jeudi 4 juillet 2024 22:18

picto infoCette revue de presse ne prétend pas à l'exhaustivité et ne reflète que des commentaires ou analyses parus dans la presse marocaine, internationale et autres publications, qui n'engagent en rien le CCME.

Les religions dans la société française : 2000-2015, quoi de nouveau ?

Dans l'auditorium du quotidien Le Monde, environ quatre-vingt personnes sont venues assister au colloque du Cefrelco (voir encadré) « Les Religion s en France 2000-2015, quoi de nouveau ? ». Avocats, directeurs diversité, chercheurs, étudiants mais aussi curieux ont assisté à une dizaine d'interventions de spécialistes sur les thèmes « Un nouveau paysage religieux » et « Religions de l'immigration récente et nouveaux courants dans les monothéismes ».

Après un mot d'accueil des fondateurs du Cefrelco, Sophie Gherardi et Jean-Luc Pouthier, des spécialistes de tous bords sont venus présenter des chiffres et leurs analyses. Notamment le sociologue Claude Dargent, le spécialiste du droit des religions Francis Messner ou encore Sébastien Fath, fin connaisseur du protestantisme évangélique.

Dans la salle, l'ambiance est studieuse. La plupart des participants prennent des notes au fil des slides de Power Point.

Un bref aperçu des interventions

D'après le sociologue Claude Dargent, il faut différencier sentiment d'appartenance à une religion et pratique effective. Chiffres à l'appui, notamment l'enquête européenne European Value Survey (EVS) de 2009 ainsi que des sondages Ifop et Cevifop, on apprend par exemple que certaines personnes se déclarant appartenir à une religion ne croient même pas ... en Dieu ! Sans surprise, la France compte de moins en moins de pratiquants réguliers. Depuis le début du XXe siècle, la sécularisation a fait son chemin. Malgré tout, les Français restent attachés à certaines cérémonies religieuses, notamment en matière de funérailles.

Plus étonnant, chez les catholiques, 62% des pratiquants sont en fait des pratiquantes. Même constat chez ceux qui se déclarent croyants (52% de femmes contre 48% d'hommes).

La sociologue Catherine Grémion a produit une analyse plus spatiale du paysage religieux français en s'attachant à trois villes nouvelles : Saint-Quentin-en-Yvelines, Evry et Cergy. Elle a pointé que l'appartenance religieuse s'exprimait souvent à travers un code vestimentaire dans les quartiers et que le « réveil religieux » dont ont pu parler certains spécialistes émane essentiellement des jeunes. Ce sont eux qui ont remis en mode les génuflexions durant la messe comme ce sont eux qui déconsidèrent parfois les imams ne portant pas la barbe.

Quid de la laïcité ?

Louis-Xavier Thirode, chef du Bureau des cultes au ministère de l'Intérieur, a rappelé que laïcité n'est pas synonyme d'ignorance. L'Etat doit garantir la liberté de religion - dans laquelle sont incluses les libertés de conscience, d'opinion et de culte - et entretenir des relations régulières avec les cultes, ne serait-ce que pour la gestion administrative des édifices qui sont à la charge de l'Etat depuis 1905.

Francis Messner, spécialiste du droit des religions en Europe, a dressé un portrait des liens entre Etat et églises en Europe. De manière générale, les deux entités tendent à s'autonomiser en fonction des histoires particulières à chaque région. Cependant, certains Etats sont empreints de religiosité, comme le Danemark, où les pasteurs remplissent toujours le rôle d'officier de l'état-civil, par exemple.
International
Si la première session du colloque était centrée sur la France, la deuxième s'est attachée aux rapports avec l'étranger. Car les vagues d'immigration ne sont pas indifférente à la diversité actuelle du paysage religieux français.

Ainsi, Pan Juliang, chercheur spécialiste de la religion des Chinois en France, a expliqué que la majorité des personnes venues d'Indochine dans les années 1970 étaient bouddhistes ou protestantes. Une autre vague a amené les Whenzhou, arrivés une dizaine d'années plus tard. D'ailleurs, les premiers résident dans le XIIIe arrondissement de Paris, ou le Val-de-Marne; les autres dans le IIIe arrondissement, dans le quartier de Belleville ou en Seine-Saint-Denis. Chaque communauté organise son propre défilé pour le Nouvel An chinois. Si chacun fait sa parade de son côté, c'est parce que ces Asiatiques immigrés ne s'entendent pas, et souvent ne parlent pas le même dialecte. « Le défilé est une façon de marquer son territoire », a déclaré Pan Juliang.

Benjamin Bruce, spécialiste de la gouvernance de l'islam en France et en Allemagne, a axé son intervention sur les immigrés turcs. La Turquie n'a jamais été colonisée et nombre d'immigrants sont partis au moment du coup d'Etat militaire de 1980. L'intégration de ces migrants est donc très différente de celle des Maghrébins francophones. De plus, l'Etat turc s'invite dans la vie religieuse des immigrés en envoyant, dans le cadre d'accords inter-étatiques, plus d'une centaine d'imams formés pour assurer les offices dans les mosquées.

Chrétiens d'Orient, évangéliques et loubavitch

Copte s, assyro-chaldéens... Si ces noms semblaient chargés d'exotisme à l'entrée du colloque, Joseph Yacoub, spécialiste des chrétiens d'Orient, a pu éclairer le public sur les infinies nuances de cette immigration dont les origines remontent au XIXe siècle et qui a pour trait commun un amour ancien pour la France et sa culture. Sébastien Fath, spécialiste des évangéliques a rappelé à l'assistance le dynamisme caractéristique de cette branche du protestantisme : adeptes d'un "Dieu qui fait du bien", ils élisent leurs pasteurs et tiennent à leur indépendance. Cosmopolites et prosélytes, les 700.000 évangéliques de France participent à un courant charismatique qui déteint sur les autres religions :catholicisme et même islam. Enfin l'anthropologue Laurence Podselver a décrit l'évolution paradoxale du judaïsme loubavitch. Originaire d'une localité de Biélorussie, ce mouvement s'est transplanté aux Etats-Unis et en Israël. De là, il est parti à la conquête des juifs séfarades, en France notamment, dont beaucoup étaient urbanisés et modernes dans leurs pays d'origine et ont, eux-mêmes ou leurs enfants, adhéré à cette forme d'observance qui n'avait rien à voir avec leur tradition. Les rabbins en France, a noté Mme Podselver, ne sont plus formés à l'école rabbinique où l'on apprend le grec et le latin en plus de l'hébreu, mais en Israël et aux Etats-Unis. La vieille question des rapports religion-nation est une fois de plus reformulée.

La matinée du 5 avril 2013 sera consacrée au fait religieux en entreprise et interrogera « les années Sarkozy » en présence de Claude Guéant, ancien ministre de l'intérieur.

04.04.2013

Source : Fait religieux

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