« Marocains du monde dans les sociétés plurielles : Défis et opportunités » est le thème de la conférence inaugurale de la participation du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) au Salon du livre de Casablanca. La rencontre a réuni MM. Abdellah Boussouf, Secrétaire générale du CCME, José Manuel Cervera, Directeur de la Fondation Trois Cultures et Jean-Claude Hergott, spécialiste de la laïcité.

M. Abdellah Boussouf : la responsabilité de l’intégrisme est partagée   

Intervenant à cette rencontre, M. Abdellah Boussouf a indiqué que le thème de cette conférence, qui est aussi celui de la participation du CCME à cette édition du Salon du livre de Casablanca, revêt une importance particulière puisque les Marocains du monde sont aujourd’hui confrontés à vivre dans des sociétés traversées par des turbulences dues aux crispations identitaires de plus en plus acerbes et à la montée de la haine, la xénophobie, le terrorisme et l’intégrisme.

« Mais ce que les Marocains du monde doivent toujours mettre en avant est que leur existence aujourd’hui dans une société plurielle n’est pas un fait nouveau puisqu’ils appartenaient déjà à un pays de tolérance et de pluralisme consacré dans sa Constitution, qui stipule, dès son préambule, que le Maroc est une terre de rencontres et de diversité religieuse, linguistique… », a affirmé M. Boussouf.

Les débats soulevés dans les sphères publiques européennes posent aujourd’hui, et avec force, la question de l’apport et de la valeur ajoutée des immigrés : « ils étaient d’abord une force de travail qui a contribué à la prospérité et à la reconstruction de l’Europe après la 2e guerre mondiale. Elle a donc en premier lieu constitué un levier économique et démographique pour l’Europe », a-t-il poursuivi.

Pour un pays comme la France, à titre d’exemple, l’apport de l’immigration se fait sentir au quotidien dans les débats publics : « la présence des Musulmans en France permet de se demander si le pays a réellement réussi à construire une société laïque qui puisse assimiler les communautés issues de toutes religions ».

Le Secrétaire général du CCME a enfin précisé que « pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme, il n’y a pas de recettes magiques : c’est une responsabilité partagée donc nous devons y faire face ensemble », ajoutant que « l’engagement d’une personne comme M. Hergott, ici présent, est la preuve que la laïcité n’est en aucun cas le refus des convictions religieuses mais la liberté qui permet à chacun de vivre sa spiritualité ».

M. José Manuel Cervera : la diversité culturelle n’est plus une option avec la mondialisation

M. José Manuel Cervera, qui a remercié le CCME de l’avoir invité à cette rencontre, a affirmé que sa présence aujourd’hui « est une expression de notre disposition à collaborer ensemble pour le vivre-ensemble et l’intégration de tous les immigrés, notamment les Marocains du monde ».

« La diversité culturelle n’est plus une option dans un monde mondialisé », a-t-il indiqué, précisant que l’enjeu est de comment vivre sa différence en toute liberté et en démocratie, au-delà des spécificités ethniques et des croyances religieuses.

Pour cela, « nous devons réaliser qu’il s’agit bien d’une affaire humaine avant d’intégrer toute approche politique et démographique et que la migration est loin d’être un problème, encore moins un problème de notre temps, puisque les mouvements migratoires sont aussi vieux que l’humanité ». 

Le directeur de la Fondation « Trois Cultures » a ensuite comparé les sociétés marocaine et andalouse : « nous sommes au Maroc et en Andalousie le fruit d’un brassage culturel qui s’est fait sur plusieurs siècles » et nous observons « l’exceptionnel cas marocain avec admiration, car c’est l’un des rares pays au monde à reconnaitre le pluralisme et la diversité dans sa Constitution ». 

L’enjeu donc pour les pays européens, selon M. Cervera, est de prouver que « la migration est une chance pour les sociétés d’accueil et d’origine et de réussir l’intégration des migrants de part et d’autre de la Méditerranée « . Dans ce cadre, il convient de distinguer entre l’intégration et l’assimilation :  » s’intégrer dans une société permet de préserver son identité d’origine de la composer avec les valeurs de la société dans laquelle nous vivons « .

Pour réaliser cette intégration, la « Fondation Trois Cultures » porte plusieurs projets dans la société espagnole qui s’étendent parfois jusqu’à l’autre rive de la Méditerranée. Consciente de l’importance de l’intégration linguistique, la Fondation organise des sessions « d’enseignement de la langue espagnole aux mères de familles : si les enfants apprennent la langue à l’école et les pères de familles sont amenés à la pratiquer dans les milieux professionnels, les mères restent en retrait du processus de l’intégration linguistique ».

La Fondation organise également des cours d’arabe pour les enfants d’immigrés, « pour maintenir le contact avec les membres de leurs familles au Maroc, assurer la communication et soutenir les échanges entre pays d’accueil et d’origine ».   

Hergott : l’expérience française de la gestion de la diversité et de la laïcité

Dès le début de son intervention, M. Jean-Claude Hergott a précisé que le sujet qu’il a choisi de traiter dans cette table-ronde, à savoir la laïcité, est « un concept complexe et un terme pour lequel il n’existe pas de définition qui puisse faire consensus ».

« Tout le débat français repose donc sur le sens de ce mot qui paraît pour la première fois dans le dictionnaire en 1872 ». L’on distingue alors entre le spirituel et le temporel mais ceci « ne signifie pas forcément une séparation entre les deux », avant la promulgation de la loi 1905 qui instaure la séparation des églises et de l’Etat. « La Constitution de 1989 stipule enfin que la République est laïque ».

M. Hergott précise, en ce sens, que « la République est bien laïque, mais pas les individus ». On assiste donc à l’instauration du principe de la neutralité des institutions publiques, à celle de la liberté de croire, de ne pas croire et de changer de religion et à la notion de l’égalité de tous vis-à-vis de la République, quelle que soit la croyance. « La laïcité n’est donc pas une opinion, mais la possibilité d’avoir une opinion ».

Il convient dans le cadre de la laïcité de distinguer entre l’espace publique, l’espace institutionnel et l’espace privé. « L’espace des institutions publiques qui traduit la neutralité des agents de ces institutions, mais pas celle des usagers qui jouissent de la liberté de conviction, avec comme limite la loi de 2004 ; l’espace privé, l’intimité, mais sur laquelle un juge peut tout-à-fait intervenir comme dans le cas d’un divorce où il se prononce sur l’éducation religieuse des enfants ; puis l’espace publique dans lequel se rencontrent les expressions des différentes convictions et dans lequel le religieux peut être présent.

M. Hergott a enfin tenu à préciser qu’au sein de l’Union Européenne, la liberté religieuse est la même quel que soit le pays. « Tous les pays ont la même définition de la liberté, contrôlée par la cours européenne des droits de l’homme, mais que tous les pays ne la vivent pas de la même manière, compte tenu de l’histoire et des évolutions sociétales ».

La rédaction 

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