Une année après l'arrivée des socialistes au pouvoir en France, les Ong La Cimade, chargée des droits des migrants, et le Réseau éducation sans frontières (REF), ont exprimé leur "déception" devant une politique qui, pour l'essentiel, "s'inscrit dans la continuité de celle qui était menée depuis plusieurs années".
"L'élection de François Hollande laissait espérer une véritable rupture avec la politique d'immigration brutale et inefficace conduite ces dernières années. Un an après, la Cimade regrette le choix d'une politique qui s'inscrit essentiellement dans la continuité de la précédente", regrette cette ong dans un communiqué.
Elle considère que plutôt que d'engager immédiatement une "réforme d'ampleur" de l'ensemble de la politique d'immigration et d'asile, le gouvernement s'est contenté jusqu'à maintenant d'"organiser des consultations, de commander des rapports et de publier quelques circulaires" qu'elle qualifie de "largement insuffisantes, soulignant que ce choix illustre "le peu d'empressement" de l'exécutif à toucher au dispositif en place.
Elle observe aussi que le gouvernement "ne semble pas mesurer l'urgence" et que pendant qu'il organise des consultations, des milliers d'hommes et de femmes sont confrontés "aux refus arbitraires des préfectures, sont expulsés sans pouvoir faire valoir leurs droits ou tentent de survivre sans hébergement".
La Cimade relève également que des mesures auraient pu être proposées immédiatement par le gouvernement pour revenir sur certaines des dispositions "les plus absurdes et répressives, créées par le gouvernement précédent (NDLR, la droite)".
Elle cite, à titre d'exemple, le retour de l'intervention du juge des libertés et de la détention à deux jours au lieu de cinq, la réduction de la durée maximale de rétention ou encore la suppression des taxes exorbitantes lors de la demande de titres de séjour.
La Cimade fait valoir aussi qu'elle espérait "une rupture radicale" dans les discours sur l'immigration, rappelant que sous le quinquennat précédent, "la stigmatisation et la xénophobie avaient été portées au plus haut sommet de l' Etat". Et d'ajouter que "plutôt que de revenir ouvertement sur les amalgames diffusés ces dernières années, le gouvernement préfère taire cette question".
Le choix d'une politique d'immigration, un choix de société
"Le choix d'une politique d'immigration est un choix de société", observe la Cimade, laissant entendre qu'"il ne s'agit pas d'une question subsidiaire qu'on pourrait traiter en prenant son temps, par petites touches, en segmentant", mais qu'au contraire, il s'agit de "refonder un vivre-ensemble, en s'attaquant frontalement aux questions d'inégalités de droits, de racisme et de xénophobie pour défendre les valeurs mises en péril, à savoir, la solidarité, l'égalité, la justice et l'hospitalité".
Pour le Réseau d'éducation sans frontières (REF), l'élection de François Hollande, le 6 mai 2012, a soulevé un "grand espoir parmi les étrangers stigmatisés et souvent persécutés par 10 ans et plus de sarkozysme", soulignant cependant que, depuis, il a fallu "déchanter".
REF considère ainsi que la nomination du premier gouvernement du quinquennat socialiste avec Manuel Valls au poste de ministre de l'intérieur "et plus encore, le maintien de tout ce qui touche à l'immigration sous le contrôle exclusif de son ministère n'étaient pas de bon augure", rappelant alors qu'en juin, dernier, ce ministre précisait qu'"il n'y aurait pas de régularisation massive".
"Certes la circulaire du 28 novembre 2012, dite d'admission exceptionnelle au séjour définit des conditions de régularisation pour les familles, les jeunes majeurs scolarisés et les salariés. Mais ce document porte bien son nom : régularisation +exceptionnelle ! +, note-il dans un communiqué.
Le réseau constat en outre qu'une partie des familles entre bien dans ses critères (5 ans de présence prouvée et 3 ans de scolarité d'un enfant,) mais que beaucoup devront attendre encore des années. Il déplore aussi que ce texte exige surtout des travailleurs qu'ils produisent des feuilles de paye, condition impossible à remplir pour des salariés condamnés à travailler au noir.
Quant aux lycéens, ils doivent avoir été scolarisés 2 ans avant le jour de leur 18e anniversaire. "Des dispositions qui excluent l'écrasante majorité des travailleurs et des jeunes majeurs scolarisés condamnés à demeurer des parias sociaux menacés d'expulsion à tout instant", dénonce le réseau.
"En réalité, sur le fond, la politique de Manuel Valls est dangereuse et, même si le mot peut paraître outrancier, criminelle", ecrit le réseau, qui estime qu'"affirmer avoir pour ambition de procéder à autant d'expulsions qu'Hortefeux et Guéant (anciens ministres de l'Intérieur), et refuser de régulariser davantage qu'eux, valide leur politique".
"C'est installer dans l'opinion l'idée qu'à quelques éléments de langage près -ce qui a son importance mais n'est pas l'essentiel- il n'existe qu'une politique possible en matière d'immigration : celle qui trie les étrangers, en prive arbitrairement certains de papiers, fait d'eux des citoyens de seconde catégorie, les traque, les arrête, les emprisonne, les expulse", s'offusque le réseau.
"Agir ainsi, c'est du même coup, préparer une caution +de gauche+ aux futures mesures de la droite revenue au pouvoir", avertit REF.
11 mai 2013
Source : APS