lundi 25 novembre 2024 03:09

Le premier ministre britannique s'engage à freiner l'immigration

Pour la première fois depuis qu'il est entré au 10 Downing Street, Gordon Brown s'est longuement exprimé, jeudi 12 novembre, sur l'immigration. "Oui, j'ai compris", a-t-il dit à ceux qui le pressent de se saisir du sujet depuis deux ans et demi, et plus encore depuis que l'économie est entrée en récession. L'immigration ne doit pas être un thème "tabou", s'en préoccuper n'est pas synonyme de "racisme", a-t-il lancé. Alors que tous les sondages le donnent perdant, face au conservateur David Cameron, aux élections législatives prévues d'ici à l'an 2010, le premier ministre veut reconquérir cet électorat traditionnel du Labour qui ne lui donne plus sa voix.

Les scrutins européen et locaux de juin ont montré une large désaffection de la working class pour le Parti travailliste, qui s'est traduite à la fois par une abstention record et par une montée des petits partis. Notamment celle du British National Party d'extrême droite, qui a désormais deux députés à Strasbourg. A en croire un sondage commandé par le syndicat Unite, cet été, l'immigration est la grande responsable de ce désamour, plus encore que le scandale des notes de frais de Westminster, ou bien l'usure des travaillistes après douze ans de gouvernement. "Certains s'inquiètent d'une immigration qui tirerait leurs salaires à la baisse et limiterait les perspectives d'emploi de leurs enfants. Et les empêcherait de continuer à vivre près de chez leurs parents", a résumé M. Brown.

Le premier ministre s'est donc engagé à tout mettre en oeuvre pour que les Britanniques aient en priorité accès aux emplois disponibles dans leur pays. Une version allégée de sa promesse, en 2007, de donner "des emplois britanniques aux travailleurs britanniques". Il a exclu de plafonner le nombre d'immigrés comme le demandent les tories, puisque cela serait contraire aux règles européennes. Mais il a annoncé un durcissement des conditions dans lesquelles les non-Européens pourront venir s'installer au Royaume-Uni.

Depuis février 2008, ces derniers, s'ils ont une qualification professionnelle, doivent obtenir un permis de travail à points, inspiré du modèle australien. La maîtrise de l'anglais ainsi qu'une certaine autonomie financière sont exigées. Surtout, ils doivent postuler dans un des secteurs où le ministère de l'intérieur juge qu'il y a pénurie de main-d'oeuvre locale.

C'est sur ce levier que compte jouer le gouvernement pour limiter l'immigration. Plusieurs professions - médecins hopsitaliers spécialistes, ingénieurs en génie civil ou aéronautique, officiers de marine marchande - ne seront plus accessibles aux non-Européens, a annoncé M. Brown. La liste qui représentait 700 000 emplois, il y a un an, et 500 000 aujourd'hui, sera encore restreinte en 2010.

Par ailleurs, a-t-il poursuivi, les employeurs devront afficher leurs offres d'emploi en Grande-Bretagne pendant un mois, contre deux semaines aujourd'hui, avant de démarcher ailleurs. Toujours dans un souci de favoriser les Britanniques, le premier ministre veut créer, en collaboration avec les entreprises, des formations qui correspondent justement aux besoins en main-d'oeuvre du pays.

M. Brown sait qu'il ne répond que partiellement au malaise d'une partie des classes populaires. Car il ne parle que des immigrés non européens alors que la Grande-Bretagne a assisté ces dernières années à une arrivée massive de Polonais et autres voisins de l'Est. Depuis leur adhésion à l'Union européenne en 2004, ils sont près d'un million à avoir traversé la Manche. La fermeture des frontières en 2005 aux non-Européens sans qualification n'a pas suffi à compenser le flux.

Qui plus est, il arrive fréquemment que des agences fournissent des équipes de travailleurs européens - des Italiens, des Portugais, etc. - à des entreprises pour effectuer des missions de courte durée. On a assisté au début de l'année, dans le secteur de l'énergie, à des grèves spontanées de salariés britanniques qui dénonçaient ces pratiques, assorties généralement de salaires faibles et de conditions de travail difficiles, affirmaient-ils. Dorénavant, a promis M. Brown, ces immigrés temporaires devront être rémunérés au même tarif que leurs homologues locaux, dès lors qu'ils passent plus de douze semaines sur le sol britannique.

Toutes ces mesures, a affirmé M. Brown qui souhaite également réduire le nombre de visas délivrés aux étudiants étrangers, constituent "une réforme fondamentale" de la politique britannique en matière d'immigration. Une chose est certaine, la Grande-Bretagne ne peut plus éviter un sujet auquel elle a échappé pendant des années.

Quand Tony Blair a été élu en 1997, le solde net de migration était très légèrement positif. Les dix années suivantes, marquées par une forte croissance, ont vu des centaines de milliers de personnes arriver. Entre 2001 et 2007, la population britannique s'est accrue de 2 millions d'habitants, pour atteindre 60,9 millions, essentiellement sous l'effet de l'immigration.

D'ici à 2029, estime l'Office pour les statistiques nationales, elle dépassera 70 millions. Entre les nouveaux arrivants et les enfants des immigrés déjà sur place, l'immigration devrait expliquer les deux tiers de cette hausse.

Source : Le Monde

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