vendredi 22 novembre 2024 09:57

altMohamed Anouar Haidour, Madrid, né le 17 octobre 1957 à Tétouan, syndicaliste, Confederación Sindical de Comisiones Obreras (CCOO), spécialisé en immigration et coopération au développement.

altMohamed Kharchich, Madrid, né le 13 septembre 1960 à Tétouan, directeur des affaires islamiques et sociales au Centre Culturel Islamique de Madrid, membre de la Commission Islamique d'Espagne, secrétaire général de la Fédération Espagnole des Entités Religieuses Islamiques (FEERI), président de la Fédération des Associations Musulmanes de Madrid (FECOM), opticien de formation.

altMohammed Moussaoui, Paris, ingénieur, chef de projet génie logiciel, président du Congress mondial (Congrès Mondial des Citoyens d'Origine Marocaine).

altMokhtar Ferdaoussi, Paris, président du CNMF (Conseil national des Marocains de France), syndicaliste (Force Ouvrière), membre de l'ANAEM (Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrants) et de l'ACSE (Agence nationale de cohésion sociale et d'égalité de chance), juriste spécialisé en droit des étrangers et droit international privé, juge du travail en France.

altNajib Bencherif  est l’un des fondateurs de la chaine satellitaire « Al Arabiya » où il occupe les fonctions de Directeur des Correspondants et des Bureaux.

De par ses fonctions, Najib est responsable de la supervision quotidienne de plus d’une cinquantaine de correspondants, en plus des équipes de tournage et producteurs déployés sur le terrain, particulièrement dans les points chauds du globe.

altOmar El Mourabet, Paris, né à Fès le 22 aout 1969, ingénieur en informatique et en stratégie marketing , intervenant à l'Institut régional du travail social (IRTS) sur la question de la religion et de la culture d'origine, président de l'association « Maroc Développement », réseau d'associations franco-marocaines et européennes, membre du bureau exécutif de l'association « France Plurielle », membre fondateur du Forum des cadres chrétiens et musulmans (FCCM) .

altRachid Benzine, Trappes, né à Kenitra en 1971, universitaire et chercheur  sur l’herméneutique coranique contemporaine associé à l'Observatoire du religieux à Aix en Provence , chargé de cours au Master « Religion et Sociétés » à l'Institut d'Etudes Politiques à Aix en Provence. Ecrivain, il a notamment publié « Les Nouveaux penseurs de l’Islam » (Tarik / Albin Michel, 2004) et « Nous avons tant de choses à nous dire » en collaboration avec le prêtre Christian Delorme, (Albin Michel, 1998). Il est également directeur de la collection Islam des lumières aux éditions Albin Michel.

altRaphy Marciano, Paris, né le 04 janvier 1948 à Casablanca, directeur du centre communautaire de Paris.

altSidi Mohamed Farssi, Dakar, Docteur d’Etat es-sciences, directeur de l’Ecole Doctorale des Télécommunications de l’Université de Dakar, professeur titulaire à l’école supérieure polytechnique de Dakar , président du Conseil National des Marocains au Sénégal (CNMS) et Directeur du Laboratoire de recherche en Imagerie Médicale et Bio Informatique.

 

altAmina Benlarbi, Oran, née le 02 septembre 1954 à Marrakech, avocate, membre d’Ordine section 12 (Conseils Juridiques). Militante associative, membre de l’Espace Maghrébin (Association Maghrébine), co-fondatrice du Club oranais de la femme, membre de l’Académie artistique des pays Catalans, artiste peintre autodidacte.

altAmina Ennceiri, Paris, secrétaire générale adjointe au Haut conseil à l'intégration, membre au Conseil économique et social, membre de jury ZEP Sciences Po, psychosociologue, chevalier de l’Ordre National du Mérite en 2006.

 

altMina Rhouch, Séville, née à Kenitra, membre fondateur et présidente de la Fondation CIMME (Centre international médical pour migrants et etrangers), médecin de formation et militante associative dans les domaines de la santé, la migration et la mobilité ainsi que le genre et le développement.

altNadia Bouras, Amsterdam, née le 08 novembre 1981 à Amsterdam, universitaire, titulaire d’un PHD en histoire, spécialisée dans les problématiques du genre, de l’immigration marocaine et du transnationalisme aux Pays-Bas, membre du conseil d’administration d’EMCEMO et du Conseil d’administration de Gresen Links Amsterdam (Parti vert gauche).

 

altPaul Dahan, Bruxelles, né à Fès, psychanalyste, directeur du Centre de la culture judéo-marocaine (CCJM), il a organisé plusieurs expositions et manifestations en Europe et aux Etats-Unis sur le judaïsme marocain.

 

altDriss Ajbali, Strasbourg, né à Casablanca, sociologue, ancien directeur d'un centre social et culturel à Strasbourg, ex-président du Comité d'action en faveur des immigrés en France, chevalier de l'Ordre National du Mérite en 1998, membre du CCDH depuis 2002.

Younes Ajarraï Caen, né à Kénitra le 5 février 1959, enseignant, conférencier, président de l'association culturelle « Trait d'union », directeur artistique du festival « Cultures du Maghreb ».


Madame et Messieurs les ministres,
Monsieur le Conseiller de Sa majesté le Roi Mohamed VI,
Messieurs les présidents des conseils de l'émigration, Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,

Permettez- moi en premier lieu de vous souhaiter la bienvenue et de vous réitérer nos plus sincères remerciements d'avoir bien voulu répondre à l'invitation du Conseil de la communauté marocaine de l'étranger.
Cette conférence, la première de son genre à notre connaissance au niveau international, constituera, grâce à vos communications et les échanges auxquels elles donneront lieu, une occasion unique de débat et d'échanges sur une problématique finalement peu étudiée sur le plan scientifique et encore peu visible, du moins au niveau mondial, sur le plan politique.

Ainsi, ce n'est qu'au mois de septembre 2008 que s'est tenue, sous présidence française de l'Union européenne , la première rencontre des Européens établis hors de leurs pays d'origine, événement auquel notre Conseil a eu le privilège d'assister en tant qu'observateur, et qui a été pour nous une occasion importante d'information, de prise de contact et une source d'inspiration.

Pourtant, de plus en plus d'Etats mettent en place ce que l'on pourrait appeler des politiques de l'émigration, en essayant par la création de conseils consultatifs, de ministères, d'agences ..., de maintenir et de revivifier les liens avec leurs communautés expatriées, de contribuer à la défense de leurs droits conformément au droit international des droits de l'Homme et notamment la Convention pour la protection de droits des migrants et de leurs familles, et enfin d'amplifier d'une manière ou d'une autre leur participation à la vie politique, économique et culturelle de leurs pays.
Pour quelques pays, notamment les grands pays de l'émigration, il s'agit de politiques établies depuis longtemps comme le démontrent, à titre d'exemples, les expériences espagnole, italienne ou portugaise. Il en est de même pour un pays comme la France où plusieurs institutions se sont succédées depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale.
Mais pour la plupart des pays, les populations nationales vivant à l'étranger ne faisaient pas l'objet d'une attention particulière. Ce n'est désormais plus le cas comme le rappelle le chercheur français Stéphane Dufoix : « à partir des années 1960-1970, affirme-t-il, ces pratiques d'indifférence ou d'abstention à l'égard des expatriés se muèrent progressivement en politiques d'attention ».

Ces politiques actives en direction des communautés expatriées sont probablement la conséquence et le reflet des mutations profondes du phénomène de l'immigration avec, en particulier, la progression significative du nombre de migrants, la mondialisation des flux avec une diversification des trajectoires et des destinations, la montée en puissance des flux sud-sud et le changement du statut de nombre de pays qui ne sont plus seulement des pays émetteurs, mais qui sont aussi et de plus en plus, même si c'est à des degrés variables, des pays de transit et d'installation.
Ces nouvelles politiques reflètent aussi les mutations internes des communautés émigrées.
Engagées dans des processus inéluctables d'enracinement dans les pays de résidence, les communautés émigrées aspirent en même temps à participer d'une manière ou d'une autre à la vie politique, économique et culturelle du pays d'origine.

Au fond, la revendication est celle d'une citoyenneté élargie, renouvelée et qui pourrait s'exercer de manières et à des niveaux différents dans plusieurs espaces politiques. En s'impliquant par leurs remises dans le combat contre la pauvreté, en s'investissant à travers des ONG dans le développement solidaire avec leurs communautés d'origine, en travaillant au transfert des savoirs et des compétences, tout en agissant sur le plan civique dans leurs pays de résidence, les migrants et leurs descendants manifestent un dynamisme civique certain qui peut être une source d'enrichissement pour les deux sociétés.

En effet, si dans certains pays les communautés émigrées peuvent constituer un facteur de polémique et de tensions, elles sont aussi un élément essentiel de rapprochement entre les peuples et les gouvernements et d'approfondissement de la notion même de citoyenneté.
C'est dans ce cadre qu'il faut considérer, nous semble-t-il, la multiplication des conseils de l'émigration et des institutions étatiques dédiées aux populations nationales vivant à l'étranger et le rôle qu'ils peuvent jouer, au moins à un triple niveau.
Composés d'hommes et de femmes qui ont vécu, souvent difficilement l'expérience migratoire, faite parfois de solitude, d'éloignement et de nostalgie de la terre quittée, de migrants qui ont du faire le dur apprentissage de l'intégration dans une société différente, qui peut mieux que ces conseils et institutions se faire l'écho des préoccupations et doléances des communautés expatriées et de défense de leurs droits dans les pays de résidence, constituer un vecteur de participation dans la vie démocratique des pays d'origine et agir aussi pour une prise en compte des souffrances et des droits de tous les migrants, y compris dans leur pays d'origine.

Dans le débat trop souvent passionné à propos des migrations et des mobilités humaines, dans chacune de nos sociétés et au niveau international, nos conseils peuvent jouer un rôle de modération et de rationalisation de ce débat, en maintenant fermement le cap de la fraternité et de la solidarité humaines ainsi qu'une approche fondée sur les droits de l'Homme. C'est en tout état de cause le choix irréversible de notre pays et de notre gouvernement, qui mène, sous l'impulsion de Sa Majesté le Roi, de vastes chantiers de réformes qui ambitionnent, au Maroc même comme au niveau de l'émigration, une approche participative aussi large que possible et l'élargissement des espaces de concertation et d'implication citoyennes.

Cet effort qui est le nôtre est d'évidence celui dont lequel vous êtes vous aussi engagés. C'est la raison pour laquelle je suis convaincu que de cette conférence donnera lieu à des échanges féconds et à de nouvelles initiatives dont cette réunion n'est que l'amorce.


Je vous remercie de votre attention.

 

Driss El Yazami

 

 

Télécharger l'allocution


Mesdames et Messieurs,

Cher (e) s Ami (e) s,


Retenu à Marseille, je ne peux malheureusement pas participer à cet important séminaire et je le regrette vivement. Je le regrette d'autant plus que j'ai pu constater à la lecture du programme qui m'a été transmis par mon amie Myriam Cherti la présence à ce colloque de plusieurs chercheurs pour lesquels j'ai le plus grand respect tant pour leur rigueur académique que pour leurs qualités humaines


Mesdames et Messieurs, Cher(e)s Ami(e)s,

Permettez moi d'évoquer en quelques mots comment le Conseil que j'ai l'honneur de présider conçoit ses rapports avec le monde scientifique et la vision qu'il entend développer dans le domaine de la recherche en sciences humaines.

Etabli en décembre 2007 par SM le Roi Mohamed VI, le CCME a été chargé de deux missions principales : élaborer des avis consultatifs en matière de politiques publiques marocaines en direction de l'émigration et agir comme un organisme de prospective sur une problématique devenue à plus d'un titre centrale dans la vie du pays.

Institution consultative et de prospective auprès de Sa Majesté, le CCME ne peut concevoir l'accomplissement de sa mission sans l'établissement de liens forts, permanents et rigoureux avec le monde académique, au Maroc même, mais aussi à l'étranger où vit désormais une immigration marocaine de plus en plus mondialisée, massivement féminisée, connaissant des mutations radicales en termes de composition sociodémographiques et connaissant un processus d'enracinement réel, complexe et contrarié dans les différents pays de résidence.

Il ne saurait y avoir de politiques publiques pertinentes ni d'avis consultatifs à la hauteur des enjeux sans un renforcement du processus d'accumulation des connaissances scientifiques des migrations marocaines et l'établissement de passerelles entre le monde académique et les différents décideurs politiques, dont notre Conseil.


A cet égard, et vu du Maroc, Il reste de nombreux domaines de recherche qui ne sont pas assez ou pas du tout explorés comme par exemple la dimension religieuse et culturelle ; l'immense question de la féminisation de l'émigration, l'histoire (même si les initiatives se multiplient dans ce domaine) ; la connaissance des diasporas scientifiques, techniques et économiques marocaines ; etc. Nous ne disposons ainsi que d'une seule étude sur l'enseignement de l'arabe alors que ce poste mobilisait jusque là une part importante des ressources publiques.

L'objectif me semble-t-il est bien celui de l'élaboration progressive d'un agenda national de recherche en matière d'émigration marocaine. Notre Conseil est à cet égard disponible pour contribuer à la cristallisation d'une telle ambition et à la mobilisation des ressources financières nécessaires sans lesquelles il ne saurait y avoir de recherche de qualité.


Il y a encore trop de points aveugles dans nos connaissances des problématiques complexes de l'émigration et il est urgent d'établir cet agenda, en tenant compte des exigences de l'action publique mais aussi -cela va sans dire, mais il vaut mieux le répéter-, en respectant la liberté académique sans laquelle il ne saurait y avoir de recherche.

Le Maroc possède aujourd'hui plusieurs atouts dans ce domaine et les conditions sont à priori rassemblées : Outre une volonté politique qui est à mes yeux manifeste, ce pays possède un potentiel de chercheurs dans le domaine des migrations, confirmés et débutants, sans équivalent, du moins sur le plan quantitatif, dans des pays d'émigration comparables.

Le renforcement des ressources documentaires et financières mises à la disposition des chercheurs marocains, la multiplication des passerelles de coopération et de confrontation entre eux et les réseaux académiques internationaux d'excellence, la circulation des enseignants et des étudiants entre les pays européens et la rive sud sont autant d'objectifs auxquels le Conseil entend contribuer.

Cette volonté s'est exprimée par la signature en 2008 de conventions entre quatre universités marocaines et notre Conseil afin d'y ouvrir des centres documentaires spécialisés. Quatre autres conventions seront signées en 2009, ainsi qu'une neuvième convention avec La Bibliothèque nationale du Maroc qui vient juste d'ouvrir ses portes.

Outre une convention de partenariat qui a été signée avec le Centre Jacques Berque ainsi que le Cesem de Rabat, un séminaire sur l'histoire des migrations marocaines devrait démarrer dans quelques semaines en partenariat avec l'Université de Mohammedia.

Par ailleurs, le Conseil a soutenu durant sa première année d'existence quasiment toutes les manifestations scientifiques organisées au Maroc sur les problématiques de l'émigration et finalise en ce moment même un partenariat avec une maison d'édition dynamique afin de contribuer à la publication d'ouvrages scientifiques sur les migrations marocaines, mais aussi d'œuvrer à la traduction et à la diffusion de romans écrits dans l'immigration, etc.

Enfin, notre conseil sera présent en février et avril 2009 aux foires internationales du livre de Casablanca et de Tanger, tout comme il co-organise la sixième édition du festival Cinéma et immigration, prévu en janvier 2009 à Agadir. Consacré bien évidemment au septième art, ce festival se distingue néanmoins, et cela depuis des années, par la tenue en parallèle de séminaires et de tables rondes scientifiques. Trois manifestations sont ainsi programmées sur les diasporas, l'émigration des juifs marocains et au cinéma militant des années 1970 en France.

Plusieurs autres initiatives, notamment en matière d'histoire des migrations et de patrimoine immatériel de l'immigration sont aussi inscrits sur notre agenda.


Mesdames et Messieurs, Cher(e)s Ami(e)s,

Tout en vous remerciant pour votre écoute, je voudrais réitérer de la plus manière la plus solennelle la disponibilité du Conseil et sa ferme volonté d'accompagner les initiatives scientifiques qui lui sont présentées et de contribuer à leur mise en œuvre dans le cadre de partenariats contractualisés, d'encourager la circulation des travaux et la mobilité des femmes et des hommes du savoir.


Je vous souhaite tout le succès souhaitable dans vos travaux et vous remercie.

Driss El Yazami

 

Télécharger l'allocution

 L'islam en europe: de plus en plus visible, de moins en moins étranger, de plus en plus national

Messieurs les maires,
Mesdames et Messieurs les intervenants et participants,
Mes chers collègues, membres du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger,
Chers amis,


Il me revient le grand honneur d'ouvrir ce colloque académique organisé par notre Conseil sous le Haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, et qui constitue, autant que je sache, une première dans un grand pays musulman d'émigration.

Je voudrais en préambule exprimer d'abord mes remerciements les plus sincères à vous, chers intervenants, qui avez bien voulu accepter notre invitation malgré, nous le savons, des agendas chargés par vos travaux de recherches et d'enseignement, vos fonctions publiques ou votre action militante.

Mes remerciements vont aussi au groupe de travail de notre Conseil, à Monsieur le secrétaire général et à leurs collaborateurs qui ont veillé, en un temps limité, à la conception et à l'organisation de ce séminaire.

Comme vous l'aurez remarqué dans le programme, la qualité et la diversité des intervenants promettent des discussions fécondes et intenses. Il y a en premier lieu de nombreux universitaires, juristes mais aussi sociologues de la religion et de l'immigration ou familiers de l'analyse des politiques publiques. Permettez-moi à cet égard de saluer la présence parmi nous des pionniers que furent MM. Felice Dassetto et Albert Bastenier, dont les travaux précurseurs nous ont nourris dès le milieu des années 1980. Je me souviens en tout cas pour ma part de l'émotion et du plaisir intellectuel que constituèrent la lecture de l'islam transplanté ou plus tard de leur «media u akbar».

Vos échanges promettent aussi d'être enrichis par les interventions de plusieurs responsables publics chargés de la gestion au niveau central des cultes, mais aussi de maires et de responsables des communautés musulmanes, qui essaient, au plus près des besoins et attentes des croyants, et souvent dans des contextes polémiques, d'accompagner la lente et complexe acclimatation de l'islam à son environnement européen.


Nous sommes au fond et les témoins et les acteurs, chacun à notre niveau d'un processus historique inédit, celui de l'enracinement de l'islam dans des sociétés pluralistes et profondément sécularisées et toutes attachées, quelle que soit leur tradition nationale spécifique, à une même laïcité culturelle européenne, pour reprendre une expression du professeur Jean-Paul Willaime, laïcité culturelle qu'il définit ainsi : « neutralité confessionnelle de l'État et de la puissance publique, reconnaissance de la liberté religieuse (y compris la liberté de non-religion), reconnaissance de l'autonomie de la conscience individuelle (liberté personnelle de l'homme et de la femme par rapport à tous les pouvoirs religieux et philosophiques), réflexivité critique appliquée à tous les domaines (religion, politique, science...)».

Certes, l'organisation de l'enseignement (places respectives du public et du privé, de l'enseignement religieux,..) et les modalités de financement du culte différent d'un pays à l'autre, et l'espace européen « connaît une grande diversité de modèles institutionnels de rapports entre États et religions » (Christian Mellon, 1994) mais il y a ce fonds européen commun qu'on ne peut, ni sur le plan de la réflexion ni sur le plan politique, ignorer.

Mais ce n'est pas là le seul élément commun aux pays européens. L'une après l'autre, les sociétés européennes connaissent une diversification de plus en plus évidente et cette diversification se fait à un rythme historique accéléré, transformant de manière essentielle le paysage religieux et culturel de ces pays. Induits par les décolonisations et les vagues successives de l'immigration, les mouvements de population de ces dernières décennies ont transformé le visage de l'Europe.

Le nouveau partenaire musulman de l'équation religieuse européenne est ainsi de plus en plus visible, de moins en moins étranger ou immigré et de plus en plus national, puisque revendiqué et assumé par une partie des enfants de l'immigration.


Ce partenaire demande de manière de plus en plus pressante sa place sur l'échiquier démocratique. Il la demande alors que les religions établies et les Etats européens ont conclu à travers l'histoire des accords explicites ou implicites de cohabitation, conférant aux confessions « anciennes » des avantages et des moyens que l'islam, nouveau venu, revendique à juste titre.

Ce nouveau partenaire s'enracine dans un environnement polémique, régulièrement réactivé par les tensions internationales. Il se développe alors que sa base sociale est restée longtemps et est encore dans une large mesure marquée par son histoire ouvrière et son statut social défavorisé, manquant de cadres de qualité, d'équipements dignes. Si la liberté religieuse est garantie en théorie, elle reste trop souvent méconnue en pratique.


C'est dans ce contexte que nous avons choisi, pour amorcer notre réflexion sur l'islam en Europe, une approche par le droit, qui définit dans toute société démocratique, les droits et les obligations des groupes et des individus.

L'approche européenne nous a semblé aussi évidente, non seulement parce 80% des 3,5 millions de Marocains émigrés habitent cette région du monde, mais aussi parce qu'elle devrait permettre des comparaisons probablement utiles pour les uns et les autres.


Je ne peux clore ce discours sans invoquer la mémoire d'un ami qui vient de nous quitter et qui a été pour un nous un maître, un compagnon et une source d'inspiration. Bruno Etienne vient de disparaître, mais je ne peux oublier son empathie, sa curiosité et sa disponibilité. Je dédie cette rencontre à sa mémoire.

 

Driss El Yazami

Télécharger l'allocution

Google+ Google+