Espace historique de migrations et de mobilités humaines, l’Afrique, comme le Maroc, reste, aujourd’hui encore, à la fois un espace de confrontations et d’interrogations quant aux liens entretenus ou non entre communautés expatriées et terres d’origine, aux rapports à la langue et aux langues, aux identités, à l’imaginaire … Enjeu humain, politique et social majeur depuis la période coloniale, l’immigration imprègne parallèlement les romans de ces écrivains aussi bien de l’ancienne que de la nouvelle génération issue de ces migrations. Tous méditent, auscultent ce motif pour exprimer les angoisses et les espoirs de générations partagées entre ici et là-bas.
La littérature afro-caribéenne est née en situation d’exil, à travers ce mouvement appelé la "négritude" parisienne. L’exil a toujours existé depuis l’antiquité. Mais il est aujourd’hui davantage associé au phénomène de l’immigration, thématique qui fait apparaître un nouveau personnage dans la littérature, celui de l’"immigré". Alors que la génération d’Aimé Césaire et de Léopold Sédar Senghor a écrit le "cahier d’un retour au pays natal", la génération suivante donne à lire le cahier de l’arrivée puis de la vie en terre d’immigration, méditant essentiellement la question migratoire, à l’image des "Boucs" de Driss Chraïbi. Les personnages qu’on rencontre dans les romans des générations actuelles sont désormais autant en décalage avec leurs sociétés de résidence et d’origine de leurs ascendants. L’exil devient ainsi une espèce d’entre-deux, offrant à l’écrivain la possibilité de porter un regard critique autant sur le "là-bas" que sur l’"ici", comme une écriture supranationale, comme une littérature-monde revendiquée par certains.
Younès Ajarraï