Depuis plus d'une décennie, plusieurs villes marocaines sont devenues progressivement le réceptacle d'une population étrangère récemment immigrée -surtout d'Europe et des Etats-Unis, mais aussi d'Asie, d'Australie et d'Amérique Latine - issue de générations différentes et venue s'installer de préférence dans les centres historiques de ces villes dans un mouvement récent inversant les flux d'immigration Sud – Nord. Généralement choisie et vécue comme moyen de repartir sur de nouvelles bases pour construire un nouveau projet de vie au sud, ou manière d'être entre l'ici et là-bas, cette présence définie comme relevant du tourisme peut être interrogée comme une nouvelle forme de migration internationale. Porteur, théoriquement, d'une dimension « cosmopolite », ce phénomène migratoire est marqué par la diversification des trajectoires, des profils socioprofessionnels, des situations maritales et migratoires. Ayant investi, particulièrement, des espaces parmi les plus symboliques des villes marocaines, ces étrangers mêmes s'ils représentent une composante encore peu importante en nombre, occupent, par la territorialisation des projets d'investissement, une place déterminante dans l'échiquier des acteurs locaux. Dans ces villes souvent vieilles de plusieurs siècles (12 siècles pour le cas de Fès), de nouvelles configurations socio-territoriales en œuvre, inédites jusqu'il y a une quinzaine d'années, prennent de plus en plus place dans l'espace public, donnant lieu à de nouvelles situations urbaines. Nous assistons alors à une refabrication de la ville par le bas où deux types d'acteurs appartenant à des contextes différents sont placés ensemble dans une nouvelle configuration qui change le sens, non seulement de l'un et de l'autre, mais aussi du territoire dans lequel ils sont installés. En analysant le cas de Fès, l'intervention essaiera d'appréhender les nouvelles dynamiques en œuvre dans cette ville et relatives à la reconfiguration du territoire, de l'économie, des pratiques de la ville, du rapport au patrimoine et des images identitaires et générées par une présence d'étrangers qualifiée encore de « tourisme de résidence », mais saisie ici comme une forme de migration.

Source : Centre Jacques Berque