"Musulmans d'Occident" avec Anouar majid, Tareq Oubrou, Rachid Id Yassine, Khadija hajji, mustapha Tossa
Quelles sont les réalités de l'Islam en occident? Comment peut-on avoir un discours religieux adapté aux spécificités culturelles et idéologiques des sociétés occidentales? Quelle formation pour les cadres religieux et imams est en mesure de les qualifier à la gestion des attentes des communautés musulmanes? Des questions parmi d'autres auxquelles la table-ronde "Musulmans d'Occident" a tenté de répondre, avec la participation de Tareq Oubrou, Anouar Majid, Rachid Id Yassine, Khalid Hajji et Mustapha Tossa.
Les musulmans en Occident
L'islamologue et recteur de la Grande Mosquée de Bordeaux Tareq Oubrou, intervenant en premier, a insisté sur l'importance de renouveler le discours religieux : "les musulmans vivant en occident doivent avoir un discours religieux adapté aux cultures des pays dans lesquelles ils vivent. Une adaptation basée sur le principe de l'altérité et du "vivre-ensemble"".
Khalid Hajji, président du Conseil des Oulémas marocains en Europe, a soutenu la même thèse, faisant la distinction entre deux principes majeurs, "la croyance" et "l'appartenance". "Les musulmans d'Europe ont certes une spiritualité, mais ils appartiennent en même temps à des sociétés occidentales. La possibilité de gérer sa croyance et son appartenance dans la sérénité retient toute notre réflexion et constitue un vrai défi", poursuit-il.
Le docteur Rachid Id Yassine, auteur du livre Comment l'Islam a-t-il pu devenir occidental?, s'est quant à lui intéressé à la diversité que connait ces derniers temps la communauté musulmane en occident. "Il n'est plus uniquement question de communauté musulmane issue de pays musulmans. Les profils des musulmans en occident sont de plus en plus diversifiés", dit-il, ajoutant que "l'appartenance à des sociétés européennes nous pousse à réfléchir à la place de l'Islam dans la vie quotidienne de chacun".
Si les problématiques liées à l'Islam ne cessent de se compliquer en Occident, motivées par la conjoncture économique et politique, il est toutefois nécessaire de "mettre en valeur l'exception américaine, un modèle fondé, depuis deux siècles, sur un principe de liberté élargi", a tenu à préciser Anouar Majid, professeur à l'Université New England aux États-Unis. "Le musulman aux États-unis jouit de toute sa liberté et le conflit entre l'Islam et la société américaine n'existe pas. L'actualité a parfois soulevé des questionnements comme pendant le 11 septembre ou l'intervention des USA en Iraq, mais ça ne dépasse pas le cadre politique", a-t-il poursuivi.
Quelle formation pour les cadres religieux?
La problématique de l'encadrement religieux des imams a occupé une large partie de la table-ronde modérée par le journaliste Mustapha Tossa. Tareq Oubrou, un des Imams les plus actif en France, auteur du livre Profession imâm, a estimé que "les acteurs religieux ne devraient pas s'occuper des apparences mais de la profondeur de l'Islam". Selon lui, "un imam en occident est un vulgarisateur de l'Islam".
"Communiquer et vulgariser s'impose donc, pas uniquement avec les communautés musulmanes mais avec toutes les composantes de la société dans laquelle on vit", soutient Khalid Hajji.
En plus de l'encadrement et de l'accompagnement des cadres religieux, Rachid Id Yassine propose d'éviter ce qu'il a appelé "l'Islam consulaire", qui fait de l'imam un fonctionnaire dont la mission principale est de transmettre la politique religieuse de son pays d'origine, ce qui crée un climat de concurrence entre plusieurs pays voulant s'approprier la gestion du champs religieux dans le pays d'accueil et engendre des tensions.
L'intérêt suscité par les problématiques liées à l'Islam en Occident s'est traduit dans la richesse des débats qui ont suivi cette table-ronde.