L'afflux de réfugiés en provenance de pays comme la Syrie alimente le débat sur l'immigration en Suède, longtemps considérée par les victimes des conflits comme un havre de tolérance.
Les Démocrates suédois, mouvement xénophobe, pointent désormais à la troisième place dans les intentions de vote, un an avant des élections législatives dont ils pourraient sortir en position d'arbitre.
Avec son costume impeccable, Adam Marttinen est à des lieues de l'image que les skinheads donnaient autrefois de la formation. Le message de ce conseiller municipal d'Eskilstuna, ville industrielle de 50.000 habitants située à l'ouest de Stockholm, a le mérite de la clarté: "L'essentiel, c'est que l'immigration cesse dans cette ville", dit-il.
Si les Suédois, qui sont à 15% d'origine étrangère, restent en majorité sereins face à l'afflux d'étrangers, les Démocrates suédois, qui ont recueilli 5% des voix aux dernières élections en 2010, approchent désormais du double dans les intentions de vote.
L'irruption de l'immigration parmi les principaux thèmes du débat politique est due à la croissance du nombre de demandeurs d'asile.
Attirés par la bonne santé économique de la Suède et sa tradition de pays d'accueil, 43.900 demandeurs d'asile y sont arrivés en 2012, une hausse de près de 50% en un an. Syriens, Afghans et Somaliens représentent près de la moitié et la plupart obtiendront au moins un permis de séjour temporaire.
DES MOMENTS DIFFICILES
"On constate que le vocabulaire et le ton sont plus rudes, maintenant. C'est de pire en pire", déplore Bejzat Becirov, fondateur du Centre islamique de Malmö, ville du Sud et pôle d'immigration où se trouve la première mosquée suédoise.
Sur les 44 pays d'accueil du monde industrialisé répertoriés par l'Onu, la Suède se classe en quatrième position pour le nombre de demandeurs d'asile et passe au deuxième rang si l'on rapporte le total à sa population.
"La Suède est l'un des pays de l'Union européenne qui accueille le plus d'immigrés. Ce n'est pas tenable. Aujourd'hui, des gens arrivent dans des ménages dont le seul revenu provient de la municipalité. Est-ce raisonnable?", se demandait récemment le ministre de l'Immigration, Tobias Billstrom.
Selon l'OCDE, le chômage touche 16% de la population active née à l'étranger et seulement 6% des natifs de Suède. Ajouté à des prestations sociales parmi les plus généreuses d'Europe, cet écart alimente l'idée que l'immigration a un coût.
"La Suède connaît le débat sur l'immigration le plus intense de son histoire politique. Nous assistons à la polarisation de la Suède", estime le politologue Andreas Johansson Heino, membre du cercle de réflexion Timbro.
Après le recul dû au choc qui a suivi la tuerie d'Utoya, en Norvège, commise en juillet 2011 par l'extrémiste de droite Anders Behring Brevik, les partis xénophobes ont le vent en poupe un peu partout en Scandinavie.
C'est le cas du Parti du peuple danois, membre de la dernière coalition, qui profite de l'impopularité du gouvernement de centre gauche, ou du Parti du Progrès, devenu la troisième force politique de Norvège, en dépit de scandales de mœurs.
En Suède, 20% de l'opinion se dit favorable aux propositions des Démocrates suédois concernant l'immigration, selon un sondage de l'institut Novus.
A Eskilstuna, Adam Marttinen table sur un score de 15% aux prochaines élections, soit cinq points de plus que lors des dernières dans cette "cité de l'acier".
"La Suède n'est pas un pays raciste, 90% des gens sont bons. Mais il faut être honnête, on vit des moments difficiles", conclut Bejzat Becirov.
17-04-2013, Alistair Scrutton et Johan Ahlander
Source : Reuters