Manuel Valls a esquissé mercredi soir devant le Sénat les contours de la première loi du gouvernement en matière d'immigration.
Tandis que François Hollande volait pour la première fois de sa vie vers la Chine, Manuel Valls animait au Sénat, en compagnie de Geneviève Fioraso, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, le premier volet du débat sur l'immigration économique et étudiante en France. Promesse de campagne de François Hollande— une des rares en matière d'immigration —, ce débat est inédit au Parlement car il ne sera pas ponctué par un vote. C'est seulement après le second volet, prévu pour le 29 mai à l'Assemblée nationale, qu'un projet de loi sera présenté, sans doute en juillet.
«Fermeté ne veut pas dire fermeture»
Sans grande surprise compte tenu de l'horaire choisi (21 h 30...) l'ambiance était plus que jamais feutrée au Palais du Luxembourg, une quinzaine de sénateurs garnissant les travées. Les absents ont eu tort car après avoir beaucoup «détricoté» le travail du précédent gouvernement à coups de circulaires (abrogation du délit de solidarité, suppression de la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers, fin — ou presque — du placement en rétention des familles avec enfants), Manuel Valls a dessiné les contours de ce qui devrait devenir la première loi du gouvernement en matière d'immigration.
«Fermeté ne veut pas dire fermeture», a insisté Valls. Et les mots «accueil», «apaisement», «sérénité» — mais aussi «responsabilité» — ces mots ont fréquemment scandé l'allocution du ministre de l'Intérieur. Ce ne sont que mots, mais en matière d'immigration, domaine hautement inflammable, ils sont cruciaux. Constructif et positif, ce ton ne doit pas faire oublier le champ restreint du débat, qui ne concerne que l'immigration légale et en exclut donc le problème des régularisations et des expulsions des étrangers en situation irrégulière. Ainsi que l'immigration familiale, autre sujet plus polémique que l'immigration professionnelle et étudiante.
Mais une question centrale a au moins été posée: «La vérité c'est que nous ne parlons jamais de nos flux migratoires. (...) Quels étrangers pouvons-nous ou devons-nous accueillir?», s'est interrogé Manuel Valls, quand si souvent le débat se cantonne à des volumes de flux migratoires sans évoquer le profil de ceux qui constituent ces flux.
L'axe principal de la réforme va être favorable, tant pour les étudiants que pour les salariés, à des personnes hautement qualifiées. «La France doit changer de discours, a affirmé le ministre. Les talents étrangers doivent savoir qu'ils sont et seront toujours bien accueillis dans notre pays. Il y a des étrangers qui par leurs talents, constituent non pas un risque pour l'emploi, mais une opportunité pour notre croissance.» Depuis 1974, lorsque l'immigration familiale a été privilégiée, l'immigration de travail s'est réduite à environ 20 000 carte par an — on parle d'immigration légale, de personnes dotées d'une autorisation de travail.
En ciblant des salariés hautement qualifiés, Manuel Valls évite l'écueil du soupçon de l'étranger qui vient «voler» le travail des nationaux, une idée largement répandue dans l'opinion. Les sans-papiers ou les étrangers vivant avec une carte vie privée et familiale héritent le plus souvent des emplois peu qualifiés dont de nombreux nationaux ne veulent d'ailleurs plus. En collaboration avec le ministère du Travail, des secteurs économiques ayant besoin de salariés très «pointus» vont être définis. Pour ces salariés, un titre de séjour pluriannuel (3 ou 4 ans) va être créé dans la loi, qui facilite l'intégration et évite de demander tous les ans le renouvellement de son titre de séjour.
«Venir en France pour étudier, c'est venir en France pour réussir»
La logique est la même pour les étudiants. «Il s'agit, d'abord, de repenser nos dispositifs de sélection en les centrant plus sur les étudiants de niveau master et doctorat. Il s'agit, ensuite, de tenir un discours clair: venir en France pour étudier, c'est venir en France pour réussir», a indiqué Manuel Valls. Aujourd'hui, déjà, 41% des doctorants en France sont de nationalité étrangère.
Attirer les meilleurs, c'est donc la feuille de route que se fixe Manuel Valls, ce qui, inévitablement, va faire grincer certaines dents notamment chez les étudiants des premiers cycles, ceux de licence en particulier. Mais pour les étudiants étrangers qui «intéressent» la France, l'Intérieur proposera la généralisation de titre de séjour pluriannuel qui permet une intégration sur la durée, comme pour les salariés.
Reste que si le cadre de l'immigration du travail et étudiante a été un peu éclairci, il ne faut pas négliger qu'en volume l'augmentation ne devrait pas être significative.
25 avril 2013, Fabrice Tassel
Source : Libération