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Contrôler l’immigration en jeux vidéo

L'idée derrière le jeu en développement Papers, Please a de quoi dérouter. En marge des titres à gros budgets, les productions indépendantes misent volontiers sur des concepts simples. Et dans Papers, Please, il s'agit d'incarner un contrôleur des frontières.

Un principe de jeu ennuyeux ? En apparence seulement. Car à travers sa mécanique, Papers, Please questionne la posture morale du joueur. « La relation entre l'immigrant et l'inspecteur est chargée d'une tension qui s'avère être intéressante pour créer un scénario dramatique », explique le créateur du jeu Lucas Pope.
Et dans Papers, Please, ce scénario est sombre. Il décrit un univers aux allures de dystopie, dans la veine du Procès de Franz Kafka. En 1982, un état communiste a mis fin à une guerre qui l'opposait à son pays voisin, en conséquence de quoi, une ville frontalière voit des milliers d'immigrants affluer. Comment réguler ces demandes ? Comment distinguer les clandestins, les travailleurs et les terroristes ? Au joueur de prendre les bonnes décisions.
Si les premières étapes sont simples – il suffit de suivre le règlement et de vérifier quelques documents, pour à chaque fois accepter ou refuser l'entrée –, la difficulté augmente rapidement. Chaque journée de travail équivaut en temps réel à quelques minutes et ajoute son nouveau lot de consignes de sécurité.
Il faut alors interroger les immigrants, analyser les empreintes, recouper les informations, fouiller les personnes suspectes, et cela dans un minimum de temps. Car dans Papers, Please, le fonctionnaire et anti-héros est payé au rendement. Et il doit couvrir les besoins de sa famille.
Aux frontières de la morale
Néanmoins, Papers, Please ne se résume pas à l'exécution répétée de vérifications. Les documents accumulés font défiler les histoires personnelles de chaque immigrant. Et parfois, la trame narrative impose au joueur de faire des choix. Faut-il laisser une femme rejoindre son mari, ou appeler les gardes car ses documents sont falsifiés ? Faut-il ou non suivre la procédure ?
Le jeu accorde une marge subtile. Chaque jour, deux erreurs sont tolérées sans que le joueur ne soit pénalisé par une retenue sur salaire. À lui donc de choisir sa propre conduite morale et de la tenir. Car rapidement, les d'informations viennent à manquer. Et progressivement, le joueur est emporté dans l'engrenage de ses décisions.
Cette mécanique fait de Papers, Please un jeu éminemment politique. Son concepteur se défend néanmoins de vouloir diffuser un quelconque message idéologique. « Je ne souhaite pas faire de généralisations politiques. J'essaie plutôt de montrer comment différents choix peuvent affecter à la fois les immigrants et les exécutants », précise Lucas Pope.
Et d'après ses observations, deux profils de joueurs se détachent. Ceux qui tentent à la fois de soutenir leur famille et d'aider les immigrants, et ceux qui appliquent rigoureusement les règles de l'administration. « La bureaucratie m'intéresse car elle est généralement pensée pour être efficace et juste. Mais dans son exécution, elle produit les effets opposés », ajoute-t-il.
Pour l'heure, Papers Please est disponible dans une version bêta qui inclue les huit premiers jours de travail. Le jeu complet sera lancé cet été, et devrait remporter au passage quelques récompenses.
17/5/2013
Source : Le Monde

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