mardi 26 novembre 2024 18:25

Vote des étrangers : la nation n'est pas le peuple

Une proposition de loi relative au droit de vote des étrangers a été adoptée au Sénat, après avoir été débattue en la présence du Premier ministre. En rappelant les termes historiques du clivage à ce sujet, ce texte défend l'idée d'un patriotisme constitutionnel démocratique, ouvert au vote des étrangers aux élections locales.

Une première conception de la citoyenneté est indissociablement liée au nationalisme. Elle limite le droit de vote et d'éligibilité à la nationalité et remonte à la période révolutionnaire : plus précisément à partir de 1793, dès lors que les partisans de la République entrent en conflit frontal avec la réaction monarchique européenne, une rétraction de l'universalisme conduit à limiter la citoyenneté aux seuls Français.

Depuis lors, y compris lorsque le suffrage universel direct devient la norme (soit à partir de la seconde République – 1848), non seulement il n'est que masculin – jusqu'en 1945 –, mais encore, il exclut systématiquement les étrangers.

Citoyenneté = nationalité ?

Le débat sur l'assimilation entre citoyenneté et nationalité ressurgit après guerre, pendant la phase de décolonisation et surtout en réaction à la Seconde Guerre mondiale, qui a démontré jusqu'à quelle inadmissible absurdité peut conduire le nationalisme populiste.

La question reste posée et le dernier discours de François Mitterrand face aux chefs d'Etat européens en 1995 résonne encore : « Le nationalisme, c'est la guerre. »

Dans tous les cas, dans l'histoire européenne, un nationalisme à la fois revanchard, militariste, raciste, conduit au déferlement des haines.

Mais le nationalisme universaliste porté par le projet révolutionnaire des Lumières déroge à cette loi du sang et conduit à privilégier le droit du sol ; le patriotisme constitutionnel, sans nier la réalité des nations en tant que communautés politiques et culturelles aux traditions spécifiques, veut promouvoir la participation à la vie publique et politique à partir du critère de résidence, sans discrimination fondée sur l'origine, la race, la religion…

Cette seconde conception de la citoyenneté est plus conforme aux idéaux de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et à ceux de la déclaration universelle de 1948. La citoyenneté peut alors ne plus être strictement assimilée à la nationalité.

Droite de vote des étrangers : notre histoire constitutionnelle dit « oui »

Il est donc tout à fait conforme à notre patrimoine constitutionnel de défendre un projet de citoyenneté qui permette aux élections locales, aux étrangers résidant par exemple depuis cinq ans dans leurs communes, de voter et d'être éligibles.

Il faut rappeler que cette évolution favorable à la diversité juridique tout en ne retenant pas le concept de discrimination positive, est déjà actée depuis les années 90 au sujet de la citoyenneté européenne : les résidents européens non nationaux votent et sont éligibles en France aux élections municipales et européennes.

De fait comme de droit, la citoyenneté a été depuis lors, dissociée de la nationalité.

Rappelons qu'en conformité à l'identité constitutionnelle de la France, en vertu d'une future proposition de loi, les étrangers ne pourront pas participer aux élections en lien direct avec la souveraineté nationale (sénatoriales, législatives et présidentielle).

Ainsi, en respectant les déclarations universelles des droits et sans déroger à la tradition, le patriotisme constitutionnel démocratique propose judicieusement, de faire davantage de place à la diversité.

11/12/2011, Olivier Rouquan

Source : Rue 89

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