jeudi 4 juillet 2024 22:20

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Expulsions : vers une réforme à minima de la loi Besson

Dans l'attente de la première loi du gouvernement Ayrault sur l'immigration les rapports s'accumulent. Ce soir, à 19 heures, le député du Lot-et-Garonne Matthias Fekl remet au Premier ministre un rapport (voir ci dessous) au terme d'une mission effectuée pour le compte de Manuel Valls, dont le jeune parlementaire est un des fidèles. Ce document se veut, au moins pour partie, une base à la préparation d'un futur projet de loi visant à prolonger le débat au Parlement sur l'immigration économique dont le Sénat s'est déjà emparé et qui sera examiné à l'Assemblée le 29 mai.

Matignon a annoncé dans la soirée qu'un projet de loi serait soumis au Conseil des ministres «avant l'été».
Lors d'une première synthèse de son travail Matthias Fekl avait déjà indiqué qu'il préconisait la mise en place de titres de séjour pluriannuels qui permettent aux migrants légaux venant s'installer en France (étudiants, salariés, mais aussi dans certains cas d'immigration familiale) de ne pas se soucier quelques mois seulement après leur arrivée de faire renouveler leurs papiers. Bénéficier d'emblée d'une «sécurité» juridique de trois ou quatre ans vise à faciliter leur intégration.
La délivrance d'un titre de séjour pluriannuel permettrait d'abaisser le nombre de passages nécessaires pour faire renouveler ses documents. Mais au-delà de cette réforme Matthias Fekl estime aussi nécessaire un meilleur accueil des étrangers en préfecture. «La situation constatée dans certaines préfectures n'est pas admissible», critique Fekl, évoquant «les files d'attente de plusieurs heures», «les journées passées à attendre sans pouvoir accéder aux guichets», «le refus arbitraire de recevoir des dossiers de demande de titre».
«Des progrès très modestes»
Le rapport Fekl était aussi attendu sur un troisième volet concernant cette fois l'immigration irrégulière : la loi Besson.
En matière d'immigration la loi Besson du 16 juin 2011 est l'une des plus critiquées de l'ère sarkozyste. Sa principale innovation a consisté à retarder l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) dans les procédures de rétention administrative précédant une expulsion. Alors qu'il pouvait vérifier la validité d'une procédure dans les 48 heures suivant une interpellation la nouvelle loi a repoussé sa capacité d'action à cinq jours. En un mot, la hiérarchie entre les juges judiciaires et administratifs s'en est trouvée inversée, les premiers prenant le pas sur les seconds.
Globalement, tout en préconisant une réforme de la loi Besson, Matthias Fekl estime impossible, pour des raisons budgétaires, de réformer en profondeur cette loi. Il se contente donc de prôner un retour à la situation antérieure à juin 2011.
Mais il dresse d'abord un bilan de cette loi : d'un côté le nombre des éloignements intervenus au cours des cinq premiers jours de rétention a augmenté : 2 718 en 2011 contre 5 935 en 2012. Mais, relativise l'auteur du rapport, le nombre global d'éloignement des étrangers en situation irrégulière placés en rétention n'a que peu augmenté sur la même période : 9 636 contre 8 969. «Il s'avère ainsi que si la réforme opérée par la loi du 16 juin 2011 était censée améliorer l'efficacité globale de la procédure d'éloignement, elle n'a en fait permis que des progrès très modestes, alors que le prix payé en termes de protection de la liberté individuelle est extrêmement élevé».
En effet le nombre d'étrangers éloignés «sans que leurs conditions de placement en rétention aient pu être contrôlées» a augmenté, passant de 22 % début 2011 à 62 % début 2012.
Dans l'idéal, Matthias Fekl préconise une intervention du JLD a priori, dès le début du placement en rétention, «voire pour autoriser celui-ci», écrit-il. Problème majeur : «Son application exigerait une mobilisation de moyens importants.» En effet, pour que le juge puisse examiner dans de bonnes conditions les cas qui lui seraient soumis il lui faudrait du temps et donc de nombreux juges supplémentaires seraient nécessaires. «On ne saurait ignorer les difficultés associées à une telle exigence dans les temps actuels», relève Matthias Fekl.
Dès lors, conclut-il, «la seule solution consistera à revenir au statu quo ante» : une saisine du JLD après 48 heures de rétention, au lieu des cinq jours de la loi Besson.
Dernier point concernant la loi Besson : le député suggère de supprimer le délai maximum de rétention porté à 45 jours par la loi Besson pour le ramener à 30 jours maximum. Les statistiques ont en effet montré que très peu d'expulsions sont effectuées après le 32e jour de rétention.
Si la proposition sur les titres pluriannuels peut représenter une réelle avancée en matière d'intégration, le quasi statu quo proposé concernant la loi Besson risque de laisser les associations de défense des étrangers sur leur faim.
Le rapport Fekl «Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France»
14 mai 2013, FABRICE TASSEL
Source : Libération

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