L'Italie tire la sonnette d'alarme après le nouveau naufrage au large de Lampedusa.
Les Etats manquent de volonté pour réformer l'espace Schengen et se renvoient la responsabilité des flux de migrants.
L'histoire bégaie. Hier, le ministre de l'Intérieur d'Italie, Angelino Alfano, a menacé de « laisser partir » d'Italie tous les réfugiés demandeurs d'asile si l'Union européenne ne venait pas en aide à une Italie submergée par un nouvel afflux de migrants ce printemps. Qui ne se souvient de l'altercation au printemps 2011 entre Silvio Berlusconi, alors président du Conseil européen, et l'ancien président français Nicolas Sarkozy, lorsque l'Italie avait distribué sans compter aux réfugiés tunisiens des titres de séjour pour qu'ils prennent le train vers la France ? Ces crises à répétition font le miel des populistes.
A Bruxelles, la Commission européenne répète qu'elle a débloqué tous les moyens à sa disposition pour aider l'Italie : plus d'argent, plus de bateaux pour surveiller la Méditerranée et plus de pression sur les pays du sud de la Méditerranée pour les inciter à participer à la lutte contre l'immigration illégale (lire ci-dessous). Après des années de négociations, la Turquie a ainsi signé un accord de réadmission, qui l'oblige à « reprendre » les clandestins qui passent par son territoire pour gagner l'Europe, le plus souvent via la Grèce. Mais la Commission européenne n'a pas de corps de garde-frontières propres et encore moins le pouvoir de répartir » par quotas les immigrants...
Manque de solidarité
Or, depuis la crise de 2011, rien n'a changé entre les Etats membres. Quand les pays du Sud en première ligne (Grèce, Malte, Italie, Espagne) se plaignent du manque de solidarité de leurs voisins du Nord, ces derniers répliquent invariablement qu'ils se chargent in fine de l'essentiel des réfugiés. Sur les presque 435.000 demandes d'asile enregistrées en 2013, un chiffre en nette hausse à cause de l'exode syrien, 70 % étaient adressées à l'Allemagne, la France, la Suède, le Royaume-Uni et l'Italie. Pis, ils ajoutent qu'ils paient... puisque si les pays d'arrivée dans la zone Schengen doivent abriter et gérer les demandes d'asile des réfugiés, ils reçoivent en échange un soutien financier de la Commission européenne. En octobre dernier, les chefs d'Etat et de gouvernement avaient refusé de modifier cet équilibre, tout en promettant d'en reparler cet été.
Créé pour faciliter la libre-circulation des Européens, l'espace Schengen est une des réalisations les plus importantes de l'Union puisqu'elle permet aux Européens de voyager sans entrave. Pour le réformer en le préservant, Jean-François Coppé, le patron de l'UMP, suggère d'exclure les pays qui gèrent mal les « arrivées ». Une idée simple mais inopérante : « Allez-vous exclure l'Italie parce qu'elle a la malchance d'être sur la route du drame syrien », demande-t-on à Bruxelles, en rappelant qu'en cas d'urgence absolue, il est déjà prévu de pouvoir rétablir momentanément les contrôles aux frontières.
En réalité, pour créer une politique migratoire solide, il faudrait que les Etats membres s'entendent pour fournir des efforts d'accueil équivalents ou nouer des accords d'immigration « choisis ». Mais chacun veut rester maître de sa politique migratoire.
Comme l'a admis Alain Juppé, il n'y a pas de solution magique, mais le plus inquiétant est la montée de la contestation contre la libre circulation à l'intérieur même de l'Union européenne. N'accueillir dans l'UE que 100.000 Syriens sur 2,7 millions de réfugiés, soit. Suggérer comme l'a fait le Premier ministre britannique, David Cameron, de lier la libre-circulation au PIB de son pays d'origine, afin de mettre à distance les Bulgares ou les Roumains, révèle une absence de solidarité qui choque les institutions européennes.
13/5/2014, Anne Bauer
Source : lesechos.fr