jeudi 4 juillet 2024 20:17

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L'Inde, nouvelle terre d'immigration étudiante ?

Les Indiens représentent le deuxième contingent d'étudiants étrangers dans le monde (après les Chinois). Depuis quelques années, leur pays attire, à son tour, des étudiants du monde entier, parmi lesquels de plus en en plus d'Africains.

Pune, l'Oxford de l'orient 

Pune. 2009. Apprentie géographe, je dois effectuer un terrain de recherche sur la classe moyenne indienne, alors objet de tous les fantasmes économiques, culturels et politiques. Je découvre une réalité insoupçonnée depuis mon amphi bordelais.

En 1821 est fondé le premier collège de Pune : le Deccan College. A une époque où l’opinion publique britannique s’oppose farouchement à l’éducation des "indigènes" il mènera le mouvement éducatif indien. Des leaders du mouvement d’indépendance y feront leurs études avant de lutter contre l’impérialisme britannique. La légende veut que Jawarlhal Nehru en personne ait déclaré Pune "Oxford de l’orient", renforçant ainsi la réputation d’excellence de la ville.

188 ans plus tard, Pune où les établissements d'enseignement supérieur se sont multipliés est une ville universitaire de renommée internationale. En 2008 elle a accueilli 10000 étudiants étrangers, soit 40 % des étudiants étrangers en Inde, (alors que sa population représente 0,5% de celle du pays). Comme toutes les villes du monde structurées par l’enseignement supérieur, Pune connait le développement d’une urbanité particulière autour de sa jeunesse cosmopolite. Leur arrivée massive a favorisé le secteur de l’immobilier aux marges de la ville (près de l’université), mais aussi stimulé la croissance des lieux de divertissement : cinémas, lieux de restaurations, boites de nuits.

Au-delà de cette ville, c'est le pays tout entier qui émerge en tant que destination pour les étudiants étrangers. Pour l’année universitaire 2007-2008, l’Association des Universités Indiennes en recense 21206.

Trajectoires divergentes

Les stratégies et les trajectoires académiques de ces étudiants étrangers varient selon leur origine géographique. Les étudiants occidentaux, minoritaires, bénéficient dans leur pays d’origine d’infrastructures académiques de qualité. La curiosité et l’attrait pour un contexte culturel différent sont des éléments récurrents de leur discours.

Célia, Française de 20 ans en licence de Sciences et Technologies, explique son choix :

Je ne savais pas choisir en Extrême-Orient ou en Asie. Du coup finalement, j’ai pris la différence. J’étais aussi très curieuse parce que l’on parle beaucoup de l’Inde même depuis la France. Je sentais par intuition qu’il devait y avoir une différence fondamentale et ça m’intéressait de voir ce qu’on mettait derrière l’Inde, tous ces chiffres et à côté de ça les reportages d’ARTE avec les petits enfants dans les poubelles (...) Moi je ne suis pas venue en Inde en me disant : “Je vais à Harvard et je vais avoir un super niveau, et je vais mettre ‘University of Pune’ sur mon CV et tout le monde va être très fier de moi”. Je vais mettre “University of Pune”, sur mon CV, j’en serai contente. Je saurai valoriser cet enseignement-là, mais pas pour sa qualité académique.

Le modèle économique de l’Inde émergente attire également.

Naima en année d’échange dans le département de Sciences Politiques de l’Université de Pune, témoigne :

L’idée, lorsque je suis venue en Inde, ce n’était pas vraiment, voire pas du tout centré autour des études (...) Pourquoi l’Inde ? Parce que l’Inde est censée être avec la Chine un des pays les plus en vogue en ce moment (...). On dit beaucoup de choses de l’Inde. D’une certaine manière elle est en plein développement. L’expérience que l’on a de l’Inde vaut toutes les meilleures facs des États-Unis. C’est vraiment une aventure et une opportunité incroyable, vraiment très très enrichissante au niveau du développement personnel de pouvoir faire à 20 ans, 21 ans une année en Inde et de voir vraiment ce que peut être le pays, voir ce que peut être l’éducation d’un pays émergent qui pourra devenir une grande puissance d’ici 30 années.

Les étudiants africains, sur lesquels je concentre alors mon terrain de recherche, migrent faute de formations universitaires de qualité dans leur pays. L'occident est devenu trop cher, et il est de plus en plus compliqué d'obtenir un visa pour la France, les Etats-Unis ou le Canada. En Inde, la vie et  les études sont abordables, le visa une formalité administrative, et certaines filières universitaires réputées de qualité.

Julien, originaire du Congo-Kinshasa témoigne :

Après le bac j’ai voulu faire de l’informatique. Étant donné que je ne pouvais pas avoir des bonnes études informatiques dans mon pays, j’ai opté pour l’étranger, un pays asiatique de préférence. L’Inde parce que le coût des études et frais de subsistance est très bas pour quelqu’un venant d’Afrique et n’ayant pas de bourse. Et aussi à cause du bon niveau et la bonne réputation informatique.

Raphaël, Congolais, étudiant en sciences physiques appliquées, explique :

Les études sont moins chères et ici j’ai la facilité de faire tout ce que je veux en Information Technologie sans trop d’acrobaties.

Ces attentes expliquent les frustrations lorsque la qualité de l'enseignement n’est pas au rendez-vous.

Yannick, Camerounais, étudiant à l'Université de Pune:

Par exemple, vous vous rendez dans votre classe pour la première fois et le professeur commence son cours en anglais et soudain il passe au marathi, qui est une langue complètement différente que vous ne pouvez pas comprendre. C’est très drôle et triste à la fois, parce que le médium de l’éducation est l’anglais. Mais la réalité est que, dans la plupart des collèges de Pune, les cours sont donnés en marathi. Et quand vous vous plaignez, et que vous dites au professeur que vous ne suivez pas, soit il vous ignore, soit il dit que c’est juste une minorité (...) Pour être honnête, quand je suis arrivée ici il y a cinq ans, j’avais vraiment des attentes, pas vraiment de grandes attentes, mais des attentes qui, j’en ai peur, n’ont pas été comblées... J’ai été déçu dans une certaine mesure par la qualité de l’enseignement ici et les infrastructures.

Ornella, Congolaise, ne conseillerait pas l’Inde à ses proches :

En ce qui me concerne, je ne me sens pas encore très confortable par rapport à mes études. Je suis en train de suivre une formation qui durera deux ans “en principe”, donc quatre semestres. J’ai déjà fait sept mois et je ne suis pas prête de terminer le premier semestre. Je souhaitais m’inscrire dans une université, mais l’inscription m’a été refusée parce qu’il y a des restrictions par rapport aux facultés pour les étrangers.

A l'époque, aucun n'aborde le sujet du racisme et des difficultés d'intégration dans la société indienne. C'est pourtant une réalité que me frappe dès mon arrivée en Inde. Depuis, la situation a, me semble-t-il, empiré.  Tapez "étudiants africains" et "Inde" dans un moteur de recherche  et vous verrez défiler les billets, nombreux, relatant au mieux un climat de méfiance, au pire des discriminations quotidiennes et actes racistes. Un  exemple édifiant : en Novembre 2013, Dayanand Mandrekar, ministre de l'état de Goa et membre du parti nationaliste hindou (Bharatiya Janata Party) comparait les Nigérians présents dans son état à un cancer.

Promouvoir l'enseignement supérieur indien

Le programme pour la promotion de l’enseignement supérieur indien à l’étranger (Promotion of Indian Higher Education Abroad – PIHEAD) prévoit depuis 2003 la mise en place d’une politique d’immigration favorable aux étudiants étrangers, la création de postes d’Attachés à l’Éducation dans les ambassades pour promouvoir les études en Inde, des structures d'accueil pour les étudiants étrangers sur le territoire indien.

Le programme financerait également des campagnes d’information au Moyen-Orient, en Asie du Sud-est et en Afrique.

Les 8 et 9 avril 2008 se déroulait à New Delhi le premier sommet Inde - Afrique. Deux jours durant, les autorités indiennes et des représentants du continent africain ont débattu des modalités d’un avenir commun entre les deux aires géographiques.  Le premier ministre indien annonçait alors une augmentation du nombre de bourses accordées aux étudiants africains. En 2010, l’Indian Council for Cultural Relations, institution publique en charge de ce plan d'action proposait sur son site 249 bourses aux étudiants africains, en 2013 : 900.

27 mai 2014, Claire Hazoume

Source : atelier.rfi.fr

 

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