Pison, directeur de recherche à l'INED, regroupe les pays au plus fort pourcentage d'immigrés en cinq catégories. 4 d'entre elles réunissent toutes des pays riches et développés, et la 5e rassemble les pays dits « du premiers asile », c'est-à-dire qui reçoivent des flux massifs de réfugiés du fait de conflits dans un pays voisin.
En somme, un pays reçoit d'autant plus d'immigrés qu'il est plus riche que les autres car plus il est riche plus il est capable d'offrir des emplois. « Le premier et plus grand déterminant de l'immigration est la demande économique. Il y a une relation intrinsèque entre la variation de l'émigration marocaine à destination de l'UE et le taux de croissance européen », nous avait expliqué, Hein de Haas, co-directeur de l'International migration institut de l'université d'Oxford, spécialiste de l'émigration marocaine.
Pour conclure, le Maroc n'est pas encore un pays d'immigration. Mais s'il le devient, ce serait en quelque sorte bon signe : il serait en train de s'enrichir, de se développer significativement. « Le Maroc n'a pas assez de travail à proposer pour être un pays d'accueil », résume Mehdi Lahlou. Le Maroc n'a-t-il pas les moyens, alors, d'accueillir ceux qui sont tout de même parvenus jusque là ? Leur faible nombre rend la chose plus aisée, mais les discriminations dont font l'objet en particulier les Subsahariens jouent contre leur intégration au Maroc. « Les Subsahariens qui cherchent un travail ne posent pas de problèmes au Maroc, vu leur nombre, mais ce sont eux qui ont des difficultés en arrivant ici », précise Mehdi Lahlou.
22/9/2013, Julie Chaudier
Source : Yabiladi