Le forum sur les migrations organisé par le Conseil de la communauté marocaine de l’étranger, CCME, en marge de la 20 ème édition du Salon international de l’édition et du livre qui se tient du 13 au 23 février à Casablanca, Maroc, a révélé un autre visage de l’Afrique : celui de l’audace et de la responsabilité. Des regards croisés, des expériences édifiantes, des résolutions audacieuses et surtout une nouvelle dynamique sur les questions d’immigration, les panélistes et intervenants venus des quatre coins du continent se sont montrés résolus et déterminés. Faire bouger les lignes est désormais un leitmotiv.
« Il nous faut une coordination des différentes activités des diasporas africaines ». Ces propos tenus par Abdellah Boussouf, secrétaire général du CCME, ont servi de ligne directrice aux deux jours d’intenses débats qui ont marqué le forum sur les migrations marocaines et africaines. Tous les participants ont quasiment entonné le même hymne allant jusqu’à l’exigence de la création d’un conseil de la communauté africaine de l’étranger.
La première thématique abordée « diaspora africaine et perspectives du développement en Afrique », a mis en exergue les expériences réussies du Maroc et du Mali en matière de gestion des migrations et de leurs retombées. Le parcours du CCME, une institution incontournable au Maroc et à l’étranger, a montré que le pessimisme actuel sur les migrations, notamment en Europe, était excessif. Le Mali, un des plus grands pays des départs des migrants, tire, lui aussi, son épingle du jeu. Abdoulaye Konate, directeur-régisseur du CIGEM, centre d’information et de gestion des migrations, a axé son intervention sur la performance particulière de son pays dans le contrôle du flux migratoire. « Les migrations maliennes sont essentiellement professionnelles », a t-il soutenu avant de chiffrer son apport financier et indiquer le rôle clé que jouent les migrants maliens dans le processus de développement de leur pays.
Rendez-vous du donner et du recevoir, les migrations ne sont pas un désastre, la Côte d’ivoire l’a compris et veut en faire un atout pour sont développement. Directeur général des Ivoiriens de l’Extérieur, Issiaka Konate, oeuvre pour que son pays emboîte le pas au Mali voisin. « Notre objectif est de faire de tous les Ivoiriens de l’extérieur, sans exclusif, des acteurs clés du développement national », insiste t-il. « Aussi, nous nous sommes mis à l’école des expériences réussies, comme celle du Mali, pour ne pas rater cet objectif primordial ».
Si la question de la gestion du flux migratoire a permis aux uns et aux autres de voir où l’Afrique se trouvait, notamment en terme des politiques institutionnelles, les expériences sur les migrations sud-sud et sud-nord ont été des moments de grand enseignement pour les participants sur l’impact des migrations dans l’amélioration des conditions des populations locales mais, aussi et surtout, sur le bénéfice aussi bien pour les pays d’accueil que pour les pays des départs.
« Les migrations sont d’un apport certain dans l’amélioration des conditions de nos populations », assure Oumou Sall Seck, maire de Goundam, localité située dans la région de Tomboctou au Mali. « C’est grâce aux migrants que bien des familles ont des revenus et peuvent bâtir ». Des propos amplifiés par Ousseini Hadidjatou Yacouba, première femme directrice de cabinet du chef de l’Etat au Niger.
« Chez nous au Niger, l’immigration rime avec création de richesse. Partir, c’est aller faire fortune », observe-t-elle.
Si certains pays, surtout ceux des départs, tirent profit des migrations – économiquement parlant- d’autres, ceux d’accueil, n’en voient toujours pas les dividendes. « Chez nous au Gabon, nous avons noté que les migrants expatriaient systématiquement leurs avoirs et ne participaient vraiment pas à la construction du pays », déplore le journaliste Moussa Boussougou.. Mais à cette amertume légitime du journaliste gabonais, Fatouma Diarra Traoré, société civile malienne, rétorque : « Si les migrants basés au Gabon n’investissent pas dans ce pays, c’est parce que, là-bas, il n y a pas d’assurance. Ils ont peur de perdre avec les expulsions qui sont monnaie courante ».
Le panel sur les migrations féminines, présidée de mains de maître par Ouafae Hajji, présidente des femmes de l’international socialiste, a prouvé que les femmes africaines ont l’expertise nécessaire pour répondre aux grandes questions et surtout sont capables de s’organiser mieux que les hommes. « Et si les femmes nous dirigeaient ? ». Cette question d’un intervenant dénote qu’elles ont suffisamment des ressources pour prendre les commandes. Pratiques et pragmatiques, elles ont posés des problèmes et sorti aisément des résolutions là où les hommes ont passé leurs temps dans les belles formules et les démonstrations.
Chantal Kambiwa, camerounaise et spécialiste sur les questions de genre, qui a égratigné quelque peu la diaspora sur son essence, a estimé que pour résoudre l’épineuse question des migrations, les discours ne suffisent pas. « Il faut une volonté politique forte, des mesures appropriées au niveau des états ». Pour Athia Niang, du ministère sénégalais des affaires Etrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, au-delà des aspects institutionnels, il faut que les organisations de la société civile africaine, en Afrique comme dans la diaspora, s’organisent de façon conséquente. « Il faut qu’au sortir d’ici, nous mettions en place un réseau capable de canaliser notre action sur les questions des migrations ».
La première journée de ce forum a donc permis aux panélistes de dégager des angles nécessaires à l’actionnement d’une dynamique unitaire dans les activités des diasporas africaine, pour jeter le pont entre ces diasporas et les organisations locales de la société civile et, aussi et surtout, avec les institutions étatiques qui gèrent les questions des migrations. D’emblée donc, on peut être tenté de dire que le CCME a, en initiant une telle rencontre, permis à l’Afrique de s’affirmer autrement sur un débat généralement dominé par des récriminations occidentales, surtout d’une Europe, frontalière de l’Afrique, dont les barricades semblent être aujourd’hui la principale réponse à l’immigration.
Par Mohamed Mboyo Ey’ekula
Depuis le pavillon CCME, Salon international de l’édition et du livre pour Pambazuka