lundi 25 novembre 2024 15:43

Un plan d'action pour renforcer les associations

La stratégie nationale au profit des MRE, créée en novembre 2002 sur Hautes instructions Royales, se poursuit tambour battant. Mohamed Ameur, ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Communauté marocaine résidant à l'étranger a présidé, mardi dernier à Rabat une conférence, afin de présenter un des axes majeurs de ce plan d'action qui repose sur le renforcement et la mobilisation des associations des MRE.

Lors de son intervention, le ministre délégué a rappelé les mutations démographiques socioprofessionnelles et culturelles qu'a connues la communauté marocaine de l'étranger ces dernières décennies et les nouveaux besoins et aspirations de cette dernière. Il a par ailleurs réaffirmé l'importance de ce partenariat avec les associations MRE qui démontre la volonté politique marocaine d'orienter, d'accompagner et de soutenir les Marocains du monde dans leurs droits socioéconomiques et culturels mais aussi de les impliquer dans les projets nationaux. «Ce programme, a-t-il précisé, a été mis en place après une série de consultations avec les associations des MRE. Il a pour objectifs de conjuguer les efforts de part et d'autre de la Méditerranée et de favoriser l'établissement de partenariats multipartites avec tous les acteurs au niveau des pays d'accueil comme du Maroc ».

Ce programme s'articule autour de trois volets fondamentaux . Il s'agira tout d'abord de renforcer les capacités des acteurs associatifs outre Méditerranée par un dispositif de formation destiné « à les aider à s'intégrer dans leur pays d'accueil tout autant que dans leur pays d'origine », selon le ministre délégué. Une action pilote sera, à cet effet, initiée au niveau de trois sites, en France, en Italie et en Espagne, dans la perspective de sa généralisation dans d'autres pays. «On n'est pas capable de former les associations sur leur objet, mais on peut renforcer leurs activités au plan transversal en technique d'animation, de gestion, de négociation ou encore en mobilisation des ressources, autant d'expertises dont elles sont fort demandeuses» a déclaré Aziz Amar, président de l'association AMDAM (Association médicale d'aide au développement entre l'Auvergne et le Maroc) qui doit piloter le projet sur la région Rhône-Alpes. L'Association migrations et développement (AMD), quant à elle, devra chapeauter celui sur Marseille, Montpellier et la Corse.

Le second volet de ce programme vise en partenariat avec les pays d'accueil, la réalisation de projets novateurs qui répondent à des besoins urgents manifestés par la communauté marocaine établie à l'étranger, notamment dans les domaines sociaux, culturels et éducatifs. « Les projets soutenus par le gouvernement marocain seront ceux axés sur la préservation de l'identité nationale, de l'enseignement de la langue arabe et de la culture marocaine », a souligné Mohamed Ameur. «Seront également accompagnées par nos soins les associations qui œuvreront en faveur de la protection des droits et des devoirs des MRE, en particulier ceux des populations les plus vulnérables, des jeunes, des femmes, des personnes âgées ou à besoins spécifiques », a-t-il poursuivi. Une aide financière de l'ordre de 30% sera apportée par les autorités marocaines à chaque projet, les 70% restant seront à la charge des partenaires locaux. Pour ce faire, un appel à projet a été lancé officiellement aux associations MRE courant février qui traduit la volonté du ministère d'instaurer une nouvelle démarche multipartite basée sur une action globale et participative d'un grand nombre d'acteurs territoriaux des pays respectifs. Le troisième volet de cette stratégie gouvernementale porte enfin sur la mobilisation et l'encouragement des associations MRE au développement local du Maroc.

«La communauté marocaine résidant à l'étranger participe depuis toujours activement au processus du développement du pays à travers son implication dans la réalisation de projets dans les villages d'origine », n'a de cesse de dire Mohamed Ameur.
En effet, les exemples de réalisations et de co-développement de la part des MRE ne sont plus à démontrer tant ils sont légion.

L'ambition de cette stratégie est de poursuivre et de consolider cette relation solidaire au-delà des générations. En outre, la mise en œuvre de ces différentes actions aura pour objectifs de rendre professionnelles et crédibles les associations des MRE vis-à-vis des autorités des pays d'accueil, des autorités du Royaume et des bailleurs de fonds, d'assurer leur ancrage dans les deux pays, d'optimiser le rôle et d'amplifier leurs initiatives au service du développement local. «Les Marocains vivant à l'étranger constituent des acteurs de coopération "à part entière" du fait de leur "double référence", se plait à répéter Mohamed Ameur. Cette coopération, en tout cas, aura été scellée lors de cette rencontre par la signature de deux conventions entre le ministère chargé de la Communauté marocaine résidant à l'étranger, l'Association médicale d'aide au développement entre l'Auvergne et le Maroc (Amdam) installée en France, et l'Association migrations et développement (AMD).

Quelques données chiffrées

La date limite des dépôts de dossier relatifs à l'appel de candidature des associations est fixée au 16 mars 2010.
Le plan d'action concernant le renforcement des capacités devra à terme toucher plus de 500 associations à l'horizon 2012.
Depuis ces 5 dernières années, on note une nette orientation vers un système de parrainage entre les associations de migrants ou de leurs enfants et les associations au niveau local voire régional.


Questions à: Mustapha Boujrad • Expert dans le monde associatif

«S'enraciner sans déracinement»

• Il faut, a déclaré le ministre M. Ameur, conjuguer tous les efforts pour établir des partenariats multiples avec els associations au niveau des pays d'accueil et du Maroc. Quel est l'état des lieux de ces associations ?

Les actions de solidarité entre les MRE ont connu une évolution selon les générations. Au départ, c'était des interventions individuelles ou collectives sans organisation officielle et formelle. La solidarité concernait la recherche du travail et l'hébergement des nouveaux immigrés, le soutien en cas de maladie et de décès.Pour organiser les immigrés et les mobiliser pour défendre les causes nationales, l'Etat a encouragé la création d'associations qui ont bien réussi leurs actions à cette époque. Avec le temps la solidarité commence à prendre forme autour de thématiques qui faisaient l'unanimité, à savoir le cultuel et l'apprentissage de la langue arabe. Des associations commencent à avoir le jour selon les lois des pays d'accueil.
Les nouvelles générations jeunes et cadres ont préféré s'attaquer à d'autres thématiques en laissant les thèmes classiques à la première génération. Ils s'intéressent plus aux activités culturelles, sportives et artistiques. D'autres se sont même investis dans l'action politique et syndicale. Les apports des unes et des autres sont importants. Cependant, ces associations souffrent de plusieurs carences.

• Précisément, quel diagnostic peut-on faire ?

Le diagnostic du secteur associatif des Marocains du monde se caractérise par la diversité de son intervention et la précarité de son organisation. La majorité des associations œuvrent dans le domaine cultuel. Le culturel, le sportif et l'artistique intéressent particulièrement les jeunes motivés par une carrière souvent politique dans le pays d'accueil. La grande majorité d'entre eux est gérée de façon traditionnelle. Rares sont les associations qui respectent les règles de transparence, de démocratie interne, etc. Le constat le plus alarmant est que ces associations n'ont souvent ni le souci d'encadrement et d'accompagnement de la population MRE, ni une vision ni une stratégie bien fondée pour aider ces derniers à s'enraciner sans se déraciner (slogan du ministère chargé de la Communauté marocaine résidant à l'étranger). Par contre, certains sont forts dans la mobilisation des fonds sans pour autant que cela profite directement aux MRE. Il faut noter une évolution certaine. Les politiques menées vis-à-vis des MRE par les pays d'accueil et le pays d'origine étaient aussi circonstancielles et ponctuelles. Les pays d'accueil considéraient, au départ, les MRE comme une simple main-d'œuvre puis ces dernières années comme une assiette électorale. Quant au pays d'origine, les MRE étaient considérés comme des mobilisateurs de fonds et de devises. Les actions menées pour eux avaient plus un caractère folklorique, individuel et ponctuel sans aucune stratégie bien réfléchie et durable. Depuis les événements du 11 septembre, la vision sécuritaire s'est amplifiée dans les deux rives.

• Actuellement quelles sont les spécificités du secteur associatif ?

Les amicales qui avaient joué un rôle important, à une époque déterminée, particulièrement pour défendre les causes nationales ne bénéficient plus du même appui de l'Etat qu'auparavant. Leurs actions restent très limitées et dépendantes des personnes. Elles vivent encore sur leur histoire et sont absorbées par la question de la légitimité de représentation des MRE. Les associations cultuelles, quant à elles, sont souvent déchirées par les conflits subjectifs de leadership et d'appropriation des locaux. Elles sont très fortes dans la mobilisation des fonds et des personnes. Malheureusement, leur action se limite à la construction des mosquées où la pratique des rituelles prédomine. Leurs revendications se résument à la construction, l'accomplissement des travaux ou la rénovation des mosquées ; à l'affectation des imams et au souci d'apprentissage de l'arabe et des rituels de la religion aux enfants et aux jeunes. Ces dernières années, elles se sont livrées à d'autres batailles sur la représentation de la religion islamique dans les pays d'accueil avec d'autres courants et d'autres associations (les Algériens, les whabites, les chiites…etc.). Le danger réside dans la personnalisation des associations et dans leur envahissement par des courants extrémistes et intégristes au nom de l'Islam.

• Qu'en est-il des associations des jeunes qui souffrent le plus de problèmes d'identité ?

Les jeunes de la deuxième et troisième générations ont constitué des associations ou se sont intégrées dans des associations thématiques ou de quartier. Les actions sont destinées à tous les jeunes sans souci d'appartenance à une nation ou autre. Cela a permis à plusieurs jeunes d'émerger, en particulier des jeunes femmes. Ils ont été intégrés par des partis politiques. Ils sont des élus, des cadres des organisations syndicales, sociales, etc. Même si leur action est plus globale, ils ont encore un penchant vers le pays d'origine. Elles peuvent jouer un rôle important dans l'encadrement et l'accompagnement des MRE. Ils sont motivés et pleins de volonté et mobilisateurs de moyens, de compétences et de jeunes. Ce qu'il faut faire avec eux c'est de les orienter vers la stratégie du ministère qui consiste en l'enracinement sans déracinement. Les associations qui œuvrent dans le domaine social (femmes violentées, alphabétisation, enfance, prisonniers, retraités, cas sociaux, etc.) sont bien structurées quand elles sont gérées par des femmes ou des jeunes. Elles bénéficient souvent de subventions des autorités locales. Les associations créées par des cadres et des professionnels. Elles sont spécialisées dans la mobilisation des fonds, des équipements et des fournitures au nom du co-développement. Elles sont bien organisées et structurées, ont un réseau important au niveau du pays d'accueil et du Maroc. Parmi elles, on distingue des associations sérieuses et d'autres moindres.

• Concernant les dysfonctionnements, que peut-on noter ? Quels sont les problèmes communs à toutes ces associations ?

Ces problèmes sont nombreux et on peut les résumer ainsi : absence d'une vision stratégique commune relative aux finalités des interventions et leur rôle dans la mise en œuvre de cette vision ; un faible encadrement et accompagnement des MRE; une incapacité de profiter des offres faites par les autorités locales et la société civile dans les pays d'accueil ; une grande fréquence des conflits personnels ; rareté des mécanismes démocratiques de prise de décision ; un professionnalisme associatif faible. Malgré ces insuffisances les associations des Marocains du monde ont un apport considérable qu'il ne faut pas négliger. On compte parmi elles, des associations et des cadres associatifs de très haut niveau. Ils ont besoin de la reconnaissance, de l'accompagnement et d'un renforcement de leur capacité. C'est pourquoi on considère que l'initiative du ministère chargé des MRE mérite un encouragement et un appui de haut niveau.

Source : Le Matin

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