Les autorités expliquent les actions anti-migrants par une croissance de la criminalité parmi les diasporas nationales. Les déclarations quotidiennes alarmantes des responsables politiques et des forces de l'ordre sur la montée de la criminalité parmi les ressortissants de la CEI et d'autres États étrangers créent dans la conscience de masse une image extrêmement négative du travailleur migrant.
Le travailleur étranger abstrait se transforme en ennemi qui non seulement prend le travail des locaux, mais encore vend de la drogue, escroque et agresse les habitants pacifiques. Les responsables politiques appuient ces thèses sur les tendances criminelles des migrants sur des chiffres.
Le procureur de Moscou Sergueï Koudeneev a déclaré que les étrangers étaient à l'origine de 20 % des crimes commis dans la capitale. À en croire ses données, le nombre de cas d'escroqueries commises par des migrants a été multiplié par cinq depuis l'année passée, leurs crimes graves et très graves ont augmenté de 60 %, les préjudices lourds et prémédités à la santé de 37 %, et les assassinats de 20 %. L'arithmétique du procureur soulève pourtant des questions : tout juste deux semaines plus tôt, Koudeneev rapportait en interview que le nombre de crimes et délits commis par des migrants avait été divisé par deux (de 16 000 à 8 000) entre 2008 et 2012.
Quelle est donc la raison de ces déclarations contradictoires ? Quand les forces de l'ordre parlent d'un déchaînement de criminalité parmi les migrants, il est question de crimes et délits enregistrés, d'affaires pénales n'ayant pas donné lieu à procès. Ces données peuvent être manipulées avec une facilité défiant toute concurrence à des fins de déclarations retentissantes. Les plaintes pour crimes et délits ne sont effectivement suivies de procès au pénal que dans 7 à 8 % des cas.
Si l'on se penche sur les affaires pénales jugées, la part des crimes commis par des étrangers est mince. Selon les données du département juridique de la Cour Suprême, on a observé une croissance sensible des condamnations visant des étrangers – de 2,8 à 3,5 % – en 2008-2009, qui s'explique aisément par le rétrécissement sévère du marché du travail pour les migrants lors du pic de la crise. Par la suite, la part de verdicts impliquant des migrants dans la quantité globale de condamnations est restée stable et n'a pas dépassé les 3,8 %. Dans la capitale, la criminalité parmi les migrants est plus élevée. Selon les données de la direction du département juridique de la Ville de Moscou, les ressortissants de pays de la CEI étaient à l'origine de 17 % du nombre global de délits commis en 2012. Toutefois, plus du quart d'entre eux relèvent de la falsification de documents officiels : cartes de migration, enregistrements et permis de travail. Selon les données de l'Institut des problèmes d'application de la loi près de l'Institut européen à Saint-Pétersbourg, la criminalité des étrangers ne se distingue qu'en ce qui concerne le statut du migrant. En matière de criminalité ordinaire, leur conduite ne se distingue quasiment pas, dans la structure, de celle des citoyens de la Fédération de Russie. Et si les estimations sur le nombre de migrants présents en Russie (11,3 millions de personnes) et à Moscou (plus de 2 millions) sont justes, il s'avère que les migrants ont en réalité moins tendance à enfreindre la loi que les locaux.
3 septembre 2013
Source : lecourrierderussie