Un groupe d'élus des deux grands partis américains devait révéler cette semaine un projet historique de réforme des règles d'immigration aux Etats-Unis, priorité de Barack Obama, et qui, si votée, conduirait à la régularisation de millions de sans-papiers.
La conférence de presse prévue initialement mardi matin a été reportée à la suite des explosions de Boston (Massachusetts, nord-est) lundi, mais un document détaillant le projet a été transmis à l'AFP mardi.
La réforme ferait sortir de l'ombre les quelque 11,5 millions de sans-papiers, en majorité mexicains, qui vivent et travaillent dans le pays. Ils obtiendraient un statut légal temporaire, une régularisation de facto, et pourraient travailler, conduire et voyager en toute liberté.
Le soudain consensus sur un thème qui a longtemps déchiré la politique américaine souligne la volonté assumée des républicains de rattraper leur retard dans l'électorat hispanique, qui a voté à 71% pour Barack Obama à la présidentielle de 2012.
Mais pour convaincre les conservateurs réticents à "amnistier" ceux qu'ils considèrent comme des délinquants, le petit groupe au cœur des négociations a prévu des mesures ambitieuses de sécurisation de la frontière avec le Mexique, un gruyère de 3.000 km de long.
Ils veulent éviter le scénario de 1986, quand Ronald Reagan avait approuvé la régularisation de 2,7 millions de personnes. Malgré les bonnes intentions, faute de moyens, l'afflux de sans-papiers n'avait pas été freiné.
Cette fois, les élus posent des conditions: ils exigent que le gouvernement arrête 90% des clandestins dans les zones les plus à risques de la frontière. Un budget de 4,5 milliards de dollars sera dédié à l'érection d'une double clôture par endroits et l'achat de technologies de surveillance, dont des drones.
Un nouveau système informatique fédéral forcera les employeurs à vérifier que leurs salariés sont "légaux".
Parmi les conditions de régularisation, il faudra:
- être arrivé avant le 31 décembre 2011 dans le pays, et y avoir résidé en continu depuis;
- payer des frais d'au moins 500 dollars et d'éventuels arriérés d'impôts;
- avoir un casier judiciaire quasi-vierge (maximum de deux délits mineurs).
Fin de la "loterie" de cartes vertes
Après dix ans, ces immigrés pourront déposer une demande de "carte verte", le nom donné ici aux permis de séjour permanents. Trois ans plus tard, ils pourraient demander à être naturalisés.
Les personnes arrivées enfant sur le territoire seront régularisées plus vite, en cinq ans, une voie spéciale pour ces jeunes qui n'ont connu que l'Amérique.
Un nouveau système à points pour l'obtention de cartes vertes serait créé, fondé notamment sur le niveau d'éducation et le nombre d'années passées aux Etats-Unis.
L'autre volet majeur de la réforme vise à répondre à la pénurie de travailleurs très qualifiés dans certaines professions, une demande pressante du secteur des hautes technologies.
Le nombre de visas "H-1B" passerait de 65.000 à 110.000 par an, voire 180.000 si la demande continuait de croître. Les chercheurs et les étrangers "extraordinairement" qualifiés ne seraient pas soumis aux plafonds annuels pour les cartes vertes.
Les élus entendent aussi lancer un visa de trois ans, nommé "W", pour les travailleurs non-qualifiés dans des secteurs en pénurie comme le bâtiment.
Mais la célèbre "loterie" annuelle de 55.000 cartes vertes serait supprimée, victime de l'opposition des républicains qui préfèrent donner la priorité aux immigrés hautement qualifiés.
Avant de voir le jour, la proposition de loi devra survivre à des mois de débats au Sénat, puis à la Chambre des représentants, contrô lée par les républicains. Mais en cas de succès, elle marquerait une des réussites majeures du second mandat de Barack Obama, dans un dossier où son prédécesseur George W. Bush s'était cassé les dents.
16 avr. 2013
Source : AFP