Le Salon international de l'édition et du livre (SIEL) a réussi cette année son pari : constituer un lieu convivial entre écrivains, penseurs et lecteurs. Pour sa 19e édition, organisée du 29 mars au 7 avril à la Foire internationale de Casablanca, le Salon a réuni le monde des éditeurs, des libraires, de la presse, des bibliothèques, de la diffusion, de la distribution sans oublier les métiers liés à l'imprimerie, à la publicité, à la microédition électronique et aux produits multimédias. Et que ce soit directement sur les stands ou encore dans les quatre espaces sur place, le SIEL a palpité cette année d'une intense activité intellectuelle, autour d'une grande variété de débats, de tables rondes, de conférences et de présentations de livres par leurs auteurs.
À titre d'exemple, le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) a proposé, tout au long du Salon, des cafés littéraires, des tables rondes, des programmes jeunesse et des ateliers diversifiés axés sur les thèmes des migrations, des identités et de la citoyenneté. À noter aussi les conversations avec l'absent, une manière de rendre hommage aux écrivains défunts marocains, Maghrébins et Africains, dont Edmond Amran El Maleh, Kateb Yacine, Mohamed Choukri ou encore Aimé Césaire et Mohamed Leftah. «Nous avons choisi cette fois de mettre en lumière le genre des écritures migrantes, diasporiques et transnationales. C'est aussi une façon de souligner ces spécificités qui émergent et s'institutionnalisent de par le monde, même si ce phénomène intervient à des degrés divers», explique Driss El Yazami, président du CCME et du Conseil national des droits de l'Homme.
Les écrivains marocains de par leur double appartenance n'échappent pas à cette règle. «À travers ce programme conçu pour le SIEL, nous avons voulu offrir une place de choix à cette littérature riche en expériences et mettre en avant le rôle que jouent les Marocains du monde dans les paysages culturel, social, économique et politique d'un Maroc en pleine mutation», ajoute-t-il. La France, quant à elle, a retrouvé cette année le Salon avec un programme riche en rencontres et en débats autour du livre. Sous le signe «Des générations et des littératures du Sud», le bilan de sa participation est «plus que positif», nous confie Odile Nublat, responsable du pôle Livre et des médiathèques de l'Institut français du Maroc. «Plusieurs écrivains de renom ont répondu à notre proposition cette année comme Sholastique Mu Kasonga, Prix Renaudot, Océans, Ahmadou Kourouma, Oscar Coop-Phane, Prix de Flore et Thierno Maonemembo, Prix du roman métis, Aurélien Bellanger et Monique Dagnaud, pour ne citer que ceux-là.
À retenir aussi la réussite de "Livre-moi.ma", une des deux expériences les plus réussies de vente en ligne de livres papier et électroniques au Maroc à côté d'Al Moggar d'Agadir», ajoute-t-elle. La participation des éditions et institutions marocaines n'est pas non plus passée inaperçue.
Cependant, le bilan positif du SIEL n'en cache pas moins la frustration des éditeurs et des écrivains. Le constat est affligeant, l'édition marocaine est en perte de vitesse depuis des décennies. «Il ne faut pas trop se leurrer. Au Maroc, il n'y a même pas de rentrée littéraire», explique Layla Chaouni, directrice des Éditions le Fennec qui déplore également le changement de la date de la tenue du Salon. «C'est une décision unilatérale, sans concertation avec les professionnels du livre. Cela affecte notre plan d'action pour l'année en cours compte tenu des engagements que nous avons pris quant aux autres rendez-vous culturels notamment les salons du livre nationaux et internationaux», se désole-t-elle. S'ajoute à cela, le manque de communication sur le Salon.
En terme de vente, la déception bat son plein. «Le livre est surplombé par la crise de lecture, les ventes ont tendance à baisser de façon constante. Les lecteurs sont de moins en moins nombreux. Nous ne pouvons pas parler de best-seller si nous mettons trois ans pour vendre un livre, même si c'est à 10 000 exemplaires. Il faut évaluer aussi la quantité et la durée», conclut-elle. Pourtant lors de ce Salon, le Fennec a proposé une bonne brochette de livres fraîchement édités, de beaux livres, littérature, débats philosophiques, etc.. «C'est des livres sans lecteurs», se lamente Rachid Chraïbi des Éditions Marsam. «Nous sommes incapables de sortir indemnes de la crise de lecture. Nous avons recommandé des solutions d'urgence, des mesures concrètes pour y remédier. Mais nos recommandations sont restées lettres mortes», s'insurge-t-il.
À quand une vraie politique du livre au Maroc ? Telle est la question de l'heure à laquelle il est très difficile de répondre pour le moment. Rendez-vous est donc pris pour la vingtième édition du Salon, à charge pour le ministère de la Culture de les mettre en œuvre.
Un concept novateur
Pour marquer sa participation au SIEL, la France a réédité le concept novateur des «Nocturnes du Salon», introduit en 2012 pour cette occasion. Après le franc succès qu'il a remporté l'année dernière, le concept a confirmé sa bonne santé lors de cette 19e édition. Invitation à la fête et à l'échange, les «Nocturnes du Salon», à l'Institut français de Casablanca, ont été un temps privilégié de découvertes de la littérature au croisement d'autres arts. Ici, il s'agit des concerts littéraires, des impromptus, des lectures performances en compagnie du musicien Arthur H, le romancier Abdellah Taïa, la chorégraphe Bouchra Ouziguen et Abdellatif Laâbi, le Prix Goncourt de la poésie 2009. Et bien d'autres rendez-vous conçus avec ses partenaires, dont le CCME, Eunic Languedoc-Roussillon livre et lecture.
8 Avril 2013, A.A
Source : LE MATIN