« Ce que souhaite l’Etat Islamique , c’est préparer le terreau de la guerre civile » en France, qui profite indubitablement à la progression d’une extrême droite dénonçant l’islamisation de la France”. » Ce sont là les deux idées clés du dernier ouvrage « Terreur dans l’Hexagone. 2005-2015, genèse du djihad français »de Gilles Kepel, politologue et spécialiste du monde arabe, paru le 16 décembre 2015 en France.
Pour l’auteur, qui retrace dix ans de terrorisme en France (2005-2015), aujourd’hui le seul parti qui est en position de tirer profit de tous les facteurs « anxiogènes » liés au terrorisme, c’est bien le Front National (extrême droite) de Marine le Pen. Selon M. Kepel, l’an 2015 a renforcé la progression d’une extrême droite dénonçant « l’islamisation de la France».
Dans le dernier chapitre de son ouvrage « Entre “kalach’” et “Martel” », celui qui a été le plus commenté par les médias et l’actuelle prêtresse de l’extrême droite en France, Gilles Kepel estime que « le FN et le radicalisme -islamiste- se nourrissent mutuellement dans la mesure où le repli de l’un sert l’argumentaire de l’autre.
L’ouvrage de Gilles Keppel est, à contrario de ses précédents livres, accessible au plus grand nombre. Il y analyse des faits, preuves à l’appui, plus proche du pédagogue que de l’académicien. Il explique que les attentats de l’année 2015, contre le journal satirique Charlie Hebdo (Janvier ) et ceux du Bataclan ont été d’une certaine manière annoncés dès le 22 septembre 2014 par Abou Mohammed Al-Adnani, le porte-parole du mouvement terroriste, qui avait appelé à frapper les occidentaux partout où ils se trouvent et particulièrement les « sales et méchants Français ».
Il rappelle aussi que cette stratégie a été mise en place dès 2005, par Abou Moussab Al-Souri dans son « Appel à la résistance islamique mondiale » où il dit très clairement : « la multiplication des attentats aveugles va permettre des lynchages de musulmans, des attaques de mosquées, des agressions de femmes voilées et ainsi donner lieu à des guerres d’enclaves, qui mettront à feu et à sang le Vieux Continent… »
Afin d’arriver à leurs fins, les « têtes pensantes » de « l’Etat islamique » choisissent l’endoctrinement d’une jeunesse européenne musulmane passible d’être enrôlée au sein de leur mouvement. Tandis que les musulmans européens (l’écrasante majorité) qu’ils soient policiers, militaires ou « simples » citoyens payant leurs impôts sont désignés comme des apostats.
Enfin M.Kepel évoque aussi ce qu’il appelle l’histoire « rétrocoloniale » toujours d’actualité estime-t-il, en citant l’exemple de Mohamed Merah (petit braqueur de banlieue et radicalisé par les salafistes), le meurtrier des enfants de confession juive de l’école de Toulouse en mars 2012 « cinquante ans jour pour jour après la mise en œuvre du cessez-le-feu de la guerre d’Algérie ». Selon le chercheur Mohamed Merrah était « né dans une qui haïssait la France ».
Elément important, M.Kepel affirme que la France et ses services secrets ont failli « car ils n’avaient pas compris la mutation du djihadisme d’Al-Qaida à celui de la troisième génération ». Nous payons aujourd’hui le prix de la cécité de nos élites politiques.