Faut-il ouvrir les portes à l'immigration économique ? Cette question, qui doit faire l'objet d'un débat parlementaire en France, se pose aussi dans d'autres pays, dont les Etats-Unis où un projet de loi prévoit une libéralisation massive de l'immigration.
En France, comme dans beaucoup d'autres démocraties, l'immigration est devenue un enjeu tellement sensible sur le plan politique que le débat sur sa nécessité économique a été littéralement empêché ces dernières années. Quand le chômage est aussi massif, recourir à de la main d'oeuvre étrangère semble aux yeux des citoyens totalement déplacé.
Pourtant, il y a et il y aura des emplois qui sont ou seront pourvus par le recours à l'immigration. C'est évident pour les emplois sous-qualifiés, et bien souvent sous-payés qui sont délaissés par les nationaux. Ils sont occupés par les sans-papiers en France comme en Espagne ou aux Etats-Unis. La question de la régularisation des illégaux revient toujours à la surface.
Les deux grands partis américains s'apprêtent d'ailleurs à proposer un projet de loi très libéral prévoyant des régularisations massives. D'après un institut de recherche américain, il serait plus utile d'organiser cette immigration puisqu'elle correspond à un besoin réel des économies développées.
Et puis il existe un autre type d'emploi plus qualifié que les employeurs aimeraient voir ouvrir plus largement à l'immigration. En France, 1 titre de séjour sur 10 seulement est accordé pour des motifs professionnels. C'est le double, 2 sur 10, en Espagne, en Italie ou au Royaume Uni. Un écart qui s'explique par une différence d'approche conceptuelle. Ces pays ont une vraie politique d'immigration économique, qui est passée également par des vagues de régularisation pour les pays du sud tandis que la France a limité sa politique d'immigration au regroupement familial.
Le président Sarkozy avait commencé à évoquer le besoin d'une immigration choisie
Et son successeur, le président François Hollande, marche dans ses pas puisqu'il a l'intention de présenter un projet de loi d'ici l'été sur les moyens de faciliter l'immigration professionnelle. Elle est compliquée en France, par le maquis de la procédure administrative mais aussi par une disposition alambiquée qui stipule qu'un emploi ne peut être pourvu par un étranger que s'il y a une pénurie sur ce métier, une question dont la réponse est bien souvent très fluctuante.
Libérer l'immigration est une demande pressante des patrons français. Le Cercle d'outre-Manche, un rassemblement de dirigeants d'entreprise français installés à Londres, souhaite que Paris s'inspire du modèle britannique. A la City par exemple 2 emplois sur 10 sont pourvus par des étrangers. Aux Etats-Unis le PDG de Facebook, Marck Zuckerberg, a annoncé la semaine dernière le lancement d'un groupe de pression pour une réforme du système américain d'immigration, un groupe qui fédère les grands noms de l'industrie technologique.
Mais cette volonté d'ouverture se heurte entre autre aux inquiétudes des salariés. Les syndicats américains sont vent debout contre ce projet d'ouverture qui mènerait d'après eux à une baisse des salaires. En Grande Bretagne une étude démontre que l'immigration peut à partir d'un certain seuil générer du chômage, c'est pourquoi David Cameron est en train de fermer les vannes, au grand désespoir des patrons britanniques et des éventuels candidats.
Y a-t-il des pays totalement ouverts ?
Il y en a un au moins en Europe : la Suède. C'est le seul Etat qui ne met aucune barrière aux migrants non communautaires. Et puis il y a aussi des pays qui ont une politique active pour attirer des hommes et des femmes qu'ils estiment nécessaires à leur développement. C'est le cas du Canada. Il a lancé ce mois ci le visa start-up. Son objectif : recruter dans le monde entier des entrepreneurs pour soutenir la croissance économique. L'Australie a aussi un programme qui facilite l'octroi des visas renouvelables. En France comme aux Etats-Unis, où le projet qui sera dévoilé dans les prochains jours pourrait régulariser de fait 11 millions de travailleurs, la question divise profondément, la balle est dans le camp du législateur.
16 avril 2013, Dominique Baillard
Source : RFI