samedi 30 novembre 2024 02:46

Pour dévier l'attention de ses problèmes socio-économiques, l'Europe s'invente des problématiques "fictives" liés à l'intégration ou à l'Islam (universitaire)

Face à des difficultés d'ordre économico-social, les politiques européens se sont inventé des problèmes "fictifs et abstraits" sur l'identité et l'intégration des migrants ou l'Islam pour dévier l'attention des populations de leurs préoccupations fondamentales, a estimé Rachid Id Yassine, universitaire franco-marocain, docteur en sociologie, en anthropologie et en science des religions.

"Face au chômage, la crise économique sans solutions concrètes, qui rongent l'Europe, des responsables politiques ont tendance à attirer l'attention sur de faux problèmes comme les questions du voile islamique, des minarets, de l'appel à la prière ou encore de la cantine scolaire", a relevé M. Id Yassine, auteur d'entre autres de "L'islam d'Occident" et "Musulmans et Catalans, une identité incertaine ?".

"Le débat public est polarisé pour chercher un coupable, et la religion sert de prétexte", relève-t-il, notant que "se sont davantage les politiques qui font de la religion que les religieux qui font de la politique".
A l'échelle mondiale, les effets de cette "politique de l'autruche" qui consiste à ne pas voir que les musulmans sont pleinement intégrés dans les sociétés européennes, ont continué à entretenir une polarisation entre d'un côté l'Islam, et d'un autre l'Occident, relève ce chercheur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), qui a pris part à une conférence sur le thème "Islam et musulmans en Europe : enjeux et défis identitaires", organisée mercredi par le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME), à l'occasion du Salon international de l'édition et du livre (SIEL) de Casablanca.

Selon Id Yassine, la question de l'identité des émigrés musulmans en Europe a plusieurs aspects et dimensions, qui par étape, est passée de l'assimilation notamment en France où on demandait aux émigrés d'abandonner leur culture, leur langue et leurs coutumes sous prétexte de faciliter leur assimilation, à l'insertion dans la société puis à l'intégration, dans un double rapport entre la société qui doit intégrer ces personnes, et ces personnes qui doivent l'intégrer de leur côté.

"Nous sommes devant une question d'appropriation. On se trouve du coup devant l'interrogation de qui appartient à qui? Est-ce que la société appartient à ces personnes où elles ont le droit de pratiquer leur religion, leur langue, manger leurs plats authentiques qui leur rappellent leurs origines parce qu'elles sont chez elles, ou l'inverse, puisqu'elles appartiennent à cette société, elles doivent se conformer aux normes et valeurs qui y dominent", souligne-t-il.

Actuellement, le paradigme est en train de changer car les émigrés ont pris conscience qu'ils étaient dans un contexte de post-intégration et qu'on passe à l'inclusion car tous les jours, de plus en plus d'européens de "souche" se convertissent à l'islam, relève le jeune chercheur, faisant observer qu'on "ne peut pas demander à ces européens, fils de Jean et de Nathalie, de Juan et de Carmen... de s'intégrer dans les sociétés qui les ont vu naitre".

"On leur demande de s'inclure et de ne pas de s'exclure eux même au moment d'embrasser l'islam", ajoute-il.
Aux yeux de cet universitaire, ce n'est pas l'Islam ni les musulmans d'Europe qui doivent relever les défis identitaires, mais plutôt l'Europe qui est interpellée sur son identité.

L'islam est une religion à part entière qui se veut universelle et transculturelle, précise-t-il, relevant que cette transculturalité tient au fait que l'islam ne relève pas d'une culture mais d'une quête de sens, qui se manifeste parfois dans des cultures différentes.

Le défi n'est plus du sort de l'islam ou des musulmans d'Europe, sinon des sociétés européennes qui vivent une crise identitaire et qui peinent à se définir et à redéfinir leur identité.

Réfléchir à une solution s'avère plus que nécessaire voire urgent, estime-t-il, ajoutant que la société civile ne pourrait construire de lien social ni trouver des alternatives aux problèmes existant qu'à travers notamment un investissement colossal dans l'éducation, la culture et les arts, qui rapprochent les populations plus qu'elles les séparent.

21 févr. 2015,Idriss TEKKI

Source : MAP

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