Des universitaires ont dressé un triste portrait de l'Union pour la Méditerranée (UPM) lors d'une table ronde organisée, mardi à Casablanca, sous le thème "identités et enjeux géostratégiques dans l'espace méditerranéen", à l'initiative du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME), dans le cadre du 19ème Salon de l'édition et du livre (SIEL).
Organisation internationale intergouvernementale à vocation régionale, l'UPM est fondée en 2008 à l'initiative de Nicolas Sarkozy, dans le cadre de la présidence française de l'UE, mais s'est vit trouvée confrontée à de graves crises, comme le conflit israélo-palestinien puis le Printemps arabe, qui ont anéanti toute chance de succès de cette structure.
Le politologue marocain Mohamed Tozy pense qu'au vu des événements qui marquent l'Europe et les pays arabes, ces dernières années, une affaire de proximité au moins territoriale est établie entre les deux rives. Quand la rive sud prend froid, l'Europe s'enrhume, et vice versa , a déclaré M. Tozy à la MAP, ajoutant que cette proximité crée un espace qui favorise une diffusion rapide des problèmes.
Selon lui, l'Europe met le paquet sur deux problèmes majeurs, à savoir la sécurité dont la question malienne est l'illustration, et l'immigration. S'ajoute à cela l'islamisme et le terrorisme, questions importantes aux yeux des européens.
Ces partis pris vis-à-vis de la rive sud de la méditerranée peuvent résulter aussi bien d'un comportement négatif qui transforme la méditerranée en frontière, que de politiques qui peuvent être considérées d'un Âœil positif, a-t-il relevé. Par là, M. Tozy estime que ladite responsabilité de l'Europe pour un développement de la rive sud n'est pas l'expression de quelconque philanthropie, mais sert à neutraliser les possibles tensions.
Le cadre qui a été mis en place, l'UPM, s'est révélé être un échec dès le départ, parce qu'il était porté par une seule personne (l'ancien président français Nicolas Sarkozy), qui a trouvé de mauvais alliés au départ, a essayé, à travers cette idée, de prévenir l'intégration de la Turquie dans l'espace européen, et a eu des problèmes avec son principal partenaire européen l'Allemagne qui refusait d'être le porte-monnaie de ce projet , tel que l'avait dit la chancelière allemande Angela Merkel.
M. Tozy pense que tous ces éléments poussent à ne pas croire en ce processus, qu'il décrit comme projet impérial français inscrit dans une compagne électorale et dont les propositions politiques et les moyens alloués étaient bien trop faibles.
D'autant plus que ce processus est en-deçà de ce qu'était le processus de Barcelone (1995) qui a engagé un vrai dialogue politique avec la rive sud, a initié une intégration véritable de la société civile méditerranéenne et a essayé de mettre en place, à partir des mécanismes du programme MEDA, tout une série de projets de développements .
L'universitaire espagnol Bernabe Lopez Garcia estime pour sa part que la méditerranée est confrontée à de graves crises qu'il faut reconnaitre.
Aux années 1990, nous pensions que cette structure allait être la panacée des différences qui subsistent entre les deux rives de la méditerranée. 20 ans après, nous remarquons qu'on en est encore loin, a déclaré à la MAP M. Garcia, ajoutant que la créativité de la société civile peut instaurer, dans ce sens, de nouveaux liens.
Les pays de la méditerranée ont pour principale caractéristique l'indifférence, a jugé le professeur d'Histoire à l'université de Rome, Francesco Rizzi. Les pays de la rive sud, dit-il, ont d'autres priorités que le fait d'entretenir des rapports avec le nord, tandis les pays de la rive nord agitent l'épouvantail des gouvernements islamiques.
M. Rizzi tient toutefois à conclure sur une note d'espoir, en estimant que la seule possibilité de relancer cette structure est de faire en sorte que la mobilité des jeunes soit acquise entre les pays du pourtour méditerranéen, une tâche dans laquelle la société civile doit jouer un rôle déterminant.
03 avril 2013, Mustapha Sguenfle
Source : MAP