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Maroc : vers la création d'un musée dédié à l'immigration

mardi, 18 février 2014 15:15

MM. Ahmed Ghazali, muséologue, Othmane Mansouri, professeur d'histoire moderne et contemporaine, Kacem Achahboun, spécialiste de l'histoire de l'Afrique subsaharienne, Abdeslam Boutaib, président du Centre de la mémoire commune pour la démocratie et la paix et Mme Leila Maziane, professeur chercheur en histoire et patrimoine maritime du Maroc, ont animé cette rencontre modérée par M. Ahmed Siraj, professeur d'histoire et chargé de mission au CCME.
M. Mansouri a détaillé dans son intervention la place de l'immigration dans la production historique au Maroc : "la production historique s'est intéressée, de façon indélibéré, aux Marocains d'ici mais dans l'histoire des pays étrangers, les marocains ont une place importante. Les Marocains du monde sont de fait très peu présents dans nos travaux".
M. Achahboun s'est quant à lui intéressé à l'émigration marocaine dans la mémoire hollandaise et l'intérêt porté par Marocains des pays-bas à leur histoire.
" En 1969, une convention de main d'œuvre a été signée par le Maroc et les pays-bas. A cette époque, 16 000 marocains étaient déjà installés aux pays-bas. La migration marocaine a pris une grande part dans les études et recherches universitaires dans ce pays mais chez les Marocains des Pays-Bas, les premières générations étaient pour la quasi totalité des ouvriers, et ne s'y intéressaient donc pas. L'on peut sentir de l'intérêt chez les 3ème et 4ème générations, plus éduquées", a-t-il déclaré, ajoutant qu'"En 2010, un centre d'études d'une université hollandaise a réalisé une étude retraçant l'histoire de l'immigration aux Pays-bas depuis 1580, ce qui a mis en valeur plus de 1000 documents historiques".
Dans son intervention, M. Boutaib a tenu à souligner la différence entre l'histoire et la mémoire : "l'histoire est une science. La mémoire c'est l'histoire politisée". Le grand défi pour construire un musée de l'immigration, selon ce spécialiste, sera de "neutraliser les conséquences ou les résidus de cette mémoire, on pense à la mémoire de l'Espagne au rif, une mémoire douloureuse".
M. Maziane a par ailleurs exposé sa conception du musée de l'histoire de l'immigration au Maroc : "il faut faire une histoire rétrospective, commencer par le présent, ceux qui arrivent, pour arriver à ceux qui sont partis. Il ne faudra pas oublier les Marocains d'ici pour reconstituer notre identité. Il faut cartographier les origines des gens et n'oublier personne, en s'arrêtant sur les parcours exceptionnels".
"Il y a 6000 musées aux USA pour une nation qui a moins de 300 ans alors que la notre, plusieurs fois millénaire, n'en possède que 12", a-t-elle précisé.
Ahmed Ghazali a clôturé cette rencontre avec un benchmark des musées de l'immigration dans le monde : " la première génération des musées a vu le jour dans les années 70 en Amérique, Canada et Australie. Des pays qui considèrent la migration comme élément fondateur. Viennent ensuite les musées de la diaspora en Italie, Irlande, Portugal, qui célèbrent les gens qui sont partis, reconnaissant un devoir de mémoire. Puis viennent ceux de la France, l'Allemagne ou de Londres, des pays retraçant le parcours de la main d'œuvre qu'ils ont recrutée et qui est restée à la fin de sa mission".
"On est en train de répondre aux pays d'Europe, on veut faire un musée sur notre diaspora qui est partie construire ces pays, on veut les garder en mémoire. Notre cas n'a pas été précédé par un autre dans la région, on sera peut être pionnier", a-t-il conclu.

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