Le roi Abdellah d'Arabie saoudite offre une amnistie temporaire aux travailleurs étrangers immigrés : il leur donne trois mois pour régulariser leur situation, avant d'entamer les arrestations et expulsions. Dans un contexte de chômage de masse, le royaume veut moins d'immigrés. Plusieurs dizaines de milliers de Marocains travaillent aujourd'hui dans le royaume et craignent d'être expulsés.
En Arabie Saoudite, la politique migratoire connaît les mêmes mécanismes qu'en Europe : avec le chômage, le royaume veut réduire l'immigration. Samedi 6 avril, le roi Abdellah a décidé de laisser 3 mois aux travailleurs étrangers pour régulariser leur situation, rapporte Reuters. En ligne de mire, les près de 8 millions d'étrangers, sur 27 millions d'habitants, qui vivent en Arabie Saoudite à la faveur de la rente pétrolière. Parmi eux, près de 60 000 Marocains, cette année, selon le Salon Maroc Property Expo, 28 000, en 2005, selon le ministère marocain des Affaires étrangères et de la Coopération.
Oum Hajjar est Marocaine. Esthéticienne, d'une trentaine d'année, elle a travaillé pendant 2 ans, à Jeddah, en Arabie Saoudite, avant de rencontré son mari égyptien, superviseur dans le secteur de la construction. Elle a cessé de travailler depuis deux semaines : « je ne veux pas qu'un policier me retire mes papiers », explique-t-elle.
Etrangers parrainés
Le couple a un permis de séjour mais leurs emplois ne respectent pas la règlementation. Selon la loi saoudienne, ils doivent être salariés de la société saoudienne qui les parraine, ils ne peuvent exercer comme travailleurs indépendants où être rémunérés par une société différente de leur parrain. Retournée au Maroc, un temps, la jeune femme n'a pu revenir en Arabie Saoudite, retrouver son mari, qu'en achetant un « parrainage » auprès d'un particulier. Officiellement, elle est employée de maison. Pour obtenir ce contrat, elle a dû payer une redevance de 15 000 riyals.
Depuis un mois, le gouvernement d'Arabie Saoudite, jusqu'ici très tolérant avec ce genre d'arrangement, a décidé d'être intransigeant et d'appliquer rigoureusement les lois passées pour favoriser l'embauche de Saoudiens au détriment des immigrés. Entrée en application en 2011, la « Nitaqat Law » oblige les entreprises du Royaume à recruter entre 5 et 30% de leurs employés parmi les Saoudiens. L'explosion démographique a été plus rapide que la croissance des revenus liés au pétrole. La croissance du pays est faible et engendre mécaniquement une augmentation du chômage.
La moitié de la population active au chômage
Officiellement, le taux de chômage atteint près de 10% de la population active, « mais certaines études affirment qu'il pourrait en réalité osciller autour de 25 % à 30 % », rappelle Olivier Arvisais, collaborateur de l'Observatoire sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (OMAN) de la Chaire Raoul-Dandurand à l'Université du Québec à Montréal, dans un article. S'ajoutent les femmes qui recherchent un emploi mais ne sont pas comptabilisées comme tel dans les statistiques officielles puisqu'elles n'ont théoriquement pas le droit de travailler. Au total, près de la moitié des Saoudiens serait au chômage, alors que le pays comptabilise 30% de travailleurs étrangers essentiellement venus d'Asie et des autres pays arabes.
Les bonnes relations entre le Maroc et l'Arabie Saoudite ne devraient pas être en mesure de protéger les émigrés marocains de la rigueur saoudienne. Le ministre délégué en charge de la Communauté marocaine résidant à l'étranger, Abdellatif Maâzouz, s'est rendu dans le royaume, le 22 janvier. « Le ministre a fait part à son homologue saoudien, de sa volonté d'améliorer les conditions de travail et de séjour des membres la communauté marocaine résidant en Arabie Saoudite. Au cours des discussions, il a donc été proposé à M. Le ministre du travail saoudien, un cadre institutionnel régissant la coopération entre le Maroc et l'Arabie saoudite en matière d'immigration de main d'œuvre », indique le communiqué officiel du ministère des MRE suite à cette visite mais précise : « et cela conformément aux lois en vigueur dans ce pays », or c'est bien ce dont il s'agit. Les Marocains, comme les autres immigrés, ont trois mois pour s'y conformer.
08.04.2013, Julie Chaudier
Source : Yabiladi