Ce livre traite de l’évolution des idées et des mentalités à travers les relations de voyage de Marocains en Europe. Il m’a paru intéressant de l’introduire par une anecdote très significative.
En visite à Tanger en 1854, l’écrivain et critique littéraire russe Vassili Pétrovitch Botkine (1812-1869) raconte le dialogue qu’il eut avec un autochtone : « De quel peuple es-tu ? L’interroge un habitant de Tanger.
- Je suis Russe et je viens de Russie.
- Je n’ai jamais entendu parler de ce peuple ! Et pour quelle raison
es-tu venu à Tanger ? - J’ai été poussé par la curiosité ; je veux connaître votre pays.
- Que Dieu est grand ! Personne d’autre que Lui ne connaît les desseins de ses créatures ou les voies suivies par elles. Pour ce qui me concerne, je prie Dieu de me préserver de quitter ma patrie pour me
rendre dans des pays étrangers. Et tout cela par pure curiosité ! Nous autres musulmans, nous ne voyageons jamais que par nécessité pour traiter nos affaires ou pour nous rendre à la Mecque… »(1)
Nous avons dans ce dialogue ce que pense en 1854 un Marocain sur le voyage comme activité qui mène à la découverte de l’ailleurs et à la rencontre avec l’Autre.