Changement de cap. Après avoir abrogé la circulaire Guéant, le gouvernement discute ce mercredi soir au Sénat les mesures pour renforcer l'immigration étudiante et attirer la matière grise.
Les parents de Tang Tang auraient préféré qu'il prépare sa thèse de neurosciences aux États-Unis plutôt qu'à Paris, parce qu'en Chine, «la France est connue pour le tourisme ou le romantisme. Pas pour les études.» Alors que la concurrence s'intensifie pour attirer la matière grise d'Inde, de Chine ou de Corée du Sud, la France lutte pour rester l'une des destinations privilégiées des étudiants et chercheurs étrangers. Il y a une dizaine d'années, elle figurait en 3e position pour l'accueil des étudiants internationaux, derrière les États-Unis et la Grande-Bretagne. Avec 289.000 étrangers inscrits dans le supérieur en 2011-12 (12,3% du total), elle est aujourd'hui dépassée par l'Australie et est au coude-à-coude avec l'Allemagne.
Surtout, elle continue d'attirer une grande majorité d'africains, et peine à attirer les jeunes venus de pays avec lesquels elle a moins de liens historiques. A l'Institut du Fer-à-Moulin, un laboratoire spécialisé dans la plasticité du système nerveux à Paris, l'un des handicaps français a été levé: les échanges se font en anglais. Tang Tang n'aurait pas pu y préparer sa thèse si ça n'avait pas été le cas, Et il n'aurait pas été possible pour cet autre chercheur italo-argentin de faire profiter ses collègues d'une technique de pointe acquise à Boston.
«Les nouvelles techniques se communiquent par le biais des personnes»
«Les nouvelles techniques se communiquent par le biais des personnes: la science est internationale», confirme Patricia Gaspar, directrice de l'Ecole des neurosciences de Paris (ENP), dont les programmes visent à attirer les talents du monde dans les laboratoires de neurosciences d'Ile de France. Conscient de l'enjeu, le gouvernement veut légaliser les cours en langues étrangères dans son prochain projet de loi sur l'Enseignement supérieur et la recherche.
Autre faiblesse de la France sur ce marché mondial: les rigidités de son administration, à commencer par les préfectures. «Pour avoir un visa, il faut un appartement, pour lequel il faut un compte en banque. Mais pour l'ouvrir, il faut un visa...», raconte l'Américaine Emma Martinelli, technicienne à l'Institut du Fer-à-cheval. «C'est un serpent qui se mord la queue». La jeune femme s'en est sortie en louant à un propriétaire américain. Mais son premier titre de séjour, d'une durée d'un an, expire prochainement et elle devra bientôt demander son renouvellement .
La Sécurité sociale ne fait guère mieux. «Je cotise tous les mois mais je n'ai pas encore reçu de carte», se plaint ainsi Lu Li, arrivée il y a deux ans dans ce laboratoire pour un post-doctorat. Là encore, le gouvernement promet plusieurs améliorations. Pour limiter les passages en préfecture, il doit généraliser les titres de séjour pluriannuels, proportionnels à la durée des études. Des titres permanents pour doctorants sont aussi envisagés.
Collaborateur de Prix Nobel... et menacé d'expulsion
Des «guichets uniques» regroupant les services de la Sécurité sociale, de la préfecture, de la Caisse d'allocations familiales, etc. devraient également fleurir sur les campus. Mais l'essentiel est ailleurs: si la France ne bénéficie pas de grandes universités connues mondialement comme le MIT ou Harvard, ses chercheurs brillent sur la scène internationale et les doctorants viennent pour travailler avec les pontes de leur discipline. C'est le cas de Tanay Ghosh, un généticien indien de 36 ans. Courtisé par des laboratoires anglo-saxons, il leur a préféré des scientifiques français: «Déjà enfant, j'étais fasciné par Pierre et Marie Curie...»
Igor Dotsenko est pour sa part venu en France en 2007 pour y travailler avec Serge Haroche. Depuis, son «idole» a décroché le Nobel de physique mais les tracas de l'Ukrainien restent inchangés. Dans son dossier pour obtenir un titre de séjour de dix ans, il a beau montrer qu'il a présenté la recherche française à Stockholm ou posé en photo avec François Hollande, la réponse ne varie pas: «Sans CDI, on ne peut rien vous assurer ». Si la France parvient encore à attirer de brillants étudiants étrangers, elle a encore des progrès à faire pour parvenir à les conserver...
24/04/2013
Source : Le figaro avec AFP