Arrivé du Maroc avec un visa étudiant, Ouali Younes ne peut plus rentrer chez lui aujourd'hui... faute de pouvoir franchir les frontières.
Si on ne peut pas me régulariser, qu'on me libère ! Cette seule phrase résume l'état d'esprit dans lequel se trouve Ouali Younes, un jeune homme né voilà vingt-neuf ans à Casablanca. Bac agricole en poche, il arrive en septembre 2001 en Seine-et-Marne avec un visa étudiant. Après un premier BTS « analyse et conduite des systèmes d'exploitations », il s'inscrit en 1re année de BTS « commerce international ». Quand il demande le renouvellement de sa carte de séjour à son entrée en 2e année, il se heurte à un refus au motif qu'il n'a pas progressé dans ses études. Nous sommes le 24 octobre 2006. Ouali décide de poursuivre quand même son cursus et décroche son second diplôme. « J'ai fait appel mais le juge administratif a confirmé la décision de la préfecture de Paris. Je suis quand même resté à Paris chez une tante, jusqu'à ce qu'elle rentre au Maroc une fois à la retraite. » Il vit de petits boulots sans pour autant décrocher une situation stable.
Direction le Loir-et-Cher
Quelques années plus tard, au hasard des rencontres, un ami le met en contact avec sa tante qui possède une propriété en Loir-et-Cher et fait chambre d'hôtes. La quinquagénaire les reçoit tous les deux, puis accepte de voir revenir Ouali, « de temps en temps », affirme-t-elle. Lui s'investit dans son nouvel environnement. Il prétend même au fil du temps s'acquitter d'un certain nombre de tâches d'entretien, d'accueil... contre rémunération. « Ça allait de 600 à 1.000 € par mois selon la saison », assure-t-il. Passionné de football, il intègre aussi le club local où il tisse des amitiés. Le temps passe sans que les choses évoluent. « Elle avait dit qu'elle m'aiderait pour mes papiers, assure Ouali. Son ami à Paris aussi. Au début, je n'insistais pas. »
Voilà un mois, il reçoit un coup de fil de son grand frère. Son père au Maroc est atteint d'un cancer. Il est urgent de rentrer au pays. Il se montre alors plus pressant s'agissant de sa situation. La version de la veuve est toute autre. Elle réfute tout en bloc : « J'ai découvert aux environs de Noël qu'il n'était pas en règle. Je l'ai encouragé à trouver un travail, à évoluer... l'ai informé que je n'allais pas le recevoir éternellement chez moi. Il m'a alors menacée ! »
Il se rend à la gendarmerie
Début avril, elle le met à la porte. « Quand je me suis aperçu dimanche que mes affaires n'étaient plus là, je l'ai appelée. Au bout d'une heure, elle a fini par répondre pour me dire qu'elle ne voulait plus de moi. » Le lundi soir, après avoir été éconduit de nouveau et sans vision d'avenir, il se rend à la gendarmerie de Mer. Aux militaires qui le reçoivent, il explique tout de sa situation. « C'est la première fois qu'ils voyaient quelqu'un se livrer. Ils m'ont gentiment expliqué que l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière dont je faisais l'objet n'était pas valide (*) et qu'ils ne pouvaient pas me garder. » A la rue, Ouali envisage : « Avec une promesse d'embauche, ma situation pourrait se débloquer. Je pourrais avoir un permis de séjour donc je pourrais rentrer au Maroc. » Mais à qui s'adresser ? En désespoir de cause, il se tourne vers les associations. « En dix jours, je n'ai pu passer qu'une seule nuit au 115 (NDLR : l'accueil de nuit). J'ai la chance d'être hébergé par des amis du club, mais cela ne peut durer. » Et pourtant, la situation est bloquée. « A croire qu'il faudrait que je fasse une bêtise pour être reconduit à la frontière. Mais je n'ai jamais eu le moindre problème, je ne vais pas commencer maintenant ! »
En situation irrégulière, Ouali Younes semble paradoxalement n'avoir aujourd'hui aucun moyen de quitter le territoire.
26/4/2013
Source : La Nouvelle République