jeudi 4 juillet 2024 20:11

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230 millions de migrants dans le monde, des flux qui ne cessent d'augmenter

Deux cent trente-deux millions de migrants vivaient à l'étranger en 2013. Les migrations du travail ont progressé et, malgré un contexte d'inquiétude devant la mondialisation et ses compétitions économiques et sociales, ce dynamisme migratoire est une bonne chose pour l'économie mondiale, estime l'Organisation internationale du travail (OIT).

UN DÉBAT « POLLUÉ PAR DES THÈSES RACISTES »

Lors de la séance d'ouverture de la 103e Conférence internationale du travail (CIT), mercredi 28 mai à Genève, le directeur général de l'OIT, Guy Ryder, a accueilli les représentants des gouvernements, des employeurs et des salariés des cent quatre-vingt-cinq pays membres en plaidant pour une « migration équitable ». « Les migrations sont trop souvent associées à des abus à l'encontre des travailleurs vulnérables et représentent un enjeu politique de taille », a-t-il dit. Alors que les élections européennes ont montré la progression des votes populistes et identitaires, l'OIT souligne que le débat sur la migration et le multiculturalisme ne doit pas être « pollué par des thèses racistes et xénophobes ».

Liés à mondialisation, à l'évolution démographique, aux conflits, aux inégalités de revenu ou encore au changement climatique, les flux migratoires s'amplifient. Toujours plus de personnes franchissent les frontières pour trouver un emploi. Ainsi, « 30 % des jeunes d'Asie du Sud et d'Afrique subsaharienne souhaiteraient s'installer de façon permanente à l'étranger », indique l'OIT, dans un rapport publié pour la CIT.

En 2013, les migrants représentaient 3 % de la population mondiale, et leur nombre a augmenté de 57 millions depuis 2000. Si la crise économique mondiale de 2008 et des années suivantes a ralenti le mouvement, l'OIT estime que « les migrations s'intensifieront probablement dans un avenir prévisible ». Les directions de ces flux ont évolué, et les mouvements Sud-Sud se sont accentués. De 2000 à 2013, ils ont constitué 57 % de l'ensemble des flux migratoires.

Le schéma indique uniquement les flux d'au moins 140 000 migrants. Les arcs les plus gras représentent les flux plus importants. Les deux barres extérieures graduées indiquent le flux total de migrants (barre intérieure) et le nombre d'émigrants, en provenance et à destination d'une région. Les chiffres indiquent le nombre de migrants en centaines de milliers. (Graphique de Nicolas Sander dans rapport OIT 2014 (Science, vol 343, 28/03/2014.)

48 % DES MIGRANTS SONT DES FEMMES

La crise des économies développées, une certaine amélioration de la qualité des emplois et des revenus dans les pays émergents expliquent ces changements. L'OIT cite l'exemple de l'augmentation considérable de la migration vers le Moyen-Orient. Le taux de croissance annuel des migrations vers cette région du monde était de 6,9 % durant la première décennie du siècle, alors qu'il n'était que de 0,8 % de 1990 à 2000.

Aujourd'hui, 48 % des migrants sont des femmes. En Asie, cette moyenne tombe à 41,6 %. Et selon les chiffres des Nations unies, les 20-34 ans représentent 28 % des migrants internationaux, quand les moins de 20 ans en représentent 15 %.

Mais les éléments statistiques ne disent pas l'essentiel du message qu'a délivré Guy Ryder à la tribune de la CIT. « Les migrations sont un vaste phénomène qui s'amplifie. Nous sommes tous d'accord qu'elles peuvent contribuer dans une très large mesure à la croissance et au développement », a-t-il déclaré. Derrière les chiffres qui soulignent la durabilité des phénomènes, l'OIT et d'autres organismes, comme la Banque mondiale, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ou encore l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), insistent sur l'intérêt économique de ces migrations, le plus souvent motivées par le travail.

BIENFAITS DE L'IMMIGRATION SUR L'ÉCONOMIE

« Selon une estimation, une augmentation de 3 % du nombre de travailleurs migrants des pays en développement vers les pays à revenu élevé se traduirait en 2025 par des gains de 356 milliards de dollars [262 milliards d'euros] pour l'économie mondiale, soit une progression de 0,6 % du revenu mondial », écrivent les auteurs du rapport, en se fondant sur des données de la Banque mondiale. Les migrants contribuent plus aux impôts et aux charges sociales qu'ils n'en reçoivent de bénéfices, explique ainsi l'OCDE, dans une note publiée le 20 mai, consacrée aux bienfaits de l'immigration sur les économies des pays de l'OCDE.

La main-d'œuvre immigrée ne représente donc pas un danger pour les salariés natifs d'un pays. Ils sont plus exposés, vulnérables et sont les premiers à perdre leur emploi. Si les « entrants » avaient le même taux d'emploi que les travailleurs natifs, le gain fiscal serait notable et le produit intérieur brut progresserait de 0,5 % en France, indiquent les auteurs.

FIN DU CONCEPT DE L'« UTILITÉ OPTIMALE »

Mais là encore, l'OIT se défend de n'avoir qu'une approche économique de la question : « Considérer la libre circulation des personnes comme le pendant naturel de la libre circulation des biens, des services et des capitaux constituerait une simplification excessive et contre-productive. » Le 10 mai 1944, dans la déclaration de Philadelphie définissant ses objectifs, l'OIT déclarait : « Le travail n'est pas une marchandise. » L'« utilité optimale » de la main-d'œuvre immigrée n'est plus le critère de légitimation des flux internationaux. « Nous devons dépasser les débats sur les chiffres, les flux et les envois de fonds pour aboutir à des mesures concrètes qui corrigent une gouvernance vraiment défaillante dans le domaine migratoire », a déclaré M. Ryder à Genève.

Président pour un an, depuis le 1er janvier, du Groupe mondial sur la migration (GMM), qui réunit quinze agences des Nations unies (Unesco, Banque mondiale, Agence des Nations unies pour les réfugiés, ONU Femmes, Organisation mondiale de la santé, etc.) et l'OIM, le directeur de l'OIT insiste sur les risques d'une mauvaise approche de la migration, dans un contexte de tensions économiques. Les immigrés « ne devraient pas être perçus comme une réserve de main-d'œuvre taillable et corvéable à merci, internationalement mobile au gré des besoins », dit-il.

23 258 MORTS OU DISPARUS AUX FRONTIÈRES DE L'EUROPE

Les politiques de restriction de l'accès aux marchés du travail, de renforcement des contrôles aux frontières, ne font qu'aggraver le problème. Les contraintes et les restrictions, loin de décourager les migrants, figent leur mobilité. Installés dans un pays, ces salariés étrangers ne prennent pas le risque d'en repartir, même s'ils ont perdu leur emploi, de crainte de ne pouvoir y revenir. Environ 10 à 15 % du total des flux concerneraient la migration irrégulière. Ce sont les populations les plus vulnérables, rappelle l'OIT.

Entre 2000 et 2013, 23 258 personnes seraient mortes ou disparues en tentant de gagner l'Europe, a révélé une équipe de journalistes spécialisés dans une enquête publiée sur le site Internet The Migrants Files. « Le nombre considérable d'hommes et de femmes qui sont contraints d'aller chercher du travail loin de leur patrie est un motif d'inquiétude. Malgré leurs espoirs d'un avenir meilleur, ils se heurtent souvent à la défiance et à l'exclusion, pour ne rien dire des tragédies et des catastrophes qu'ils traversent », a déclaré le pape François dans un message aux quelque trois mille délégués de la CIT.

29.05.2014, Rémi Barroux

Source : Le Monde.fr

 

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