L'arrestation au Canada de deux hommes accusés de vouloir s'attaquer, en concertation avec Al-Qaïda, à un train dans la région de Toronto, a entraîné une vague d'émotion dans la communauté musulmane locale qui refuse d'apparaître comme un vivier d'extrémistes islamistes.
"Le choc a été immense dans la communauté", reconnaît Yusuf Badat, imam et directeur des affaires religieuses de la Fondation islamique de Toronto.
En même temps, cela a été un "soulagement" de savoir que les policiers ont été mis sur la piste des deux suspects grâce à un imam, poursuit Abdul-Basit Khan, l'un des dirigeants d'une mosquée du centre-ville de la capitale économique canadienne.
Le religieux en question, qui veut rester anonyme, avait alerté les autorités il y a plus d'un an car "il était inquiet des activités des individus" arrêtés lundi, explique à l'AFP Naseer Syad, son avocat. "Il a donné des informations de première main aux enquêteurs", dit-il.
Cette démarche n'est pas un cas isolé, indique Yusuf Badat: "Depuis le 11-septembre la communauté travaille très étroitement avec la Gendarmerie royale du Canada", la police fédérale.
Le mot d'ordre dans les mosquées est que "si l'on sait que quelqu'un vire vers l'extrémisme, il faut le stopper", poursuit M. Khan.
Eviter les "amalgames"
Du reste, ajoute-t-il avec un accent québécois trahissant son enfance en banlieue de Montréal, "il faut réduire le niveau d'hystérie" et éviter les "amalgames".
Car après le groupe des "18 de Toronto" qui avaient voulu faire exploser le parlement fédéral, une usine nucléaire ou encore la bourse en 2006, après les informations indiquant que l'attaque menée le 14 avril par un commando de shebab à Mogadiscio (au moins 34 morts) avait été dirigée par un ancien étudiant de l'université torontoise de York, après la mort en janvier de deux jeunes jihadistes originaires du sud de Toronto lors de la prise d'otages sur un site gazier algérien, les 350.000 musulmans de l'agglomération craignent la stigmatisation.
"Nous n'avons aucun goût pour le radicalisme ici", assure Hussein Hamdani, avocat torontois et membre d'un comité fédéral spécialisé dans l'anti-terrorisme.
Métropole d'environ six millions d'habitants, dont la moitié sont nés à l'étranger, Toronto accueille une "communauté musulmane qui grossit rapidement", indique-t-il.
La meilleure illustration de cette vitalité est le musée Aga Khan qui doit ouvrir en 2014. La construction de ce centre culturel islamique est évaluée à environ 300 millions de dollars.
"Nous avons la diaspora de tous les pays ici, c'est ce qui rend unique cette ville", ajoute Abdul-Basit Khan.
L'un des revers de cette croissance est que la métropole manque cruellement d'imams bien formés, fait-il valoir. Mais lorsque quelqu'un prêche des idées extrémistes et/ou violentes, il est rapidement exclu de la mosquée, assure l'homme d'affaires.
"Les imams qui défendent l'islam radical n'ont aucune tribune permanente. La communauté (musulmane torontoise et canadienne) est plutôt modérée", abonde Wesley Wark, spécialiste du terrorisme qui a récemment quitté l'université de Toronto pour celle d'Ottawa.
Certes, "il existe bien des gens qui radicalisent" des jeunes influençables. "Il ne faut pas le nier", confie M. Khan, avant de noter que "les extrémistes n'ont pas besoin d'arguments" pour agir.
Le problème, estime l'imam Badat, c'est que "nous n'avons pas de baguette magique pour être dans la tête de ceux qui ont de mauvaises intentions".
24 avr. 2013
Source : AFP