Le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) a rendu hommage, ce dimanche 20 avril 2025 au Salon de l’édition et du livre (SIEL) à Rabat, à Abdellah Bounfour, professeur des universités, spécialiste des études amazighes. 

Mohamed Sghir Janjar, anthropologue, Hassan Wahbi, poète et écrivain, Fouad Bellamine, plasticien, Abdelghani Abou Al Aazm, lexicographe, Khadija Mouhsine, Universitaire, Salem Chaker, professeur émérite et spécialiste de linguistique berbère, ont participé à cet hommage que Najib Abdallah Refaïf, journaliste et écrivain a animé. 

Abdellah Bounfour est un linguiste et philologue marocain né en 1946, spécialisé dans les langues, la littérature et la culture berbères. Il est professeur émérite à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) à Paris.

Originaire de la tribu berbère Glaoua du Haut Atlas de Marrakech, il a étudié à l’Université de Paris III (Sorbonne Nouvelle), où il a obtenu un doctorat de troisième cycle en 1976, un doctorat d’État en 1984, et l’agrégation d’arabe en 1986.

Ne pouvant pas être présent à cette rencontre, Salem Chakera envoyé un message que Najib Abdallah Refaïf a lu, louant une relation d’amitié et de travail de près d’un demi siècle. 

Il y écrit que « d’emblée, Abdellah Bounfour avait eu une vision globale à l’échelle de l’Afrique du Nord des problématiques berbères et a été un pilier essentiel de toutes nos activités d’enseignement et de recherches ».

Pendant ces « longues années de collaboration, il a été un partenaire scientifique à la fois complémentaire et indispensable avec une solide connaissance en langues arabe, amazighe et française ». 

Un trait scientifique qu’Abdelghani Abou Al Aazm, un des rares dictionnairiques de la langue arabe au Maroc et ami d’Abdellah Bounfour depuis 1960, a confirmé, dans un message d’hommage lu par sa fille Amal Abou Al Aazm.

Pendant qu’il réalisait ses travaux scientifiques sur la langue amazighe, « il tenait à cette ouverture en toute objectivité et neutralité positive sur les autres langues, notamment la langue arabe et nourrissaient des échanges fructueux et académiques avec bon nombre de spécialistes en littérature arabe ». D’ailleurs, il a soutenu une thèse de doctorat sur la rhétorique arabe sous la direction de Roland Barthes à Paris. 

Dans son message, Abdelghani Abou Al Aazm s’est rappelé des images qui représentent la personnalité de son ami : « il est sensible quant aux situations qui incitent à la réflexion et tient un équilibre précis dans ces décisions ». 

Pour rendre hommage à sa fibre scientifique, Khadija Mouhsine a tenu à exposer les réalisations et le parcours brillant d’Abdellah Bounfour, même si cela « ne saurait être exhaustif ».

Elle retient trois volets qui lui semblent constituer les axes principaux des recherches d’Abdellah Bounfour. « Premièrement, le travail et le souci de la sauvegarde des textes notamment en poésie mais pas seulement. Deuxièmement, l’élaboration d’une poétique des textes littéraires amazighes et troisièmement, une poétique des genres ».

L’ouvrage d’Abdellah Bounfour Poésie populaire berbère publié aux éditions du CNRS et paru en 1990, « illustre assez le premier volet ». « Il s’agit de textes poétiques faisant partie du fond Arsène Roux qu’Abdellah Bounfour a transcrit, traduit et annoté ». 

Dans Anthologie traditionnelle de la poésie berbère, publié par l’INALCO chez l’Harmattan en 2010, « Abdellah Bounfour nous offre aussi un ensemble de poèmes qu’il a recueilli et y examine des termes spécifiques de dénomination des genres dans le domaine « chlouh ». Il y rassemble également des textes en kabyle, rifain et tamazight ». 

C’est dire la préoccupation constante de « s’inscrire non seulement dans une perspective amazighe mais aussi pan-amazighe », explique Khadija Mouhsine.

Pour sa part, Mohamed Sghir Janjar, aussi directeur de la revue culturelle « Prologue », garde l’image « d’un savant dont la complexité ne permettait pas un accès facile à son œuvre ». 

Ce qui fait l’originalité d’Abdellah Bounfour est, « sa prise de conscience très tôt de l’importance de l’interdisciplinarité, notamment en sciences humaines et sociales ». Au delà de la littérature et de la linguistique, « il a dès le début élargi son champs de recherche à la sémiologie et la sémantique ». 

L’accompagnant dans la réalisation de son ouvrage Les Berghwata, I. Les sources textuelles arabes relatives à leur histoire, il a appris de lui « la façon méthodique avec laquelle il rassemble les textes, les traduit, les classe, les compare et les analyse », refusant de céder au découragement que provoquerait le retard de l’archéologie dans ce vaste territoire de Berghouata. « Il y a mobilisé l’analyse linguistique, l’anthropologie, l’ethnographie, la méthode historique ».

Participant à son tour à ce vibrant hommage, Hassan Wahbi se réjouit de ce « moment de gratification et d’estime rendant à Abdellah Bounfour son mérite, son histoire, sa complexité et son itinéraire de vie et de pensée ».  

Ce qui frappe, chez Abdellah Bounfour d’après lui, est la « complexité de sa trajectoire explorante d’une ville à l’autre, d’une institution à l’autre, d’un pays à l’autre et d’une discipline à l’autre ». Tout en gardant « une constante ou une sorte de foyer intellectuel, il ne s’est pas enfermé dans les choix étroits des convenances conformistes », affirme Hassan Wahbi.

Dans son hommage, le plasticien Fouad Bellamine s’est rappelé l’apport d’Abdellah Bounfour dans la dynamisation de la scène culturelle et artistique marocaine pendant « une décennie qui a été fondatrice par rapport à la culture et l’art chez nous au Maroc, à savoir les années 70 ».

Avec d’autres artistes plasticiens et acteurs culturels, « nous avions instauré les rencontres des jeudis où chaque membre de ce groupe nous conviait chez lui pour partager nos passions,  nos pratiques et les concepts autour desquels on construisait nos travaux ». Ces rencontres ont servi « d’assises pour dessiner le panorama culturel du Maroc des années 1980 et 1990 », se rappelle Fouad Bellamine. 

A la fin de cette rencontre, Abdellah Bounfour a tenu à remercier « l’organisateur et le concepteur de cet hommage, Driss El Yazami, Président du CCME »,  ainsi que tous les intervenants ». 

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